Louis XV

Le règne de Louis XV (1715-1774) est marqué par la paix et la prospérité qui favorisent l’émergence d’amateurs fortunés, friands de nouveautés. La circulation de nombreux objets aux matériaux inconnus, provenant des colonies d’Amérique et des comptoirs d’Extrême-Orient stimule les créateurs parmi lesquels émerge la figure du marchand-mercier.

Saucière « Duplessis »
Saucière « Duplessis »
Manufacture de Vincennes, 1756
Porcelaine tendre
H. : 11,9 cm - L. : 26 cm - l. : 19,4 cm
Marques peintes : double L en bleu ; lettre-date D (pour l’année 1756)
Achat, 1924
Inv. 24047
© MAD, Paris / Cyrille Bernard

À Versailles où la cour s’est réinstallée en 1723, la création des petits appartements, voulus par le roi est dictée par un souci nouveau d’intimité et de confort. Louis XV décide la création de la manufacture de porcelaine de Vincennes-Sèvres dont la production sera une des plus raffinée d’Europe. Le style rocaille dans un prolongement exacerbé des formes déchiquetées héritées de la Régence, atteindra son paroxysme lorsque sera publié La Supplication aux orfèvres (1754) qui en dénoncera les excès.

Contexte / influence

Commode à vantaux latéraux et écritoire
Commode à vantaux latéraux et écritoire
Venise, vers 1750-1760
Bâti en résineux, décor sculpté, peint et doré ; plateau en marbre
H. : 90 cm - L. : 160 cm - Prof. : 89 cm
Don Madame Jacques Doucet, 1934
Inv. 32068
© MAD, Paris / Jean Tholance

La nature dans tous ses états est la principale source d’inspiration du style Louis XV, style largement associé au goût rocaille dont le nom dérive des rochers. L’univers végétal des jardins, aux multiples variétés de fleurs, les décors de treillage ainsi que les grottes reconstituées à l’aide de rochers et de coquillages influencent le décor intérieur notamment celui des boiseries. La mer, en particulier les enroulements des vagues et l’écume, participent également du décor intérieur. Idéalisé et adapté au goût occidental sous le terme de chinoiserie, la fascinante Asie, en partie fantasmée, influence la création. Ce monde onirique plein de fantaisie est peuplé de personnages, d’animaux et de plantes, prolifère dans tous les domaines : boiseries, mobilier, céramique et orfèvrerie.

Formes

Candélabre
Candélabre
Juste-Aurèle Meissonnier (1695-1750)
Claude Duvivier (v. 1688-1747)
Paris, 1734-1735
Argent
H. : 38,5 cm - l. : 21,5 cm
Don David et Flora David-Weill, 1937
Inv. 32632
© MAD, Paris / Jean Tholance

Silhouette galbée des meubles, courbes et contre-courbes du dessin des boiseries, boursouflement des pièces de service de table d’argent ou de porcelaine, la ligne sinueuse donne le ton dans la continuité des recherches de la Régence. La fantaisie des formes est en accord avec les moulures des boiseries qui composent le décor des chambres et des salons. La structure apparente des sièges est sculptée très finement de motifs végétaux déchiquetés, parfois vernis en couleur afin de s’harmoniser avec les boiseries. Plus hautes sur leurs pieds graciles et au profil sinueux, les commodes sont plus ventrues, la ligne droite en est bannie et leur façade tend à former un panneau décoratif unique où les tiroirs ne sont plus marqués visuellement que par les poignées.

Ornements

De manière plus réaliste que sous la Régence, l’ensemble du monde végétal est utilisé comme ornement : les vrilles, les tiges souples et les fruits offrent leur sinuosité et leur souplesse aux artistes et artisans dans tous les domaines. La feuille d’acanthe et les coquilles, déjà en usage sous la Régence, sont moins symétriques et stylisées, plus déchiquetées. La marqueterie, mêlant à la fois décor géométrique (losanges, chevrons, rayures, cubes sans fond…) et décor à main levée (bouquets de fleurs, trophées, personnages…), propose des décors toujours plus complexes. Les éléments en bronze doré, tout en continuant à renforcer les parties saillantes ou à faire office d’entrées de serrure, de poignées ou de boutons de tirage, se répandent désormais à la surface des meubles pour en souligner les formes.

