Régence

La Régence désigne la courte période politique qui sépare la mort de Louis XIV (en 1715), de la majorité de Louis XV (1723), durant laquelle le gouvernement est confié à Philippe d’Orléans, neveu du défunt roi. Homme de sciences et collectionneur averti, il aspire à un allègement de l’Étiquette qui se traduit par un désir de légèreté dans l’ordonnancement des appartements.

Vase balustre
Attribué à la fabrique Guillebaud
Rouen, vers 1720-1730
Faïence ; pièce moulée à décor polychrome de grand feu peint d’après poncif
H. : 23,5 cm - l. de la base : 8 cm
Don Félix Doistau, 1922
Inv. 23083
© MAD, Paris / Jean Tholance

Le style Régence apparaît, en fait, dès le début du XVIIIe siècle et dure près de trente ans. Revenue à Paris, la cour retrouve son rôle prescripteur, le goût des fêtes influençant la création. De plus, l’émergence d’une classe financière nouvelle qui cherche à imiter la noblesse donne lieu à des commandes nombreuses, suscitées par un désir de fastes et de reconnaissance sociale.

Contexte / influence

La légèreté à laquelle aspirent les créateurs est en partie due à leur besoin de se libérer de la lourdeur et de la symétrie raide des meubles créés au début du règne de Louis XIV. L’influence de la culture italienne, en particulier l’univers joyeux de la Commedia dell’Arte inspire les artistes. Par exemple, les personnages de Watteau se retrouvent aussi bien sculptés sur les panneaux de meubles et les boiseries qu’en bronze doré.

Formes

Fauteuil
Paris, vers 1720
Hêtre sculpté et doré
H. : 112 cm - l. : 82 cm - Prof. : 86,5
Don Rodolphe Kahn, 1888
Inv. 4563
© MAD, Paris / Jean Tholance

Le tournage est abandonné au profit du bois sculpté, les pieds des meubles et des sièges s’affinent et se tordent en courbes et contre-courbes. Désormais, les entretoises sont davantage décoratives et sur celles des consoles, on dispose des vases en porcelaine. Les proportions des sièges sont moins massives et la recherche du confort génère des formes enveloppantes : les dossiers incurvés ou cintrés remplacent les hauts dossiers raides. Les silhouettes tortueuses des bras de lumière et des chenets évoquent les sarments de vigne. Les faces des commodes, encore imposantes, se dressent progressivement sur des pieds moins courts, tandis que leurs volumes offrent de nombreuses possibilités stylistiques. Les formes cintrées sont de mise tant pour les boiseries que les trumeaux de glace.

Ornements

Armoire (détail)
Attribuée à Nicolas Sageot, ébéniste, Paris, vers 1710
Bâti en chêne ; marqueterie en contre-partie d’écaille sur fond de laiton
H. : 271 cm - L. : 149 cm - Prof. : 61 cm
Legs Albert Bichet, 1920
Inv. 21919
© MAD, Paris / Jean Tholance

Les motifs de treillages et de toiles d’araignée, les coquilles, les ailes de chauve-souris et les palmettes ouvertes largement en éventail couvrent les boiseries sculptées sur lesquelles évoluent parfois des singes costumés aux mimiques et activités humaines. Les espagnolettes, bustes de femme portant des collerettes et des tricornes, se retrouvent sur les meubles de menuiserie ou en bronze doré aux angles des commodes. Issus de la mythologie, masques et mascarons souriants et expressifs ponctuent les panneaux de portes des armoires ou servent d’agrafes. Les figures animales chimériques, en particulier les dragons, remportent un grand succès, leur forme se mêlant aux chantournements des meubles en bois doré et des objets en bronze doré.

Matériaux

Le bois sculpté et doré supplante le bois ciré dans les ouvrages de menuiserie, aussi bien sièges que consoles, tandis que les essences exotiques : palissandre et amarante sont utilisées en placage pour les meubles d’ébénisterie. L’importance du tissu qui recouvrait l’ensemble du dossier et de l’assise est moindre, à mesure que le sculpteur sur bois orne chacune des parties du siège. Le cannage fait son apparition pour les meubles de toilette ou de salle à manger en raison de sa légèreté et de son entretien facile. Majoritairement employé pour l’éclairage et le chauffage : lustre, bras de lumière, chandeliers et chenets, le bronze doré est aussi utilisé pour les plus petits éléments d’applique : poignées, entrées de serrures et sabots, protégeant les parties fragiles des meubles tout en formant un décor raffiné.

Commode double à armoires d’encoignure
Paris, vers 1725
Bâti en chêne et résineux, placage de palissandre et noyer ondé, bronze doré, marbre de Rance
H. : 84 cm - L. : 282 cm - Prof. : 82,5 cm
Achat grâce au Fonds du Patrimoine, 2006
Inv. 2006.1.1
© MAD, Paris / Jean Tholance

Invention / création (meubles nouveaux)

Sous la Régence, le grand bureau plat remplace le bureau à huit pieds tandis que le cabinet et le meuble à deux corps disparaissent au profit des armoires et des commodes. Dès lors, cette dernière est le meuble phare, sa silhouette devient le lieu de nombreuses expérimentations formelles. Grande nouveauté, le fauteuil est désormais à châssis. Signe d’une exigence de confort, les étoffes, fixées sur un cadre amovible, sont changées au gré des saisons. La console en bois doré fait également son apparition, elle peut être fixée directement au mur ou reposer sur deux pieds à l’avant, entraînant une créativité sans limite.

