Les XIVe et XVe siècles sont marqués par les heurts qui opposèrent la France à l’Angleterre durant la guerre de Cent Ans, longue lutte entrecoupée de rebondissements et d’accalmies.
En dépit des évènements, la création artistique connaît, dans plusieurs capitales et cours européennes, un épanouissement remarquable dû à l’action personnelle de mécènes, princes et souverains. Ce phénomène s’affirme au sein de la noblesse comme de la bourgeoisie aisée et s’illustre particulièrement, au-delà des commandes de retables destinés aux églises, dans les arts précieux et le décor de la demeure privée. La fin du conflit en 1453 engendre une reprise économique et démographique, palpable sous le règne de Louis XI (1461-1483).
Contexte / influence
Au Moyen Âge, les meubles et autres petits ouvrages sont réalisés par les huchiers ou « charpentiers de petite cognée », en opposition aux « charpentiers de grande cognée », artisans des constructions d’envergure. Si tous appartiennent à la même corporation organisée et hiérarchisée, chaque catégorie revêt une réalité bien différente. Un arrêt du Parlement du 4 septembre 1382 donne aux premiers le nom de « menuisiers », appellation qu’ils ne porteront exclusivement qu’à la fin du XVe siècle, après que Louis XI ait révisé en 1467 leurs statuts par lettres patentes. Les peintures de Jan van Eyck, Rogier van der Weyden ou Robert Campin, les enluminures, sources littéraires et inventaires témoignent avec précision de la diversité et de l’agencement du mobilier au sein des décors intérieurs, français ou flamands, qui présentent d’étroites proximités de style tant les échanges artistiques sont nombreux.
Formes
Le mobilier médiéval est relativement simple, mais varié. Il est fonctionnel et pour les pièces les plus légères, facilement transportable, voire démontable pour répondre aux modes de vie d’une société en perpétuel mouvement. Les robustes coffres et armoires du XIIIe siècle, à la structure massive renforcée par des pentures (pièces de ferronnerie), dont peu d’exemples sont parvenus jusqu’à nous, laissent déjà voir des techniques de fabrication spécifiques.
Dès le XIVe siècle, les assemblages « à tenons et mortaises », « à queues d’aronde » ou « à rainures et languettes » se généralisent et permettent de nouvelles expérimentations. Les formes s’allègent et gagnent en complexité, fortement influencées par les évolutions stylistiques de l’architecture gothique. Le recours à de petits panneaux embrevés dans le cadre du meuble offre alors une surface propice au décor sculpté.
Ornements
Répondant en premier lieu à des besoins matériels, les pièces de mobilier (coffres, assises, dressoirs, etc.) apparaissent, dans la seconde moitié du XVe siècle, comme une traduction à petite échelle des lignes de l’architecture gothique flamboyante (1350-1520). Succédant aux arcatures en plein cintre et aux baies géminées, gâbles, pinacles, clochetons, mouchettes et rosaces scandent le répertoire ornemental enrichi de fenestrages aveugles (à orbevoie) ou ajourés (à claire-voie), mêlant arcs brisés et contre-courbes renversées. Cette ornementation montre un souci de profusion croissant bien qu’elle soit encore soumise à la géométrie du meuble. Feuillages découpés de houx et de vigne, créatures du bestiaire médiéval et scènes religieuses viennent également rehausser panneaux et colonnettes. Le « pli de serviette », motif typique du XVe siècle, vraisemblablement issu des draperies feintes représentées sur les peintures murales ou les bas-reliefs, se répand largement jusqu’au début du siècle suivant.
Matériaux
Le bois est le matériau par excellence : le chêne, solide, est presque exclusivement utilisé au Moyen Âge, tandis qu’il est plus rarement question de meubles en noyer. Les meubles et objets destinés au voyage, comme les coffres notamment, étaient parfois recouverts de cuir (pour les protéger de l’humidité) et dotés de poignées et de serrures. Les assises étaient souvent garnies de tissu pour un meilleur confort, tandis que le mobilier pouvait plus généralement être présenté dans un intérieur tendu de brocarts, soieries, velours ou encore de tapisseries aux coloris éclatants.
