Renaissance

La frontière historique traditionnellement établie entre le Moyen Âge et l’époque moderne à la charnière du XVe siècle et du XVIe siècle paraît arbitraire : la Renaissance en France prend ses racines dès la fin de la guerre de Cent Ans, sous Charles VII (1403-1461), pour s’épanouir jusqu’au règne d’Henri II (1547-1559). Elle amène à sa suite nombre de mutations politiques, économiques, sociales et intellectuelles, au point que l’on parle parfois non pas de « la » mais « des » Renaissances.

Verre à jambe, façon de Venise
Probablement France, fin du XVIe siècle
Verre soufflé, soufflé-moulé et modelé à chaud
H. 16,4 cm - D. max. 15,3 cm
Acquis grâce au mécénat de Michel et Hélène David-Weill, 2001
Inv. 2000.1.1
© MAD, Paris

Le tournant entre les deux siècles est marqué par l’action de Charles VIII (1483-1498) qui, revendiquant le royaume de Naples, s’élance dans les guerres d’Italie. Son successeur Louis XII (1498-1515) épouse sa veuve Anne de Bretagne et participe à l’affirmation d’un royaume prospère, mais disparaît sans héritier mâle. Il laisse donc le pouvoir à François Ier (1515-1547) qui poursuit l’épopée militaire italienne au cœur d’une période d’enrichissement marquée par l’essor du commerce et de l’industrie. Il se dresse parallèlement, au prix d’une lutte longue et dispendieuse, en farouche rival du puissant Charles Quint. Son fils Henri II (1547-1559) participe à la centralisation du pouvoir monarchique mais ne parvient pas à empêcher la montée d’une crise intérieure à la fois financière, tranchant avec la magnificence culturelle du milieu du siècle, et religieuse, due aux tensions entre catholiques et protestants.

Contexte / influence

Tapisserie « Le roi »
France (Paris ?), vers 1520
Laine et soie
H. : 234,5 cm - L. : 263,5 cm
Don Jules Maciet, 1890
Inv. 6200
© MAD, Paris / Jean Tholance

Contrairement aux idées reçues, l’apport italien à l’art français, déjà initié par l’influence de la peinture siennoise du XIVe siècle en Avignon ou encore le séjour dans la péninsule d’artistes français tel que le peintre du roi Jean Fouquet au XVe siècle, ne date pas des expéditions de Charles VIII et Louis XII. Cependant, l’arrivée d’artistes italiens sur les chantiers des châteaux d’Amboise et de Blois, comme la percée de la pensée humaniste et le goût pour l’antique (activé par la diffusion de la gravure et la redécouverte à Rome des fresques de la Domus Aurea de Néron à partir des années 1480), introduisent progressivement les éléments d’un style transitoire empreint d’une richesse ornementale nouvelle. C’est François Ier, profondément épris de l’Italie, qui s’imposera finalement en grand ordonnateur du rayonnement italien, au travers des travaux entrepris dans la vallée de la Loire et dans son palais de Fontainebleau : sa galerie, chef-d’œuvre de Rosso Fiorentino et du Primatice, constitue un véritable manifeste artistique de la Renaissance en France et fascinera des générations d’artistes.

Formes

Armoire à deux corps
Île-de-France, fin du XVIe siècle
Noyer, partiellement doré, incrustation de marbre
D’après des gravures de Philippe Galle
H. : 205 cm - l. : 105 cm - Prof. : 50 cm
Legs Alexandrine Grandjean, 1923
Inv. GR 801
© MAD, Paris

Lors de la Première Renaissance (1490-1530), bien que le décor italianisant fasse ses premières apparitions, la structure du meuble demeure médiévale, articulée autour d’une armature géométrique et fonctionnelle. Au début du XVIe siècle, l’assemblage à coupe d’onglet, qui facilite le raccordement des moulures, devient courant. Alors que le mode de vie de la Cour reste itinérant, le coffre, à couvercle plat, reste une pièce fondamentale de l’ameublement.

