Art déco

L’Art déco, un goût pour un luxe moderne, représente une nouvelle approche esthétique prenant racine au début du XXe siècle, se développant tout au long des années 1910 pour atteindre son apogée lors de la célèbre exposition Internationale des Arts décoratifs et industriels modernes qui se tient à Paris en 1925.

Bergère gondole
André Groult (1884-1967), décorateur
Maison Delaroière & Leclercq, fabricant de tissu
Paris, vers 1925
Galuchat blanc sur hêtre, velours gaufré gris à décor floral
H. : 85,5 cm - l. : 66 cm - Prof. : 61,5 cm
Inv. 29466
© Adagp, Paris © Photo : MAD, Paris / Jean Tholance

En rupture avec les lignes toutes en volutes du mouvement Art nouveau, ce nouveau style, bien que se déclinant dans les matières les plus nobles, répond à des canons beaucoup plus sobres et géométriques, une modernité hybride alliant le raffinement extrême à l’innovation technique. Ses principales figures à l’instar de Jacques-Émile Ruhlmann, Armand-Albert Rateau, Pierre Legrain, André Groult, Eileen Gray, Louis Süe et André Mare, Clément Rousseau, Clément Mère ou encore Paul Iribe travaillent pour les plus grands collectionneurs que sont Jacques Doucet, Jeanne Lanvin ou bien la Baronne Nelly de Rothschild.

Contexte / influence

L’Art déco, à l’image du monde de l’entre-deux guerres en pleine révolution sociale et industrielle, avide d’horizons lointains et de nouvelles découvertes, combine les singularités de nombreux courants esthétiques émergeants à l’image du cubisme, de l’expressionisme, du constructivisme, des arts asiatiques, des arts primitifs. L’époque, par une volonté d’opérer une véritable synthèse des arts, voit naître des créations mobilières présentant des lignes et des matériaux spécifiquement hérités des grands styles français mais entièrement revisités. Ces œuvres, symbole d’un luxe ultime, sont présentées dans les grandes expositions mettant à l’honneur les recherches les plus pointues en matière d’arts décoratifs. La crise économique de 1929 met à mal cette envolée lyrique et amène nombre de créateurs à se lancer dans une nouvelle quête, celle de la standardisation, loin de l’univers précieux de l’Art déco.

Formes

Coupe « Cheval »
Maurice Marinot (1882-1960)
France, 1922
Verre soufflé, décor intercalaire, modelé à chaud et émaillé
H. : 8,5 cm - Diam. : 29 cm
Don Zoubaloff, 1922
Inv. 22809
© DR © Photo : MAD, Paris / Jean Tholance

Après les formes toutes en arabesque et en rondeur de l’Art nouveau, celles de l’Art déco se veulent plus dépouillées et tendent à une nouvelle géométrisation des lignes. Retour à l’ordre et symétrie annoncent une nouvelle exigence formelle. Le rythme, telle une improvisation de jazz vient se décliner sur toutes les surfaces qu’elles soient celle de l’architecture, du mobilier ou de la mode. Si certains renouvellent totalement le lexique formel d’autres se l’approprie en l’hybridant avec des styles du passé comme avec des courants plus contemporains, qu’ils soient européens ou extra-occidentaux. Surgissent ainsi des œuvres uniques en leur genre aux formes totalement innovantes qui font de l’Art déco un des plus riches répertoires de formes.

Ornements

Paravent à dix feuilles Biches
Armand-Albert Rateau (1882-1938)
Paris, vers 1921-1922
Bois laqué et doré
H. : 341 cm - l. : 50 cm
Don Prince Louis de Polignac, 1965
Inv. 39952 B _
© Adagp, Paris © Photo : MAD, Paris / Jean Tholance

Revisité par l’Art déco, l’ornement va à la fois s’orienter vers une simplification du travail de la ligne renforcée par des jeux de matériaux, des rendus de surfaces, des détournements de matières ou encore des aplats de couleurs. Les décors appliqués auparavant à l’échelle de l’objet va s’étendre à celle de l’objet puis de l’architecture intérieur. Ainsi la rose, figure emblématique de l’Art déco comme la marguerite stylisée d’Armand-Albert Rateau dessinées pour les appartements privés de Jeanne Lanvin vont-elles se décliner du fauteuil au paravent en passant par les tentures ou la robinetterie. Le décor révèle alors un véritable sentiment d’immersion dans un environnement propre à l’imaginaire de son créateur.