Invention / création (meubles nouveaux)
La chaire, pourvue d’un très haut dossier sculpté, s’impose au cours du XVe siècle comme une pièce centrale du mobilier de la demeure seigneuriale. Symbole d’autorité issu de la sphère religieuse, elle est pourvue d’accotoirs et dissimule un coffre dans son assise. À la fin du Moyen Âge, un meuble d’un nouveau genre, lui aussi dérivé du coffre, gagne la faveur des classes aisées désireuses de montrer leur richesse en présentant à leurs hôtes, pièces de vaisselle et ouvrages d’orfèvrerie : le dressoir. Sa conception répond à l’idée d’ouvrir le meuble de rangement non plus sur le dessus mais sur les côtés. Sa structure est variable, tantôt rectangulaire, tantôt à pans coupés, ornée de contreforts ou de pinacles. Recouvert de tissu précieux, il pouvait recevoir armoiries, devises ou décor à fenestrages.
Parfois appelé « cathèdre », ce meuble solennel aux lignes sobres et rigides fait partie intégrante du mobilier de la chambre. Réservé aux seigneurs, il est sculpté, sur la majeure partie du haut dossier, de fenestrages aveugles sur meneaux de style flamboyant, surmontés à la crête d’un réseau d’arcatures ajourées. L’ensemble est constitué de panneaux embrevés (c’est-à-dire emboîtés par le biais d’une rainure) dans le bâti, lui-même assemblé à tenons et mortaises. Les montants postérieurs sont couronnés de fleurons, tandis que le piétement, orné de deux motifs de plis de parchemin en faible relief témoigne, comme les accotoirs, d’une plus grande simplicité de traitement.
Paire de tréteaux avec plateau rapporté
France, vers 1475-1480
Chêne sculpté
H. : 86 cm - L. : 209 cm - Ép. : 4 cm - Prof. : 80 cm
Formé d’un plateau supporté par des tréteaux encastrés à tourillons dans les traverses supérieures, ce type de table, transportable dans la chambre ou la grande salle, peut être couvert à l’occasion par un textile. Il est extrêmement répandu au Moyen Âge dans tous les milieux sociaux, bien que les exemplaires connus de nos jours soient rares. Ici, les tréteaux adoptent une forme à fronton triangulaire embrevé (enchâssé) dans les montants et ajouré d’un décor de motifs flamboyants, exprimant la volonté d’un certain raffinement. Le procédé, multifonction, n’était pas dévolu exclusivement à l’usage des repas : les tréteaux pouvaient soutenir une table de travail, d’écriture ou servir de piétement de lit.
Le lustre était suspendu au plafond ou à la voûte d’un intérieur. Cette pièce dont la tige moulurée est terminée par une figure de la Vierge entourée de rayons, a pu prendre place dans un intérieur privé ou une église. Six branches enroulées de rameaux soutiennent chacune une bougie (en cire, elle est plus onéreuse que la chandelle fabriquée en graisse animale), alors qu’un double mufle de lion tenant un anneau achève l’ensemble. Ce type d’éclairage artificiel, de même que les chandeliers et autres pique-cierges, prend le relais de la lumière naturelle à la tombée de la nuit.
À la fois meuble de rangement et d’apparat, le dressoir, issu d’une structure simple, se perfectionne dans la seconde moitié du XVe siècle. Il est habituellement constitué de deux parties. Le corps supérieur qui peut être à pans coupés, est pourvu ici d’un vantail fermé sculpté à orbevoie, orné d’une serrure et d’un écusson représentant un château pris dans un fenestrage (les armoiries affirment l’appartenance au propriétaire). On y range des objets de valeur. Les panneaux latéraux sont eux aussi sculptés dans le style gothique français. La base est quant à elle le plus souvent évidée pour permettre d’y montrer un bassin ou un autre objet de céramique ou d’orfèvrerie. Cette forme perdurera au XVIe siècle, où elle s’enrichit de motifs venus d’Italie.
