Modernisme

Le modernisme apparaît progressivement au milieu des années 1910, grâce aux progrès techniques et industriels, ainsi qu’avec le développement des nouveaux moyens de transport et de communication. Les modes de vie s’en trouvent bouleversés et un certain nombre d’artistes voit en l’homme de demain, un “Homme nouveau”.

Cafetière
Jean Luce (1895-1964), créateur ; Montereau (HBCM), manufacture
Paris, 1932 (création) ; Montereau, 1933 (fabrication)
Faïence
H. : 20 cm - L. : 18 cm - Diam. : 9,5 cm
Don Bizot, 1991
Inv. 991.1091
© DR © Photo : MAD, Paris / Jean Tholance

Pour satisfaire les besoins de celui-ci, et dans la lignée des Arts & Crafts et des Wiener Werkstätte, les créateurs, qu’ils soient membres de De Stijl, du Bauhaus ou encore de l’UAM (Union des artistes modernes), se libèrent de l’ornement pour offrir à l’usager une nouvelle “machine à habiter”. Une conception renouvelée de l’espace intérieur émerge, où, l’“équipement” remplace le “décor” de la maison dans un environnement ouvert, dépouillé, clair et lumineux.

Contexte / influence

Maquette d’affiche Paris 1925. Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes
René Prou (1887-1947)
France, 1925
Papier cartonné, gouache, mine de plomb, encre
H. : 52 cm - l. : 38,5 cm
Inv. 11343
© Famille Pierre Frey © Photo : MAD, Paris / Cyrille Bernard

En 1925, lors de l’Exposition Internationale des Arts décoratifs et industriels modernes qui se tient à Paris, se forme un nouveau rapport à l‘habitat, en réaction à l’émergence des récentes utopies artistiques, architecturales et sociales. Deux ans après la diffusion des Cinq points de l’architecture de Le Corbusier, la création en 1929 de l’UAM, l’Union des artistes modernes, synthétise les idées émanant des diverses expositions internationales, où étaient questionnés les fondements de la modernité. Face à cette diffusion importante de l’avant-garde, des débats sur la prédominance de l’artisanat ou de l’industrie dessinent de nouveaux liens entre l’art et la vie, qui remettent en cause la hiérarchisation des arts majeurs et mineurs.

Formes

Table de librairie
André Hermant (1908-1978)
France, 1937
Tôle d’acier pliée, soudée et peinte, dalle de verre
H. : 92 cm - L. : 200 cm - l. cm : 65 cm
Don Mme André Hermant, 1980
Inv. 48346
© DR © Photo : MAD, Paris / Jean Tholance

Influencées par le cubisme, le constructivisme, l’expressionnisme, le purisme, mais aussi par les créations des Wiener Werkstätte, de de Stijl ou encore du Bauhaus, les formes et les lignes se simplifient, marquées par l’usage de matériaux novateurs, à l’instar du tube de métal et du verre. Mart Stam, avec sa chaise S33 (1926), révolutionne la création mobilière et ouvre la voie à de nouveaux types de sièges. S’en suivront les assises iconiques de Ludwig Mies van der Rohe, Marcel Breuer, Le Corbusier et Charlotte Perriand ou encore les créations hybrides d’Eileen Gray.

Ornements

[Coiffeuse de la princesse Aga Khan]
René Herbst (1891-1982)
Paris, vers 1932
Acier chromé, miroir, métal peint
H. : 71,5 cm - L. : 109 cm - l. : 60 cm
Achat de l’État, 2008
© DR © Photo : MAD, Paris / Jean Tholance

Dans son livre manifeste « Ornement et Crime » (1908), l’architecte viennois Adolf Loos propose de rejeter toute forme de décor superflu, pour ne garder de l’architecture et du mobilier, l’essence même de la fonction. Plus de matériaux luxueux, plus d’ornement inutile, et bientôt la loi du ripolin qui fera de tout intérieur moderne, un environnement blanc et hygiéniste. L’espace épouse les règles de l’architecture dans son plus strict dépouillement. Il s’agit dorénavant de privilégier le confort du corps au détriment de l’ornement.