Jacques de Lajoüe, {Projet de cadre à décor rocaille}
Jacques de Lajoüe, Projet de cadre à décor rocaille
1734-35
Plume, encre noire, lavis gris sur papier aquarellé de jaune
H. : 20,2 cm - l. : 30 cm
Inv. CD 261
© MAD, Paris

Matériaux

Panneau du cabinet de laque de l'hôtel Du Châtelet (détail)
Panneau du cabinet de laque de l’hôtel Du Châtelet (détail)
Laque : Chine, milieu du XVIIIe siècle
Mathurin Cherpitel (1736-1809), architecte
Paris, vers 1771
Bâti en chêne ; panneaux de laque de Chine à fond rouge et à décor noir et or ; encadrement d’amarante ; peinture à l’imitation du bois de rose dépôt Ministère du travail, 1910
Inv. MIN TRAVAIL ss n° (1-à-9)
© MAD, Paris / Jean Tholance

Pour les sièges comme les boiseries, le hêtre et le noyer au naturel ou doré, pour les plus raffinés, sont toujours en usage tandis que le bois laqué fait son apparition ; les motifs peints au naturel de couleurs vives prolongent ainsi le travail du sculpteur. Le bois de violette puis le bois de rose sont utilisés en placage, de plus en plus fin pour épouser le galbe des meubles. Chinois ou japonais, principalement rouges ou noirs, les panneaux de laque asiatique provenant de coffres ou de paravents démontés, sont réutilisés pour créer des devants de commode. Le succès de ce matériau d’importation stimule la création de laque française dite « vernis Martin » qui couvre tous les meubles et objets de la vie quotidienne.

Invention / création (meubles nouveaux)

Fauteuil cabriolet
Fauteuil cabriolet
Louis Delanois
Paris, vers 1760
Noyer, velours gaufré
H. : 83 cm - l. : 56 cm - Prof. : 47 cm
Achat 1922
Inv. 22761
© MAD, Paris / Jean Tholance

La multiplication de sièges plus maniables et destinés à des usages spécifiques participe de la recherche du confort au service d’un art de vivre toujours plus exigeant : table d’appoint, semainier ou chiffonnier aux multiples tiroirs, chaise longue en deux parties, fauteuil enveloppant, confident, indiscret, canapé, jusqu’à la voyeuse, siège pour femme sur lequel on s’agenouille pour assister aux parties de jeu... Le secrétaire fait son apparition, plus fonctionnel que le bureau plat, ses possibilités de rangement sont supérieures grâce à ses multiples compartiments et casiers.

  • Commode

    Attribuée à Jean Demoulin (1715-1798)
    Paris, vers 1745
    Bâti en chêne, vernis Martin, laque de fond noir, bronze ciselé et doré, marbre brèche d’Alep
    H. : 84 cm - L. : 88 cm - Prof. : 45 cm
    Legs Émilie Yznaga, 1943
    Inv. 36240
    © MAD, Paris / Jean Tholance

    Les années 1740 sont marquées par l’éclosion d’un goût nouveau, la chinoiserie qui a pour origine l’importation massive d’objets d’Extrême-Orient collectionnés par les amateurs d’exotisme. C’est dans ce contexte que se développe le vernis Martin, technique visant à imiter celle des laques orientales pour recouvrir boiseries, meubles, carrosses et objets du quotidien. Le décor de cavaliers, en raison de sa composition, du choix des couleurs et du relief atteste de la grande maîtrise du vernisseur. Guidé par les idées du marchand-mercier qui a suscité cette création, l’ébéniste a procédé au montage du panneau, découpé avec habileté pour créer les deux tiroirs et intégrer, subtilement, les poignées de bronze doré au décor.