Jusqu’au XIVe siècle, la mesure du temps s’effectue au moyen du cadran astronomique, de la clepsydre ou du sablier, fait d’un cadre de bois et d’une fiole de verre. En France, l’une des premières mentions de ce type d’objet peut être lue dans l’inventaire des biens de Charles V à sa mort en 1380 : une « grande horloge de mer [faite] de deux grandes fioles pleines de sablon » y est décrite. Le sablier, dans la simplicité de son système d’écoulement, est utilisé dans le domaine de la navigation. Apparaissent au milieu du siècle les horloges mécaniques, mues par un poids descendant, avant que ne naisse au XVe siècle le ressort moteur. Peu coûteux, silencieux et fiable dans le séquençage du temps, il accompagnait et concurrençait l’horloge à rouages, dont l’usage devient courant chez les plus aisés, au plus tard dès le début du XVe siècle.
La frontière historique traditionnellement établie entre le Moyen Âge et l’époque moderne à la charnière du XVe siècle et du XVIe siècle paraît arbitraire : la Renaissance en France prend ses racines dès la fin de la guerre de Cent Ans, sous Charles VII (1403-1461), pour s’épanouir jusqu’au règne d’Henri II (1547-1559). Elle amène à sa suite nombre de mutations politiques, économiques, sociales et intellectuelles, au point que l’on parle parfois non pas de « la » mais « des » Renaissances.
Le tournant entre les deux siècles est marqué par l’action de Charles VIII (1483-1498) qui, revendiquant le royaume de Naples, s’élance dans les guerres d’Italie. Son successeur Louis XII (1498-1515) épouse sa veuve Anne de Bretagne et participe à l’affirmation d’un royaume prospère, mais disparaît sans héritier mâle. Il laisse donc le pouvoir à François Ier (1515-1547) qui poursuit l’épopée militaire italienne au cœur d’une période d’enrichissement marquée par l’essor du commerce et de l’industrie. Il se dresse parallèlement, au prix d’une lutte longue et dispendieuse, en farouche rival du puissant Charles Quint. Son fils Henri II (1547-1559) participe à la centralisation du pouvoir monarchique mais ne parvient pas à empêcher la montée d’une crise intérieure à la fois financière, tranchant avec la magnificence culturelle du milieu du siècle, et religieuse, due aux tensions entre catholiques et protestants.
Contexte / influence
Contrairement aux idées reçues, l’apport italien à l’art français, déjà initié par l’influence de la peinture siennoise du XIVe siècle en Avignon ou encore le séjour dans la péninsule d’artistes français tel que le peintre du roi Jean Fouquet au XVe siècle, ne date pas des expéditions de Charles VIII et Louis XII. Cependant, l’arrivée d’artistes italiens sur les chantiers des châteaux d’Amboise et de Blois, comme la percée de la pensée humaniste et le goût pour l’antique (activé par la diffusion de la gravure et la redécouverte à Rome des fresques de la Domus Aurea de Néron à partir des années 1480), introduisent progressivement les éléments d’un style transitoire empreint d’une richesse ornementale nouvelle. C’est François Ier, profondément épris de l’Italie, qui s’imposera finalement en grand ordonnateur du rayonnement italien, au travers des travaux entrepris dans la vallée de la Loire et dans son palais de Fontainebleau : sa galerie, chef-d’œuvre de Rosso Fiorentino et du Primatice, constitue un véritable manifeste artistique de la Renaissance en France et fascinera des générations d’artistes.
Formes
Lors de la Première Renaissance (1490-1530), bien que le décor italianisant fasse ses premières apparitions, la structure du meuble demeure médiévale, articulée autour d’une armature géométrique et fonctionnelle. Au début du XVIe siècle, l’assemblage à coupe d’onglet, qui facilite le raccordement des moulures, devient courant. Alors que le mode de vie de la Cour reste itinérant, le coffre, à couvercle plat, reste une pièce fondamentale de l’ameublement.