Matériaux

Commode
Paul Iribarne Garay, dit Iribe (1883-1935)
Paris, vers 1912
Bâti en acajou et tulipier, intérieur acajou clair, dessus en ardoise, revêtement en galuchat teinté vert, boutons en ébène, piétement et guirlandes en ébène sculpté
H. : 91 cm - l. : 49 cm - Prof. : 32 cm
Don de Monsieur Jean Édouard Dubrujeaud en souvenir de Monsieur Jacques Doucet, 1958
Inv. 38144
© MAD, Paris / Jean Tholance

Les matériaux rares et précieux sont l’apanage de l’Art déco. Bois précieux et exotiques comme les bois de rose, l’ébène de Macassar, la loupe d’Amboine se révèlent dans des marquèteries toujours plus sophistiquées offrant des jeux de couleurs et de matières toujours plus raffinés. Des matières aujourd’hui heureusement bannies car issues du règne animal y trouve à cette époque de manière exceptionnelle toute leur place. L’ivoire révèle les placages de bois sombres, le galuchat souligne le galbe d’un chiffonnier, la nacre pétille au centre d’un bois de palmier. Enfin, il ne faut pas oublier l’emploi de matériaux comme l’albâtre ou le parchemin et plus que tout la laque, que les créateurs à l’instar d’Eileen Gray, de Jean Dunand ou d’Armand-Albert Rateau, détourne de ses techniques premières pour la magnifier.

Invention / création (meubles nouveaux)

« Bureau-bibliothèque des appartements intimes d’une Ambassade française »
Pierre Chareau (1883-1950)
Paris, 1925
Graphite, pinceau et encre brune, aquarelle, gouache sur papier vélin
H. : 38,5 cm - l. : 37,7 cm
Inv. CD 2940
Don René Herbst, 1961
© MAD, Paris / Jean Tholance

Dans un respect de la tradition mobilière, les créateurs, souvent ensemblier-décorateurs, renouvellent la grammaire de formes et l’usage de certaines techniques, détournent le recours à certains matériaux, jouent des rapports d’échelles pour offrir à l’Art déco des œuvres uniques. Leur imaginaire sans limite amène au développement de styles inclassable comme le mobilier d’Armand-Albert Rateau, de Pierre Legrain, d’André Groult, de Paul Iribe, d’Eileen Gray où se cristallisent leurs regards croisés sur la tradition et l’avant-garde.

  • Chiffonnier anthropomorphe

    André Groult (1884-1966)
    Paris, vers 1925
    Acajou gainé de galuchat, ivoire, argent
    H. : 150 cm - L. : 77 cm - Prof. : 32 cm
    Achat grâce au fonds du patrimoine, avec le concours des mécénats de Michel et Hélène David-Weill, de Mrs. Jayne Wrightsman, de Shiseido, de Fabergé et de la galerie Doria, 1999
    Inv. 998.257.1
    © MAD, Paris / Jean Tholance

    Inventé au XVIIIe siècle, le chiffonnier est une commode haute à tiroirs, permettant de ranger le linge. André Groult revisite l’esthétique de ce meuble, avec des lignes courbes et organiques, évoquant celles d’un corps féminin. Composée de matériaux nobles comme le galuchat et l’ivoire, cette réalisation anthropomorphe est présentée dans la chambre de Madame aménagée par Groult, faisant partie du Pavillon de l’Ambassade Française, de l’exposition Internationale des arts décoratifs et industriels modernes de 1925.