Lors de la Seconde Renaissance (1530-1590), sièges, tables, armoires et dressoirs, dont les formes sont marquées par l’architecture gothique, puis par les ordres antiques, vont s’alléger. Le style évolue dans une veine toujours plus décorative, parfois tempérée par les survivances médiévales ou les spécificités locales. La seconde moitié du XVIe siècle affirme le succès de l’armoire à deux corps, de la table de milieu à rallonges, ou encore du siège en « X » déjà présent au Moyen Âge. Les accotoirs des sièges s’évident vers des formes plus légères.

Ornements

Panneau à médaillons
France, 1re moitié du XVIe siècle
Noyer sculpté
L. : 100 cm - l. : 46 cm
Legs Émile Peyre, 1905
Inv. PE 1088
© MAD, Paris / Jean Tholance

La transition du gothique tardif à la Renaissance impacte également le répertoire décoratif. Panneaux à « plis de serviette », contreforts et motifs répétitifs feuillagés cohabitent désormais, au début du XVIe siècle, avec les pilastres, coquilles, têtes de profil en médaillon, candélabres, arabesques et rinceaux organisés symétriquement dans un décor « a grottesco ». Ces motifs prennent bientôt le pas sur les résurgences gothiques. Le renouveau décoratif se développe considérablement à partir de 1530 au sein de l’élégante École de Fontainebleau, s’exprimant sur les façades du mobilier comme sur les hauteurs des lambris. Sous l’influence des ornemanistes et des graveurs, tels que Hugues Sambin ou Jacques Androuet du Cerceau, cariatides, chimères, mascarons, cartouches, festons, pennes, oves, feuilles d’acanthe, personnages allégoriques et scènes mythologiques ornent parfois, en très haut relief, des meubles architecturés (avec fronton, entablement ou colonnes) d’un raffinement presque maniériste, alors que le style « Île-de-France » montre une tendance plus sobre et délicate, témoignant d’adaptations régionales.

Matériaux

Le bois massif est privilégié par les menuisiers et les sculpteurs. Si le chêne est toujours utilisé, le noyer est bientôt préféré à la Renaissance pour sa teinte nuancée, la finesse de son grain et sa plus grande malléabilité. Le cèdre ou le cyprès sont employés plus exceptionnellement. La technique de l’incrustation, venue d’Italie, est l’une des assimilations notables du mobilier à la Renaissance : à l’intérieur des cavités creusées dans le support principal, sont insérés des éléments d’essences de bois ou de matières différentes (marbre par exemple), créant des effets de contraste et de polychromie dans de véritables « tableaux ». Certains meubles étaient peints et dorés. Les sièges commencent à se doter plus régulièrement d’assises garnies de textile.

Invention / création (meubles nouveaux)

Caquetoire
France, fin XVIe siècle
Noyer
H. : 119 cm - l. : 60 cm - Prof. : 37 cm
Legs Émile Peyre, 1905
Inv. PE 1116
© MAD, Paris / Jean Tholance

La Renaissance apporte un certain nombre d’innovations formelles et de variantes adaptées aux usages de l’époque. Répondant au même souci de fonctionnalité qu’en son temps la table à tréteaux médiévale, la table sculptée, munie de rallonges et d’une élégante entretoise, se généralise à partir du milieu du XVIe siècle.

Le siège tend quant à lui vers un allègement de sa structure : dans la catégorie des assises apparaît la « caquetoire », vers 1580, de forme trapézoïdale à haut dossier et fins accotoirs à bras ouverts. Destinée aux femmes et permettant de déployer une ample robe, elle tiendrait son nom du verbe « caqueter » signifiant bavarder.