Lors de la Seconde Renaissance (1530-1590), sièges, tables, armoires et dressoirs, dont les formes sont marquées par l’architecture gothique, puis par les ordres antiques, vont s’alléger. Le style évolue dans une veine toujours plus décorative, parfois tempérée par les survivances médiévales ou les spécificités locales. La seconde moitié du XVIe siècle affirme le succès de l’armoire à deux corps, de la table de milieu à rallonges, ou encore du siège en « X » déjà présent au Moyen Âge. Les accotoirs des sièges s’évident vers des formes plus légères.
Ornements
La transition du gothique tardif à la Renaissance impacte également le répertoire décoratif. Panneaux à « plis de serviette », contreforts et motifs répétitifs feuillagés cohabitent désormais, au début du XVIe siècle, avec les pilastres, coquilles, têtes de profil en médaillon, candélabres, arabesques et rinceaux organisés symétriquement dans un décor « a grottesco ». Ces motifs prennent bientôt le pas sur les résurgences gothiques. Le renouveau décoratif se développe considérablement à partir de 1530 au sein de l’élégante École de Fontainebleau, s’exprimant sur les façades du mobilier comme sur les hauteurs des lambris. Sous l’influence des ornemanistes et des graveurs, tels que Hugues Sambin ou Jacques Androuet du Cerceau, cariatides, chimères, mascarons, cartouches, festons, pennes, oves, feuilles d’acanthe, personnages allégoriques et scènes mythologiques ornent parfois, en très haut relief, des meubles architecturés (avec fronton, entablement ou colonnes) d’un raffinement presque maniériste, alors que le style « Île-de-France » montre une tendance plus sobre et délicate, témoignant d’adaptations régionales.
Matériaux
Le bois massif est privilégié par les menuisiers et les sculpteurs. Si le chêne est toujours utilisé, le noyer est bientôt préféré à la Renaissance pour sa teinte nuancée, la finesse de son grain et sa plus grande malléabilité. Le cèdre ou le cyprès sont employés plus exceptionnellement. La technique de l’incrustation, venue d’Italie, est l’une des assimilations notables du mobilier à la Renaissance : à l’intérieur des cavités creusées dans le support principal, sont insérés des éléments d’essences de bois ou de matières différentes (marbre par exemple), créant des effets de contraste et de polychromie dans de véritables « tableaux ». Certains meubles étaient peints et dorés. Les sièges commencent à se doter plus régulièrement d’assises garnies de textile.
Invention / création (meubles nouveaux)
La Renaissance apporte un certain nombre d’innovations formelles et de variantes adaptées aux usages de l’époque. Répondant au même souci de fonctionnalité qu’en son temps la table à tréteaux médiévale, la table sculptée, munie de rallonges et d’une élégante entretoise, se généralise à partir du milieu du XVIe siècle.
Le siège tend quant à lui vers un allègement de sa structure : dans la catégorie des assises apparaît la « caquetoire », vers 1580, de forme trapézoïdale à haut dossier et fins accotoirs à bras ouverts. Destinée aux femmes et permettant de déployer une ample robe, elle tiendrait son nom du verbe « caqueter » signifiant bavarder.
L’importance du coffre (omniprésent au Moyen Âge), ne se dément pas à la Renaissance où il se pare d’un décor recherché, marqué par le style italianisant. Il est composé en façade d’un long panneau assemblé à tenons et mortaises et figure quatre des douze travaux d’Hercule, scandés par des pilastres cannelés à chapiteau, sous des arcs en plein cintre sur fond d’architecture (« tempietto », niches, loggias et dôme). L’inspiration des références antiques véhiculées par la gravure est visible : l’image du lion de Némée s’avère ici très proche de celle réalisée sur les plaquettes de bronze par l’orfèvre italien Moderno vers 1500.
Le siège en « X » ou « faudesteuil » tire son origine de la chaise curule romaine. Provenant d’Italie, il est lié à l’idée de pouvoir et prend diverses formes, dont le modèle dit « dantesca » ou « à tenailles » est une variante répandue et très appréciée en France, notamment à la cour d’Henri II. L’assise et le dossier de cette pièce sont garnis de velours (moderne), tandis que les accotoirs courbes sont décorés sur l’extérieur d’une cannelure et entrecroisés en partie centrale avec des montants sculptés d’écailles. L’articulation du siège, pliant, est masquée par un médaillon orné d’une rosace centrale.
