Lorsque s’ouvre le règne de Louis XVI (1774-1793), la France connaît une grave crise parlementaire. Le jeune roi décide de rappeler les Parlements exilés et engage avec son ministre Turgot des réformes audacieuses mais qui n’ont pu être conduites à terme car il a dû faire face à nouveau à des Parlements menaçants et à une crise économique et financière qui a bouleversé l’ensemble de la société française.
Vase en ruine
Manufacture de Josiah Wedgwood Etruria (Angleterre), vers 1790 Grès fin dit « jasperware », décor moulé appliqué H. : 17 cm - l. de la base : 9 cm Don Joseph-Henry Fitzhenry, 1905 Inv. 12558
Parallèlement la France est engagée dans la guerre pour l’indépendance américaine, l’entraînant dans une guerre contre la Grande-Bretagne et contribuant à creuser le déficit des finances et à multiplier les emprunts. Le climat social particulièrement tendu ainsi qu’une défiance croissante du peuple à l’égard de la monarchie absolue de droit divin conduisent à la Révolution.
Contexte / influence
En matière d’art décoratif, l’Europe a ses regards tournés vers la France, qui demeure avec son art de vivre, un modèle de référence. Cependant celui-ci se nourrit d’inspirations étrangères : l’Orient continue de susciter de coûteuses fantaisies, les turqueries prenant le pas sur les chinoiseries. L’anglomanie qui se développe à travers les modes vestimentaires et le goût pour les courses de chevaux, trouve aussi son expression dans le mobilier par l’emploi de plus en plus généralisé de l’acajou et de la technique de garnissage des sièges. Celle-ci dénommée « piquage à l’anglaise » permet de former une arête vive à la périphérie des rembourrages des assises et des dossiers des sièges.
Formes
Les années qualifiées de transition qui marquent la dernière décennie du règne de Louis XV et les premières années du règne de Louis XVI, ont permis de rompre définitivement avec les lignes capricieuses de l’art rocaille. La rigueur dans l’application du modèle antique qui s’était emparé de l’expression artistique a trouvé dans les vingt dernières années du siècle une forme d’assouplissement se traduisant par un équilibre entre des formes inspirées de l’Antiquité et un vocabulaire ornemental faisant largement appel au naturalisme. Dans la forme du siège, on observe la permanence d’un certain galbe qui a conduit à l’ovale parfait du dossier et à des assises à peine cintrées tandis que d’autres sièges adoptent la ligne droite absolue. Cette dernière est de mise dans le meuble d’ébénisterie, souvent renforcée par l’emploi de pilastres, de colonnes venant affirmer la référence à l’architecture.
Pendule « Vestales portant sur un brancard l’autel du feu sacré »
Jean-Démosthène Dugourc (1740-1825), dessinateur-ornemaniste Louis-Simon Boizot (1743-1809), sculpteur Pierre-Philippe Thomire (1751-1843), bronzier Robert Robin (1742-1799), horloger Paris, 1788 Bronze doré et bronze patiné, plaque en porcelaine de Sèvres, biscuit, marbre brocatelle et bleu turquin H. : 50,5 cm - l. : 65 cm - Prof. : 18 cm Dépôt du ministère de l’Intérieur, 1907 Inv. MOBNATGML 11352
Manufacture de Sèvres, 1791 Jean-Jacques Lagrenée (1739-1821), auteur de la forme Dubois et Vaudé (1753-1779), peintres Porcelaine dure, rehauts d’or Tasse : H. : 11,2 cm - Diam. : 11 cm Soucoupe : H. 3,8 cm - Diam. : 21,5 cm Legs Hersent-Luzarche, 1952 Inv. 36962
Deux types d’ornement se conjuguent au cours de cette période, coïncidant avec le règne de Louis XVI : ceux directement empruntés au vocabulaire architectural de l’Antiquité et ceux puisés dans l’observation de la nature. Feuilles d’acanthe, rangs de perles, de feuilles d’eau, de myrte, culots, rubans, médaillons et rosaces sculptés avec minutie et non sans une certaine rigueur, sont tempérés par tout un répertoire floral au naturel dont l’identification est rendue possible par l’exactitude du rendu : clochettes de muguet, grappes de lilas, jasmin, œillet, pampres de vigne avec leurs délicates vrilles, lierre et rose. Ce répertoire pouvait s’accompagner de masques à l’antique, de chimères et de figures mythologiques. Sculpté dans le bois, fondu, ciselé et doré dans le bronze, tissé ou encore peint, chaque ornement rythme la surface des meubles.