  • Coffre dit « des travaux d’Hercule »

    France, daté 1546
    Noyer sculpté
    H. : 80 cm - L. : 161 cm - Prof. : 64 cm
    Legs Émile Peyre, 1905
    Inv. PE 1114
    © MAD, Paris / Jean Tholance

    L’importance du coffre (omniprésent au Moyen Âge), ne se dément pas à la Renaissance où il se pare d’un décor recherché, marqué par le style italianisant. Il est composé en façade d’un long panneau assemblé à tenons et mortaises et figure quatre des douze travaux d’Hercule, scandés par des pilastres cannelés à chapiteau, sous des arcs en plein cintre sur fond d’architecture (« tempietto », niches, loggias et dôme). L’inspiration des références antiques véhiculées par la gravure est visible : l’image du lion de Némée s’avère ici très proche de celle réalisée sur les plaquettes de bronze par l’orfèvre italien Moderno vers 1500.

  • Siège en « X »

    Italie, XVIe siècle
    Noyer recouvert de velours
    H. : 85 cm - L. : 60 cm - Prof. : 48 cm
    Legs Augustine Bulteau, 1923
    Inv. 23468
    © MAD, Paris / Jean Tholance

    Le siège en « X » ou « faudesteuil » tire son origine de la chaise curule romaine. Provenant d’Italie, il est lié à l’idée de pouvoir et prend diverses formes, dont le modèle dit « dantesca » ou « à tenailles » est une variante répandue et très appréciée en France, notamment à la cour d’Henri II. L’assise et le dossier de cette pièce sont garnis de velours (moderne), tandis que les accotoirs courbes sont décorés sur l’extérieur d’une cannelure et entrecroisés en partie centrale avec des montants sculptés d’écailles. L’articulation du siège, pliant, est masquée par un médaillon orné d’une rosace centrale.

  • Table « en éventail »

    France, 2e moitié du XVIe siècle
    Noyer sculpté
    H. : 87 cm - L. : 140 cm - Prof. : 87 cm
    Legs Émile Peyre, 1905
    Inv. PE 1210
    © MAD, Paris / Jean Tholance

    L’influence de l’antique, et plus largement de la culture italienne, impactent un pan très important de l’art mobilier. Cette table de la Renaissance à large piétement sculpté en haut relief de figures hybrides adossées à un écusson, à la ceinture ornée de godrons et de denticules, rappelle amplement le cartibulum romain, table de pierre ou de marbre dont le plateau était soutenu par des chimères. Munie de rallonges mobiles, elle se déploie sur trois supports de bois coulissant, assurant la stabilité de l’ensemble. Les pieds, disposés de part et d’autre du plateau, s’évasent en haut en forme d’éventail. On décèle également, dans cette forme très architecturée, les apports des modèles d’Androuet du Cerceau, fin connaisseur de l’Antiquité.

  • Paire de chandeliers

    Italie, XVIe siècle
    Bronze doré
    H. : 28 cm - Ép. : 14 cm
    Legs Émile Peyre, 1905
    Inv. PE 766 A-B
    © MAD, Paris

    Le chandelier figure parmi les objets d’usage les plus répandus et démontre la présence récurrente du travail de fonderie dans tous les secteurs de la vie quotidienne. Cette paire en bronze doré, représentant un homme et une femme dénudés d’inspiration antique et réalisés en symétrie, atteste d’un souci d’esthétisme constant dans l’Europe de la Renaissance. Chacun d’eux soutient sur sa tête un vase godronné formant le binet.

  • Horloge

    Création Laurent de Commines
    H. : 30 cm - L. : 15 cm - Prof. : 10 cm
    © MAD, Paris / Laurent de Commines

    Au XVIe siècle, l’horlogerie est devenue une spécialité d’une grande complexité technique, synonyme de perfectionnement des mécanismes et des pièces. Posséder une horloge portative ou encore une montre est alors un signe d’appartenance à une classe sociale élevée. Les premiers centres de fabrication se développent en Europe, notamment en France et en Allemagne, dans les grandes villes et au service des cours royales. Les commanditaires n’hésitent pas à faire réaliser de véritables petits chefs-d’œuvre de métal doré, de forme hexagonale ou ornés d’un décor gravé.