L’influence de l’antique, et plus largement de la culture italienne, impactent un pan très important de l’art mobilier. Cette table de la Renaissance à large piétement sculpté en haut relief de figures hybrides adossées à un écusson, à la ceinture ornée de godrons et de denticules, rappelle amplement le cartibulum romain, table de pierre ou de marbre dont le plateau était soutenu par des chimères. Munie de rallonges mobiles, elle se déploie sur trois supports de bois coulissant, assurant la stabilité de l’ensemble. Les pieds, disposés de part et d’autre du plateau, s’évasent en haut en forme d’éventail. On décèle également, dans cette forme très architecturée, les apports des modèles d’Androuet du Cerceau, fin connaisseur de l’Antiquité.
Le chandelier figure parmi les objets d’usage les plus répandus et démontre la présence récurrente du travail de fonderie dans tous les secteurs de la vie quotidienne. Cette paire en bronze doré, représentant un homme et une femme dénudés d’inspiration antique et réalisés en symétrie, atteste d’un souci d’esthétisme constant dans l’Europe de la Renaissance. Chacun d’eux soutient sur sa tête un vase godronné formant le binet.
Au XVIe siècle, l’horlogerie est devenue une spécialité d’une grande complexité technique, synonyme de perfectionnement des mécanismes et des pièces. Posséder une horloge portative ou encore une montre est alors un signe d’appartenance à une classe sociale élevée. Les premiers centres de fabrication se développent en Europe, notamment en France et en Allemagne, dans les grandes villes et au service des cours royales. Les commanditaires n’hésitent pas à faire réaliser de véritables petits chefs-d’œuvre de métal doré, de forme hexagonale ou ornés d’un décor gravé.
Encore trop peu étudiée, cette période qualifiée généreusement du nom de Louis XIII, comprend traditionnellement le règne d’Henri IV (1572-1610) et constitue une période-clé dans le développement des arts décoratifs.
De nombreux artistes et artisans étrangers sont accueillis et s’établissent en France, contribuant au renouvellement des arts. Pourvoyeurs de commandes et à l’initiative des modes du moment, Louis XIII (1610-1643) et sa cour ainsi que les princes accordent alors à leur intérieur un soin particulier. Progressivement, la boiserie s’impose comme décor mural, de nouvelles techniques se développent dans le mobilier de luxe et un nouveau meuble fait son apparition : le cabinet parisien.
Contexte / influence
Des artisans, flamands ou allemands, s’installent à Paris apportant de nouvelles pratiques qui favorisèrent l’essor d’un art décoratif tout entier voué à l’exaltation de la personne royale, ce qui allait permettre l’épanouissement d’un style royal français. Parmi les nouveautés, celle du placage d’ébène révolutionna l’histoire du mobilier français. Auparavant les menuisiers de meuble utilisaient la technique italienne de la marqueterie dite tarsia geometrica, assemblant élément par élément. L’introduction de l’ébène et de son emploi ont donné naissance au terme « ébénisterie » et par extension ont permis de qualifier « d’ébénistes » ceux qui fabriquaient les meubles de placage, les opposant aux artisans travaillant uniquement le bois massif qualifiés « de menuisiers ». Dès lors deux métiers bien distincts cohabitèrent en une même corporation.
Formes
Les techniques traditionnelles de la sculpture et du tournage, interviennent toujours dans la fabrication du mobilier notamment pour les sièges dont les bois restent dissimulés pour une grande partie par les étoffes. Une entretoise renforce toujours les pieds dans leur partie inférieure, l’assise est carrée ou légèrement trapézoïdale et le dossier, rectangulaire, tend à se développer en hauteur. Les meubles d’ébénisterie obéissent à des formes architecturales simples, seul changeait le décor sculpté et gravé des bâtis plaqués d’ébène. Austères en apparence, les cabinets dévoilent des intérieurs polychromes conçus comme de petites scènes de théâtre avec jeux de perspectives, colonnettes, miroirs et scènes peintes.
