Directoire / Consulat

Cette période s’étend de l’instauration du Directoire en 1795, un an après la mort de Robespierre et la fin de la Terreur, au régime du Consulat qui dura de 1799 à 1804.

« Le génie du tombeau »
Hubert Robert (1733-1808)
Paris, daté 1795
Huile sur panneau de chêne, cadre en chêne sculpté et doré
H. : 50,4 cm - L. : 38,5 cm
Legs Émile Peyre, 1905
Inv. PE 56
© MAD, Paris / Jean Tholance

Ce furent deux régimes instables et corrompus, où des agioteurs s’enrichissaient alors que le peuple faisait face aux pénuries. On assista à la naissance d’une « jeunesse dorée », formée par les Incroyables et les Merveilleuses, de jeunes gens à la mode excentrique. Cette génération fut à l’origine de mode et d’évolution des goûts à l’époque du Directoire. De son côté, Bonaparte profita de l’instabilité des deux régimes pour acquérir de plus en plus de pouvoir sous le Consulat. Il relança l’économie, tenta de rassembler les Français divisés par la Révolution, créa de nouvelles institutions, tout en amorçant un retour vers une monarchie à son profit : l’Empire.

Contexte / influence

Commode
Joseph Stöckel (1743-1802), maître en 1775
Paris, vers 1790-1795
Bâti en chêne, acajou, placage d’acajou moucheté, bronze ciselé et doré, marbre blanc
H. : 89 cm - L. : 114 cm - Prof. : 53,5 cm
Achat, 1949
Inv. 36127
© MAD, Paris / Jean Tholance

Au cours de cette période troublée de l’Histoire de France, le mobilier connut de notables changements. Les meubles du Directoire et du Consulat se caractérisent surtout par leurs nouvelles formes dont la référence absolue est l’Antiquité grecque et romaine. Le style « à l’étrusque » développé à la fin du règne de Louis XVI s’épanouit et devient plus « archéologique ». Parallèlement, le contexte juridique de production est modifié avec la Loi le Chapelier (1791) qui supprima les corporations d’artisans : l’estampille sur les meubles n’était plus obligatoire et le cloisonnement des métiers n’est plus aussi marqué. Certains artisans surent d’ailleurs tirer profit de cette nouvelle législation en diversifiant leurs activités.

Formes

Fauteuil d’officier
France, vers 1800
Bâti en chêne, acajou, ébène, ivoire, palissandre, cuivre
H. : 87 cm - L. : 56 cm - Prof. : 42,5 cm
Don François Carnot, 1911
Inv. 18317
© MAD, Paris / Jean Tholance

Sous influence de l’Antiquité, les meubles se transforment et s’épurent par rapport à la période précédente. Les dossiers des sièges, désormais recourbés en crosse, étaient souvent ajourés ou bien se terminaient par un bandeau décoré de frises de personnages à l’antique. Les pieds des sièges s’arquent en sabre, devenant parfois filiformes, et supportaient les assises déversées des sièges, créant un équilibre qui semblait fragile, au point que les contemporains soulignaient parfois l’inconfort de ces nouveaux meubles. Pour les commodes et les secrétaires, ce sont des pieds en toupies, en jarret et en protomes de lions qui remplacèrent les pieds droits et cannelés de l’époque Louis XVI.

Ornements

Chenet
Paris, vers 1785
Bronze fondu, ciselé et doré, fer
H. : 30 cm - L. : 44 cm
Don Vicomtesse Edmond de Poncins, née Biencourt, 1946
Inv. 35404 A
© MAD, Paris / Jean Tholance

Sous le Directoire et le Consulat, seuls le placage de bois uni et le bronze doré décoraient des meubles où la marqueterie, passée de mode, se faisait rare. Le vocabulaire ornemental du mobilier comme des décors intérieurs s’appuyait sur des motifs végétaux comme la palmette, la feuille de laurier, de vigne, de pavot, d’olivier, mais également sur un bestiaire fantastique inspiré de l’Antiquité : cygnes, paons, lions, béliers, auxquels venaient se mêler des éléments « antiquisant » comme les vases, les grecques, les étoiles, les lyres, les sistres, les victoires et les renommées. La campagne d’Égypte (1798-1801) remit au goût du jour l’emploi ornemental des sphinx. Les quelques éléments de marqueterie ou de sculpture sur les meubles étaient des motifs géométriques (losanges, rosaces). Aux murs, les peintures pouvaient reproduire des scènes à l’antique, multiplier les panneaux d’arabesques ou imiter le marbre.

Matériaux

Le bois en vedette à la fin du règne de Louis XVI et durant toute la période du Directoire et du Consulat était l’acajou. Bois d’importation, veiné et sombre, il créait un jeu de lumière élégant avec les bronzes dorés qui le parent. Les artisans l’ont combiné avec d’autres bois comme le citronnier et l’ébène pour créer des décors raffinés. Ces essences côtoyaient des soieries d’ameublement violette, parme, chamois, vert pâle et bleu intense. Le domaine du mobilier s’ouvrit à de nouveaux matériaux telle la tôle. Pour les décors intérieurs, enfin, le Directoire et le Consulat marquèrent le développement de l’industrie du papier peint.

