Moyen Âge tardif

Les XIVe et XVe siècles sont marqués par les heurts qui opposèrent la France à l’Angleterre durant la guerre de Cent Ans, longue lutte entrecoupée de rebondissements et d’accalmies.

Baiser de paix
Limoges, XIVe siècle
Cuivre champlevé, émaillé et doré
Inv. 48631
© MAD, Paris / Jean Tholance

En dépit des évènements, la création artistique connaît, dans plusieurs capitales et cours européennes, un épanouissement remarquable dû à l’action personnelle de mécènes, princes et souverains. Ce phénomène s’affirme au sein de la noblesse comme de la bourgeoisie aisée et s’illustre particulièrement, au-delà des commandes de retables destinés aux églises, dans les arts précieux et le décor de la demeure privée. La fin du conflit en 1453 engendre une reprise économique et démographique, palpable sous le règne de Louis XI (1461-1483).

Contexte / influence

Scabelle
France, vers 1480
Chêne sculpté
H. : 55,5 cm - L. : 45,5 cm - l. : 27 cm
Legs Émile Peyre, 1905
Inv. PE 1074
© MAD, Paris / Jean Tholance

Au Moyen Âge, les meubles et autres petits ouvrages sont réalisés par les huchiers ou « charpentiers de petite cognée », en opposition aux « charpentiers de grande cognée », artisans des constructions d’envergure. Si tous appartiennent à la même corporation organisée et hiérarchisée, chaque catégorie revêt une réalité bien différente. Un arrêt du Parlement du 4 septembre 1382 donne aux premiers le nom de « menuisiers », appellation qu’ils ne porteront exclusivement qu’à la fin du XVe siècle, après que Louis XI ait révisé en 1467 leurs statuts par lettres patentes. Les peintures de Jan van Eyck, Rogier van der Weyden ou Robert Campin, les enluminures, sources littéraires et inventaires témoignent avec précision de la diversité et de l’agencement du mobilier au sein des décors intérieurs, français ou flamands, qui présentent d’étroites proximités de style tant les échanges artistiques sont nombreux.

Formes

Le mobilier médiéval est relativement simple, mais varié. Il est fonctionnel et pour les pièces les plus légères, facilement transportable, voire démontable pour répondre aux modes de vie d’une société en perpétuel mouvement. Les robustes coffres et armoires du XIIIe siècle, à la structure massive renforcée par des pentures (pièces de ferronnerie), dont peu d’exemples sont parvenus jusqu’à nous, laissent déjà voir des techniques de fabrication spécifiques.

Dès le XIVe siècle, les assemblages « à tenons et mortaises », « à queues d’aronde » ou « à rainures et languettes » se généralisent et permettent de nouvelles expérimentations. Les formes s’allègent et gagnent en complexité, fortement influencées par les évolutions stylistiques de l’architecture gothique. Le recours à de petits panneaux embrevés dans le cadre du meuble offre alors une surface propice au décor sculpté.

Ornements

Coffre (détail)
France, XVe siècle (fin)
Noyer sculpté
H. : 89 cm - L. : 172 cm - l. : 77 cm
Legs Émile Peyre
Inv. PE 980
© MAD, Paris / Jean Tholance

Répondant en premier lieu à des besoins matériels, les pièces de mobilier (coffres, assises, dressoirs, etc.) apparaissent, dans la seconde moitié du XVe siècle, comme une traduction à petite échelle des lignes de l’architecture gothique flamboyante (1350-1520). Succédant aux arcatures en plein cintre et aux baies géminées, gâbles, pinacles, clochetons, mouchettes et rosaces scandent le répertoire ornemental enrichi de fenestrages aveugles (à orbevoie) ou ajourés (à claire-voie), mêlant arcs brisés et contre-courbes renversées. Cette ornementation montre un souci de profusion croissant bien qu’elle soit encore soumise à la géométrie du meuble. Feuillages découpés de houx et de vigne, créatures du bestiaire médiéval et scènes religieuses viennent également rehausser panneaux et colonnettes. Le « pli de serviette », motif typique du XVe siècle, vraisemblablement issu des draperies feintes représentées sur les peintures murales ou les bas-reliefs, se répand largement jusqu’au début du siècle suivant.

Matériaux

Table à tréteaux
France, 1473/1478
Chêne et châtaignier sculpté à remplage
H. : 86 cm - L. : 60 cm (chaque tréteau)
Inv. 2010.145.1.1.3
© MAD, Paris / Jean Tholance

Le bois est le matériau par excellence : le chêne, solide, est presque exclusivement utilisé au Moyen Âge, tandis qu’il est plus rarement question de meubles en noyer. Les meubles et objets destinés au voyage, comme les coffres notamment, étaient parfois recouverts de cuir (pour les protéger de l’humidité) et dotés de poignées et de serrures. Les assises étaient souvent garnies de tissu pour un meilleur confort, tandis que le mobilier pouvait plus généralement être présenté dans un intérieur tendu de brocarts, soieries, velours ou encore de tapisseries aux coloris éclatants.