  • Bureau « à la Bourgogne »

    Paris, vers 1760
    Bâti en chêne, placage de bois de rose, bois de violette et amarante, bronze doré, dessus en maroquin
    H. : 74 cm - L. : 109 cm - Prof. : 67 cm
    Legs Comtesse de Valencia de Don Juan, 1918
    Inv. 21119
    © MAD, Paris / Jean Tholance

    Fermé, ce meuble s’apparente à un simple bureau plat dont la ceinture serait pourvue de tiroirs ouvrant par des poignées de bronze doré. Cependant, après avoir rabattu vers l’avant la moitié du plateau, une simple pression du doigt sur deux boutons feints, dissimulés dans la marqueterie sur les côtés du bureau, fait surgir un caisson de petits tiroirs. Sous le plateau, des couvercles coulissants dissimulent d’autres compartiments. Cette typologie de bureau aurait été conçue par Jean-François Œben pour le frère du futur Louis XVI, le jeune duc de Bourgogne (1751-1761) qui, souffrant de tuberculose osseuse, avait besoin d’un mobilier adapté.

  • Fauteuil à la reine

    France, vers 1740
    Hêtre sculpté, peint et doré, tapisserie au petit point réemployée
    H. : 104 cm - L. : 76 cm - Prof. : 63 cm
    Legs Émile Peyre, 1905
    Inv. PE 726
    © MAD, Paris / Jean Tholance

    Avec ses pieds courbes, ses supports d’accotoirs sinueux placés en retrait et non plus dans le prolongement des pieds, ce fauteuil présente toutes les caractéristiques du style rocaille. En vigueur à partir des années 1740, il brise la symétrie à la mode sous le règne de Louis XIV. Le bois du siège est fait de courbes et contre-courbes tandis que son décor sculpté et peint, composé de feuilles et de fleurs, est en accord avec la tapisserie qui le recouvre. L’harmonie régnait entre le mobilier et les boiseries mais aussi avec le décor textile : les étoffes couvrant les murs, les rideaux et tapis.

  • Horloge « de parquet »

    Gérard Benoist, horloger (1715-1774) ; Adrien Dubois, ébéniste
    Paris, vers 1750
    Bâti en chêne, placage de bois de rose et de violette, bronze ciselé et doré
    H. : 217 cm - L. : 56 cm - Prof. : 31 cm
    Don Albert Bichet, 1908
    Inv. 15106
    © MAD, Paris / Jean Tholance

    L’horloge est dite « de parquet » car elle est posée au sol. À mi-chemin entre l’instrument scientifique et le meuble, les horloges témoignent du goût pour les sciences et les techniques. Afin de faciliter la lecture de l’heure, le cadran est placé en hauteur ; la grande taille de la caisse est due à la présence des poids du balancier dont la longueur est indispensable à la précision du mécanisme. Le décor de frisage, qui est une technique de marqueterie géométrique, est généralement coordonné à l’ensemble des meubles installés dans la pièce. Sa forme élancée est tempérée par le décor de bronze doré, qui souligne les différentes parties de l’horloge.

  • Candélabre

    Paris, vers 1740
    Monture : bronze doré ; personnages : porcelaine de Meissen
    H. : 50 cm - L. : 42 cm
    Inv. CAM 666
    © MAD, Paris / Jean Tholance

    À l’époque rocaille, les objets fonctionnels sont également décoratifs et destinés à s’intégrer harmonieusement aux différentes pièces de la maison. Parmi les sources d’éclairage, les flambeaux font partie des éléments les plus mobiles, ils peuvent être installés sur la tablette de la cheminée, les consoles, les tables et les bureaux. Pour autant certains sont de véritables œuvres d’art. Les marchands-merciers à la fois commerçants, décorateurs et prescripteurs de goût, suscitent la création d’objets composites tel ce candélabre à trois lumières de bronze doré orné de figures en porcelaine de Meissen, qui est surtout un objet de décoration exceptionnel.