  • Bureau à cylindre doucine

    Jacques-Émile Ruhlmann (1879-1933)
    Paris, 1927
    Placage d’ébène de macassar verni sur bâti en chêne, incrustations d’ivoire, boutons, entrées de serrure, sabots en ivoire ; intérieur en corail ciré avec filets d’ébène, sous-main en maroquin noir décoré́ par Eugénie O’Kin d’un motif de cailloutis or ; intérieur des tiroirs en loupe d’orme vernie
    H. : 86.50 cm - L. : 100 cm - Prof. : 57 cm
    Achat Jacques-Émile Ruhlmann, Exposition internationale des Arts Décoratifs, 1926
    Inv. 25613
    © MAD, Paris / Jean Tholance

    Jacques-Émile Ruhlmann renouvelle les arts appliqués en puisant dans l’histoire des formes et des savoir-faire pour créer du mobilier d’exception, à l’instar de ce bureau de dame. Souvent comparé aux ébénistes du XVIIIe siècle, il réinterprète les techniques, les typologies et les styles, en réalisant des pièces venant généralement satisfaire les goûts d’une clientèle privilégiée. Fabriqué dans l’atelier B de Ruhlmann, ce bureau est commandé par le Musée des Arts Décoratifs en 1926 et achevé l’année suivante. Un exemplaire similaire est rendu public lors de l’exposition Internationale des arts décoratifs et industriels modernes en 1925, dans le boudoir de l’Hôtel du Collectionneur.

  • Fauteuil modèle 1793

    Armand-Albert Rateau (1882-1938), créateur ; Baguès frères, fondeur
    France, vers 1920
    Fonte de bronze patiné vert antique, coussin en fourrure d’ocelot
    H. : 92 cm - L. : 62 cm
    Don Armand-Albert Rateau, 1937
    Inv. 33765
    © MAD, Paris / Jean Tholance

    En puisant son inspiration dans de multiples sources, allant de l’Antiquité aux arts décoratifs orientaux, Armand-Albert Rateau réalise un mobilier au style unique et inclassable. Ce fauteuil, qui appartenait au créateur, en est un parfait exemple. Son travail est d’ailleurs remarqué par une clientèle prestigieuse, dont la couturière Jeanne Lanvin, qui lui commande l’aménagement de son hôtel particulier à Paris. Un siècle plus tard, il reste l’une des figures les plus emblématiques de sa période et source d’inspiration féconde pour les nouvelles générations.

  • Pendule

    Clément Rousseau (1872-1950), décorateur ; Maison Dupont, horloger
    France, 1926
    Ébène, galuchat, nacre
    H. : 75 cm - L. : 28 cm
    Don André Tissot-Dupont, 1970
    Inv. 42816
    © MAD, Paris / Jean Tholance

    Clément Rousseau, avec d’autres créateurs de son époque comme Paul Iribe et André Groult, fut l’un des premiers à remettre à l’honneur le galuchat pendant les années 1920. Ce matériau, généralement confectionné avec de la peau de raie, est initialement utilisé au XVIIIe siècle pour décorer de petits objets, comme les écrins et les boîtes. Cette horloge de Rousseau incarne le renouveau de cette technique, qui est ici appliquée à plus grande échelle, pour décliner avec subtilité les textures et les palettes chromatiques de cette pièce où se mêlent élégance et modernité.

  • Lampadaire modèle 1079

    Armand-Albert Rateau (1882-1938), créateur ; frères Baguès, fondeur
    France, vers 1924
    Fonte de bronze patiné vert antique, verre
    H. : 185 cm
    Don du prince Louis de Polignac, avec l’accord de Monsieur Yves Lanvin et en souvenir de la Comtesse Jean de Polignac, fille de Madame Jeanne Lanvin, 1965
    Inv. 39908 A
    © MAD, Paris / Jean Tholance

    Conçu pour l’hôtel particulier de la célèbre couturière Jeanne Lanvin, ce lampadaire fait partie des aménagements intérieurs de cette résidence, pensée telle une œuvre d’art totale par Armand-Albert Rateau. Ce même modèle fut exposé dans le Pavillon de l’Élégance à l’exposition Internationale des arts décoratifs et industriels modernes en 1925. Alors que Jeanne Lanvin partage avec le créateur, ce goût pour les formes uniques et les matériaux nobles, elle lui confie aussi la décoration de sa boutique Lanvin-Sport et la direction de Lanvin-Décoration. Après la démolition de l’hôtel particulier en 1965, les appartements privés de la commanditaire sont depuis conservés au Musée des Arts Décoratifs.