Matériaux
Le bois demeure le matériau dominant du décor intérieur. De riches boiseries de chêne sculptées de délicats ornements ou simplement moulurées, peintes ou dorées restent de mise et s’accompagnent d’un riche décor textile, développant ce qu’il est coutumier d’appeler « le goût tapissier ». La marqueterie de bois polychromes, la plupart d’origine exotique, atteint des sommets de virtuosité tandis que les panneaux de laque du Japon et les plaques de porcelaine continuent d’orner les meubles les plus riches. On observe quelques années avant le déclenchement de la Révolution, une tendance pour les placages unis mettant à l’honneur l’acajou, l’if ou le thuya. L’acajou vient également concurrencer les bois traditionnels de la menuiserie en siège tels que le hêtre et le noyer.
Invention / création (meubles nouveaux)
Bien qu’apparu dans les années 1770, le bonheur-du-jour s’impose parmi les nouveaux petits meubles. L’origine exacte de son nom n’est pas connue, sans doute est-ce une appellation relevant d’une mode. C’est un meuble qui tient du bureau et du secrétaire et offre de nombreuses variantes. La consommation accrue du thé (autre influence anglaise) donne naissance à la table à thé appelée également guéridon et dont l’usage supplante celui de la petite table en cabaret des décennies précédentes. Dans le domaine du siège, le dossier en médaillon et les pieds en fuseau constituent l’archétype du modèle Louis XVI.
Fauteuil cabriolet
Paris, vers 1780 Hêtre sculpté et doré, garniture moderne H. : 92 cm Achat, 1912 Inv. 18760
Le principe du secrétaire à cylindre s’est développé dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Il repose sur un bureau plat auquel on a ajouté un gradin fermant par un demi-cylindre et permettant en un seul mouvement de clore le bureau et de distraire aux regards les documents qui s’y trouvent. Celui-ci comprend en plus de son cylindre qui dégage un casier contenant cinq cases et quatre tiroirs, une série de trois tiroirs en partie supérieure, quatre tiroirs sous le plateau, deux tablettes latérales qui se glissent sous le plateau du bureau et enfin, une grande tablette qui se déploie au dos. Cet arrangement permet ainsi de multiplier les surfaces pour poser ses papiers, voire de permettre à plusieurs personnes de travailler en même temps. Ce type de meuble figurait dans le cabinet, pièce dévolue au travail, ou encore dans une bibliothèque.
Commode
Jean-François Leleu (1729-1807), ébéniste
Paris, vers 1785
Bâti en chêne, pieds et montants en acajou massif, placage d’acajou, bronze doré, marbre brèche d’Alep
À l’époque de Louis XVI, la commode renoue avec la silhouette qui fut la sienne à ses débuts : pieds peu élevés, ouverture par différents rangs de tiroirs et structure rectiligne. Sur cette commode, deux grands tiroirs sont complétés par un tiroir plus petit, dit « de ceinture », situé juste sous le dessus de marbre. L’ébéniste a donné ici un très léger mouvement courbe aux côtés qui dans la continuité des montants semi-arrondis et creusés de trois cannelures, adoucit le côté architectural du meuble. Les bronzes sont discrets et ils soulignent chaque panneau d’acajou pour les mettre en valeur. Les poignées sont de simples disques de bronze doré bordés d’un anneau amovible afin d’en faciliter la prise.
Les formes chantournées et opulentes qui caractérisent le siège Louis XV sont abandonnées sous Louis XVI. Les lignes principales redeviennent droites et sont traduites ici par des pieds en fuseau, des consoles d’accotoir au droit de ces pieds, des dossiers rectangulaires ou encore d’un ovale parfait. Ce type de dossier parfois dit « en médaillon » est l’archétype du dossier Louis XVI. La sculpture décorative est discrète mais présente sur toutes les parties visibles du bois et d’une grande finesse. Entrelacs et rangs de perles sont ponctués de feuilles d’acanthe et d’un délicat bouquet de fleurs au sommet.
Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, les cabinets de pendules furent l’occasion de créations extrêmement variées sollicitant différents matériaux et proposant différentes scènes historiées. Ici, le groupe en marbre encadrant le cadran et le mécanisme de la pendule, représente une jeune femme se lamentant sur son oiseau mort tandis que l’amour en remet un autre dans la cage, évoquant ainsi l’amour perdu et l’amour retrouvé.
Les candélabres, tout comme les flambeaux, bras de lumière et girandoles pouvaient être réalisés en paire ou en suite de quatre ou de six afin d’assurer l’éclairage. À la fin du XVIIIe siècle, leur structure s’apparente souvent à celle du trépied, copié sur des modèles antiques connus par la gravure. S’y ajoute tout un répertoire ornemental lui aussi puisé à la source de l’antique : griffons, têtes de bacchantes ou de faunes, palmettes, pampres de vigne… Ce modèle offre six lumières et se posait sur le dessus de la cheminée, d’une commode ou encore d’une console.