Matériaux

Fauteuil
Georges-Henri Pingusson (1894-1978)
Paris, 1932
Tube métallique et croisillons de métal, peint en rouge, bois
H. : 70,5 cm - L. : 63 cm - Prof. : 57 cm (sans garniture)
Acquis grâce au mécénat de Fabergé, 1998
Inv. 998.87.2
© DR © Photo : MAD, Paris / Jean Tholance

Plutôt que les matières subtiles et précieuses de l’Art déco, à l’instar des laques somptueuses, des bois rares et précieux, du galuchat ou encore des incrustations de nacre ou d’ivoire, le modernisme choisit une tout autre forme d’expression : celle de la simplicité à travers une ligne de conduite rationnelle, mêlant dernières recherches sur les ciments et les bétons, mais aussi sur le verre, les récents plastiques (bakélite et ébonite), les bois peints, le caoutchouc et le tube d’acier cintré chromé ou nickelé. Le métal apparait comme le matériau de l’avenir, ses caractéristiques et ses qualités répondant aux exigences de propreté, d’hygiène, de simplicité, propres aux créateurs modernes. Sa résistance et sa légèreté permettent la création de formes nouvelles.

Invention / création (meubles nouveaux)

La nouvelle organisation de la vie domestique, rationnelle et multifonctionnelle, amène les créateurs à développer la standardisation et la production en série, ainsi que le principe de modularité. Les qualités du métal offrent au mobilier la possibilité d’être démontable, ajustable, démultipliable. Avec l’ouverture des espaces de vie, souvent accompagnés de la suppression des cloisons, l’architecture fusionne avec le mobilier, désormais intégré. Les meubles jusqu’alors mobiles deviennent de véritables éléments d’architecture intérieure, renouvelant le rapport corps/espace pour atteindre une nouvelle forme harmonie au sein de l’habitat.

  • Coiffeuse-paravent

    Eileen Gray (1878-1976)
    France, 1926/1929
    Pin de l’Orégon (pitchpin), contreplaqué, liège, aluminium, verre, traces de peinture bleu turquoise.
    H. : 161 cm - L. : 60 cm - Prof. : 16.50 cm
    Don Madeleine Goisot, 1967
    Inv. 41349
    © DR © Photo : MAD, Paris / Jean Tholance

    Conçue en 1926 par la créatrice irlandaise Eileen Gray, la coiffeuse-paravent, révolutionnaire dans sa fonction, vient offrir, une fois accrochée perpendiculairement au mur de la chambre, au-delà d’une simple fonction de rangement, un espace d’intimité dédié à la toilette. Ses lignes, épurées comme élégantes, répondent à l’architecture de la villa E 1027, icône de la modernité, conçue à quatre mains par Eileen Gray et Jean Badovici. Ici, les pièces de mobilier comme la coiffeuse-paravent répondent à tous les standards d’un nouveau mode vie où fusionnent dorénavant dans une forme de modernité lyrique l’espace, le corps et l’âme. Ce modèle-ci de coiffeuse fut conçu pour le studio de Jean Badovici à Paris dans ce même esprit moderne qu’à la villa E 1027 et dans l’intention de séparer le salon d’un minime espace intime.