Papier peint (bordure supérieure)
Manufacture Arthur et Grenard
Paris, Époque Directoire (1795-1799)
H. : 55 cm - l. : 135,5 cm
Don Georges Berger, 1903
Inv. 10721
© MAD, Paris /Jean Tholance

Invention / création (meubles nouveaux)

Quelques élégantes inventions caractérisent le mobilier du Directoire et du Consulat : le lavabo en bronze monté sur trépied réalisé par les Jacob en est un bon exemple. La forme de ce lavabo est influencée par le Trépied aux sphinges du temple d’Isis à Herculanum. Toujours par imitation de l’antique, les sièges curules avec un piétement en X et le pliant sont parmi les sièges les plus copiés sous le Directoire et le Consulat. La chambre de Mme Récamier, femme emblématique ayant tenu un salon sous le Directoire, est la meilleure synthèse des nouveautés mobilières de cette époque : lit en bateau, somno, sièges à l’étrusque, l’ensemble décoré par des bronzes dorés au répertoire ornemental de figures à l’antique, rosaces, cygnes. Les murs étaient quant à eux tendus de soie violette.

Guéridon
France, 1790-1795
Acajou, bronze doré
H. : 71,5 cm - Diam. : 56 cm
Legs Joseph Dupré, 1913
Inv. 19088
© MAD, Paris / Jean Tholance
  • Paire de candélabres

    Paris, vers 1800
    Bronze patiné et bronze doré
    H. : 52 cm
    Inv. CAM 775.1-2
    © MAD, Paris / Jean Tholance

    Pour l’éclairage, les figures à l’antique s’invitent, devenant les portes lumières dans des compositions les plus variées. Ici les jeunes femmes drapées à l’antique soutiennent de leurs mains deux tiges maintenues par leur bouche, formant un enroulement qui s’épanouit pour accueillir le binet. L’ensemble repose sur une base triangulaire enrichie d’ornements en bronze doré déclinant tout un répertoire ornemental puisé à la source de l’Antiquité.

  • Fauteuil dit « curule »

    Attribué aux frères Jacob
    Paris, vers 1795
    Acajou et hêtre sculpté
    H. : 94 cm - L. : 63 cm - Prof. : 46 cm
    Dépôt Mobilier national, 1927
    Inv. MOB NAT GME 5257
    © MAD, Paris / Jean Tholance

    L’Antiquité constituant la référence absolue du moment, les menuisiers s’inspirent des sièges antiques connus par les bas-reliefs sculptés et les rares peintures conservées. Ce fauteuil emprunte pour son piètement antérieur la forme curule, c’est-à-dire en demi-cercle, reprise en symétrie pour former les consoles d’accotoir, tandis que le piètement postérieur est courbe, rappelant la forme de la lame du sabre, qualifiée de pieds en sabre. Le dossier en partie ajouré présente un autre motif emprunté à l’Antiquité, le trépied qui, avec les cannelures torses, les festons et les disques, eux aussi tirés du vocabulaire ornemental antique, enrichissent discrètement le siège.

  • Commode

    Joseph Stöckel (1743-1802), ébéniste
    Paris, vers 1790-1795
    Bâti en chêne, acajou, placage d’acajou moucheté, bronze ciselé et doré, marbre blanc
    H. : 89 cm - L. : 114 cm - Prof. : 53 cm
    Achat, 1949
    Inv. 36127
    © MAD, Paris / Jean Tholance

    Bien qu’un style propre au Directoire et au Consulat s’établisse au cours de ces deux régimes politiques, la silhouette générale de la commode n’en est pas affectée. Elle obéit toujours à des lignes architecturales renforcées ici par les montants en forme de demi-colonnes cannelées. On privilégie alors les grands placages d’acajou soulignés par de discrets bronzes. Cette commode s’ouvre à l’aide de deux battants dissimulant trois tiroirs intérieurs et un tiroir en ceinture qui s’accompagne de deux plus petits sur les côtés, pivotant sur un axe. Les côtés de la commode s’ouvrent également, formant deux petites armoires tandis que les montants cannelés pivotent au moyen d’un bouton secret et découvrent trois petites étagères.

  • Guéridon

    France, vers 1800
    Bâti en chêne, tilleul et sapin, placage en loupe de thuya, d’acajou et d’ébène, bois peint, bronze doré
    H. : 75 cm - L. : 101 cm
    Don de Mme Paul Mottart en souvenir de son mari, 1949
    Inv. 36218
    © MAD, Paris / Jean Tholance

    Ce type de guéridon présent dans le mobilier antique revient en force après la Révolution dans les intérieurs. Son élégance tient à sa sobriété puisée à la source antique : un plateau de loupe de thuya posé sur un pied triangulaire peint à l’imitation du bronze vert antique et rehaussé d’ornements dorés mariant palmettes, velum, fleuron et losange. Une simple armature de bronze doré en souligne la silhouette.

  • Pendule squelette

    Paris, vers 1800
    Bronze doré, porphyre, émail et strass
    H. : 43 cm - L. : 20 cm - Prof. : 10 cm
    Don de Michel Leclercq en souvenir d’Yvette Laurent née Masson et de Jean-Claude Leclercq, 2014
    Inv. 2014.112.32
    © MAD, Paris / Cyrille Bernard

    Dans les dernières années du XVIIIe siècle, se développe un goût pour les pendules offrant au regard la complexité d’un mécanisme qui peut s’avérer des plus sophistiqués et que l’on nomme communément « pendule squelette ». Ces pendules sont la fierté des horlogers désireux d’exhiber les mécanismes ingénieux mais s’opposent aussi en réaction aux pendules précédentes dites « à sujet ». La structure même de la pendule est dépouillée, laissant la part belle aux différents cadrans marquant ici les heures mais également les jours de la semaine, les phases et les âges de la lune ainsi que le signe des planètes.