  • Commode en tombeau

    Attribuée à François Garnier
    France, vers 1740
    Bâti en chêne, placage de bois de violette, bronze ciselé et doré, marbre
    H. : 85 cm - L. : 142 cm - Prof. : 84 cm
    Legs Général Muteau, 1931
    Inv. 38193
    © MAD, Paris / Jean Tholance

    Meuble à tiroirs destiné au rangement du linge, la commode est placée dans la chambre à coucher, souvent accompagnée d’encoignures coordonnées et placées dans les angles de la pièce. La quantité de tiroirs est variable, sur celle-ci les six poignées induisent en erreur car elles correspondent à deux petits tiroirs sous le marbre et deux grands tiroirs en partie basse. Le rôle des bronzes dorés comme du plateau de marbre est autant protecteur que décoratif. Les arêtes, les pieds et le dessus de la commode sont ainsi protégés des chocs et dégradations éventuels.

  • Table de carrosse

    France, vers 1720
    Noyer sculpté, acier et acier doré
    H. : 75 cm - L. : 85 cm - Ép. : 50 cm
    Achat, 1961
    Inv. 38633
    © MAD, Paris / Jean Tholance

    Le bureau plat prend sa forme à la fin du règne de Louis XIV, celui-ci dérive du bureau à huit pieds droits, souvent en marqueterie d’écaille et de métal, en usage au siècle précédent. La solidité du bâti a permis d’éliminer l’entretoise et progressivement le nombre de pieds diminuera pour être porté à quatre, sous le règne de Louis XV. Les caissons de tiroirs, moins imposants, ferment à clef afin d’assurer le rangement sécurisé des papiers les plus précieux. De plus, sa grande surface de travail, recouverte de cuir pour le confort de l’écriture, permet d’étaler des documents ou de déployer des cartes. Placé au centre de la pièce, le bureau offrait la possibilité de travailler en vis-à-vis avec son propre secrétaire.

  • Fauteuil

    Louis Cresson, menuisier
    Paris, vers 1735
    Noyer, hêtre sculpté
    H. : 100 cm - Ép. : 83 cm - Prof. : 96 cm
    Don David David-Weill, 1923
    Inv. 32634
    © MAD, Paris / Jean Tholance

    Avec son dossier légèrement incliné vers l’arrière, son assise plus basse et le recul des supports d’accotoirs qui ne sont plus dans l’axe des pieds avant, ce fauteuil témoigne par sa recherche de confort, du nouvel art de vivre prôné sous la Régence. Les lignes courbes, la plus grande part accordée au bois et le travail raffiné du sculpteur, annoncent le style rocaille qui aura tant de succès dans les arts décoratifs sous le règne de Louis XV.

  • Bras à deux lumières

    Attribué à André-Charles Boulle (1642-1732)
    Paris, vers 1715-1720
    Bronze doré et ciselé
    H. : 52 cm - L. : 23 cm
    Don Ernest Grandidier, 1906
    Inv. 12789 B
    © MAD, Paris / Cyrille Bernard

    La lumière dans les intérieurs est une préoccupation constante sous la Régence qui entraîne la multiplication des sources (bougeoirs, candélabres, lustres et bras de lumière) et des éléments pouvant la réfléchir (pendeloques de cristal et glace murale). Au-dessus de la cheminée, le trumeau de glace occupe toute la hauteur du mur, tandis que sur le mur opposé un autre miroir lui fait face. De part et d’autre des miroirs, sont fixés des bras de lumière dont la forme asymétrique offre deux sources lumineuses, vers le haut et au centre vers la glace. Des animaux font partie du décor : un dragon défie une sorte de lézard dont le corps sinueux épouse la forme du bras. La pièce, agrandie par cette perspective sans fin, revêt un caractère féérique, le soir venu, lorsque les flammes des bougies se reflètent dans les glaces.

  • Cartel sur console

    Charles Cressent (1685-1768) ; André-Georges Guyot ( ? - avant 1748)
    Paris, vers 1733
    Cadran de bronze doré à chiffres émaillés ; boîtier de chêne noirci ; côtés plaqués en marqueterie d’écaille et laiton
    H. : 126 cm - L. : 40 cm
    Legs Alexandrine Grandjean, 1923
    Inv. GR 139
    © MAD, Paris / Christophe Dellière

    Le cartel est une horloge fixée au mur. Il remplace la pendule en marqueterie de métal et d’écaille, à la forme plus massive qui reposait sur une console murale, à la mode au siècle précédent. L’art du bronzier se développe notamment dans le domaine de l’horlogerie à partir des années 1730. Les thèmes du décor, lié au passage du temps ou purement ornemental, étaient généralement repris sur d’autres éléments en bronze doré dans la même pièce, tels les bras de lumière ou les chenets, afin de créer un ensemble décoratif coordonné et harmonieux. Rappelant l’or et la couleur du feu, faisant jouer la lumière, le bronze doré était particulièrement propice à la création de formes chantournées et déchiquetées.