  • Table à thé à deux plateaux

    Jean Burkhalter (1895-1982)
    Paris, vers 1930
    Acier étiré, émaillé, plateaux en chêne
    H. : 68 cm - L. : 60 cm
    Don des héritiers de Monsieur Jacques Burkhalter, 2008
    Inv. 2008.25.1
    © DR © Photo : MAD, Paris / Jean Tholance

    Figure majeure du modernisme en France, Jean Burkhalter participe régulièrement aux expositions de l’Union des Artistes Modernes (UAM), dont il est l’un des membres fondateurs depuis 1929. Créateur multidisciplinaire, il privilégie la réalisation d’un mobilier léger, facile à déplacer, alliant notamment le bois et le tube métallique, ou encore la tôle émaillée, à l’instar de cette table à thé. Simple et fonctionnelle, celle-ci est composée d’un plateau inférieur pour les pièces de service et d’un niveau supérieur pour déposer les tasses. Don de la famille de l’artiste, elle fut présentée lors de la première exposition de l’UAM en 1930 au Musée des Arts Décoratifs.

  • Chaise longue basculante B306

    Le Corbusier (Charles-Édouard Jeanneret dit) 1887-1965) ; Charlotte Perriand (1903-1999) ; Pierre Jeanneret (1896-1967) ; édité par Thonet
    France, 1928 (création du modèle) et 1930 (édition)
    Piètement en tôle d’acier peinte, structure en tube d’acier chromé, caoutchouc ; sans garniture
    H. : 80 cm - L. : 160 cm - Prof. : 50 cm
    Achat, 1966
    Inv. 40116
    © Adagp, Paris © Photo : MAD, Paris / Jean Tholance

    Présentée au Salon d’Automne de 1929, le premier modèle de cette chaise longue basculante réalisé par le trio Le Corbusier, Charlotte Perriand et Pierre Jeanneret, est ensuite édité l’année suivante sous le nom de B306 par la firme Thonet. Conçue avec des matériaux nouveaux pour l’époque, comme le tube en acier, cette assise mêle formes épurées et fonctionnelles. Adaptée à la position du corps, avec son appuie-tête et son inclinaison variable, celle-ci est pensée de manière rationnelle, tel un équipement pour la vie quotidienne, afin d’optimiser le confort de son usager. Pendant les années 1940, Perriand en fabrique une nouvelle version en bambou. Aujourd’hui considérée comme une icône de la modernité, cette chaise longue est, depuis les années 1960, diffusée par Cassina sous le nom de LC4.

  • Lampe de bureau

    Jacques Le Chevallier (1896-1987), en collaboration avec René Koechlin (1866–1951)
    Paris, vers 1927
    Aluminium et ébonite
    H. : 30 cm
    Don Andrée Mallet-Stevens en souvenir de son mari, 1958
    Inv. 38095
    © Adagp, Paris © Photo : MAD, Paris / Jean Tholance

    Cette lampe de Jacques Le Chevallier provient de l’agence d’architecture de Robert Mallet-Stevens, située au 12 rue Mallet-Stevens à Paris. Pensée comme une véritable sculpture, elle puise ses formes dans les principes rationalistes qui émergent pendant l’entre-deux-guerres. Sobre et fonctionnelle, ce luminiaire est composé de matériaux nouveaux, comme l’aluminium et l’ébonite, l’un des premiers matériaux plastiques. Son diffuseur semi-cylindrique permet de canaliser l’intensité de la lumière, tandis que sa base sert de porte-crayons. Le Chevallier présente un modèle semblable lors de la première exposition de l’Union des Artistes Modernes au Musée des Arts Décoratifs en 1930.

  • Horloge

    Création L. de Commines
    H. : 32 cm - L. : 32 cm - Prof. : 3 cm
    © MAD, Paris / Laurent de Commines

    Avec la modernité, l’horloge se montre de plus en plus discrète jusqu’à en perdre même parfois sa propre monture ne laissant place qu’aux simples aiguilles et numéros. Comme les dessine Robert Mallet-Stevens dans la villa Cavroix, les horloges deviennent dès lors des appels graphiques dans l’espace, des éléments du temps en suspension. Laurent de Commines répond donc ici, par son dessin contemporain, à l’esthétique des modernes, dessinant au-dessus de la porte les éléments graphiques, symboles, au-delà d’un «  Esprit Nouveau  », comme le citait Le Corbusier, d’un temps nouveau.