Invention / création (meubles nouveaux)

La chaire, pourvue d’un très haut dossier sculpté, s’impose au cours du XVe siècle comme une pièce centrale du mobilier de la demeure seigneuriale. Symbole d’autorité issu de la sphère religieuse, elle est pourvue d’accotoirs et dissimule un coffre dans son assise. À la fin du Moyen Âge, un meuble d’un nouveau genre, lui aussi dérivé du coffre, gagne la faveur des classes aisées désireuses de montrer leur richesse en présentant à leurs hôtes, pièces de vaisselle et ouvrages d’orfèvrerie : le dressoir. Sa conception répond à l’idée d’ouvrir le meuble de rangement non plus sur le dessus mais sur les côtés. Sa structure est variable, tantôt rectangulaire, tantôt à pans coupés, ornée de contreforts ou de pinacles. Recouvert de tissu précieux, il pouvait recevoir armoiries, devises ou décor à fenestrages.

  • Chaire

    Fin du XVe siècle
    Chêne sculpté
    H. : 200 cm - L. : 77 cm - Prof. : 50 cm
    Legs Émile Peyre, 1905
    Inv. PE 1061
    © MAD, Paris / Jean Tholance

    Parfois appelé « cathèdre », ce meuble solennel aux lignes sobres et rigides fait partie intégrante du mobilier de la chambre. Réservé aux seigneurs, il est sculpté, sur la majeure partie du haut dossier, de fenestrages aveugles sur meneaux de style flamboyant, surmontés à la crête d’un réseau d’arcatures ajourées. L’ensemble est constitué de panneaux embrevés (c’est-à-dire emboîtés par le biais d’une rainure) dans le bâti, lui-même assemblé à tenons et mortaises. Les montants postérieurs sont couronnés de fleurons, tandis que le piétement, orné de deux motifs de plis de parchemin en faible relief témoigne, comme les accotoirs, d’une plus grande simplicité de traitement.

  • Paire de tréteaux avec plateau rapporté

    France, vers 1475-1480
    Chêne sculpté
    H. : 86 cm - L. : 209 cm - Ép. : 4 cm - Prof. : 80 cm
    Achat, 2011
    Inv. 2010.145.1.1-3
    © MAD, Paris / Jean Tholance

    Formé d’un plateau supporté par des tréteaux encastrés à tourillons dans les traverses supérieures, ce type de table, transportable dans la chambre ou la grande salle, peut être couvert à l’occasion par un textile. Il est extrêmement répandu au Moyen Âge dans tous les milieux sociaux, bien que les exemplaires connus de nos jours soient rares. Ici, les tréteaux adoptent une forme à fronton triangulaire embrevé (enchâssé) dans les montants et ajouré d’un décor de motifs flamboyants, exprimant la volonté d’un certain raffinement. Le procédé, multifonction, n’était pas dévolu exclusivement à l’usage des repas : les tréteaux pouvaient soutenir une table de travail, d’écriture ou servir de piétement de lit.

  • Lustre à six lumières

    Pays-Bas, XVe siècle
    Cuivre
    H. : 100 cm - L. : 85 cm
    Don Jules Maciet, 1905
    Inv. 11938
    © MAD, Paris / Jean Tholance

    Le lustre était suspendu au plafond ou à la voûte d’un intérieur. Cette pièce dont la tige moulurée est terminée par une figure de la Vierge entourée de rayons, a pu prendre place dans un intérieur privé ou une église. Six branches enroulées de rameaux soutiennent chacune une bougie (en cire, elle est plus onéreuse que la chandelle fabriquée en graisse animale), alors qu’un double mufle de lion tenant un anneau achève l’ensemble. Ce type d’éclairage artificiel, de même que les chandeliers et autres pique-cierges, prend le relais de la lumière naturelle à la tombée de la nuit.

  • Dressoir

    France, fin du XVe siècle
    Chêne sculpté
    H. : 154 cm - L. : 58 cm - Prof. : 51 cm
    Legs Émile Peyre, 1905
    Inv. PE 984
    © MAD, Paris / Jean Tholance

    À la fois meuble de rangement et d’apparat, le dressoir, issu d’une structure simple, se perfectionne dans la seconde moitié du XVe siècle. Il est habituellement constitué de deux parties. Le corps supérieur qui peut être à pans coupés, est pourvu ici d’un vantail fermé sculpté à orbevoie, orné d’une serrure et d’un écusson représentant un château pris dans un fenestrage (les armoiries affirment l’appartenance au propriétaire). On y range des objets de valeur. Les panneaux latéraux sont eux aussi sculptés dans le style gothique français. La base est quant à elle le plus souvent évidée pour permettre d’y montrer un bassin ou un autre objet de céramique ou d’orfèvrerie. Cette forme perdurera au XVIe siècle, où elle s’enrichit de motifs venus d’Italie.

  • Sablier

    Création Laurent de Commines
    H. : 30 cm - L. : 15 cm - Prof. : 15 cm
    © MAD, Paris / Laurent de Commines

    Jusqu’au XIVe siècle, la mesure du temps s’effectue au moyen du cadran astronomique, de la clepsydre ou du sablier, fait d’un cadre de bois et d’une fiole de verre. En France, l’une des premières mentions de ce type d’objet peut être lue dans l’inventaire des biens de Charles V à sa mort en 1380 : une « grande horloge de mer [faite] de deux grandes fioles pleines de sablon » y est décrite. Le sablier, dans la simplicité de son système d’écoulement, est utilisé dans le domaine de la navigation. Apparaissent au milieu du siècle les horloges mécaniques, mues par un poids descendant, avant que ne naisse au XVe siècle le ressort moteur. Peu coûteux, silencieux et fiable dans le séquençage du temps, il accompagnait et concurrençait l’horloge à rouages, dont l’usage devient courant chez les plus aisés, au plus tard dès le début du XVe siècle.