Ornements
Cette époque voit l’assimilation de diverses influences venues du Nord et d’autres cherchées au Sud. Un goût pour l’ornement végétal se développe, les feuilles s’arrondissent tout en offrant un aspect tranchant donnant naissance à l’ornement en cosse de pois. Rubans, masques, peaux de lion, ailes déployées envahissent les surfaces. Le cartouche demeure l’une des formes privilégiée de l’ornement souvent complété par de gros festons de fleurs. Le goût pour le bizarre n’est pas étranger à cette période, traduit par des élongations de formes, le tout qualifié de style auriculaire. Vers 1640, tous ces ornements cèderont la place à un répertoire plus monumental renouant avec les modèles antiques.
Matériaux
Le bois, sculpté, peint et doré dans les intérieurs les plus riches s’impose, faisant reculer tentures de cuir, étoffes et tapisseries. Parmi les bois employés, les bois indigènes dominent : chêne, noyer, hêtre et les bois fruitiers sont rejoints par un nouveau venu, l’ébène en provenance de Madagascar. Le marbre, la mosaïque de marbres de différentes couleurs et le bronze doré font une timide apparition, annonçant la plus grande polychromie qui se déploie à la période suivante.
Invention / création (meubles nouveaux)
La sédentarisation s’étant imposée, de nouveaux meubles sont imaginés afin de répondre au développement de nouveaux usages. Le cabinet dont Paris imposa le principe se compose de deux parties, la première ouvrant à deux battants sur un intérieur plus ou moins élaboré et pouvant comporter de nombreux tiroirs, repose sur la seconde, formée d’un piètement composé le plus souvent de huit pieds et pouvant offrir un tiroir en ceinture. Le décor, à la fois sculpté et gravé dans la continuité des meubles de la Renaissance française, demande la collaboration de menuisiers, d’ébénistes, de sculpteurs, de graveurs, de tourneurs pour les pieds, éventuellement de marqueteurs et de peintres.
Le qualificatif de bras de lumière prend toute sa signification avec ce modèle qui figure deux avant-bras, droit et gauche, sortant d’une manche bouffante de pourpoint. Comme son nom l’indique, il est destiné selon sa forme à recevoir une ou plusieurs bougies et il est fixé aux murs, le plus souvent de part et d’autre de la cheminée. Avec les lustres, candélabres et flambeaux, ils assuraient l’éclairage de la pièce.
Le haut dossier, l’assise à peine évasée vers l’avant et les pieds tournés, réunis par une entretoise, demeurent les caractéristiques majeures du siège sous le règne de Louis XIII. Petit à petit les bois auparavant dissimulés sous un textile deviennent plus apparent. Les pieds sont encore réunis par une entretoise et une traverse sur le devant pour renforcer la structure du siège. Ils sont ici composés de balustres compris entre deux massifs cubiques dont les angles ont été aplanis.
Cabinet
France, vers 1650
Bâti en résineux (corps supérieur), chêne et résineux (piétement), acajou ou amarante (tiroirs du caisson), placage d’ébène, poirier noirci, ivoire teinté
H. : 168 cm - L. : 154 cm - Prof. : 55 cm
Achat avec le soutien de M. et Mme Emilio Ferré par l’intermédiaire du Comité international et grâce aux dons versés lors du dîner de gala pour la réouverture du Musée des Arts décoratifs, 2007
Ce meuble caractéristique du XVIIe siècle français est certes un meuble de rangement mais avant tout d’apparat en raison de ses matériaux constitutifs : ébène sculpté et gravé, ivoire ondé et teinté à l’imitation des pierres dures. Ces deux vantaux s’ouvrent sur un caisson intérieur qui peut être décoré comme un petit théâtre entouré de plusieurs rangs de petits tiroirs. On y renfermait des bijoux ou de menus objets précieux.
Bureau à huit pieds
France, vers 1650
Bâti en chêne, placage de bois d’amarante et étain
C’est au cours du XVIIe siècle que les ébénistes créent le bureau, meuble entièrement dédié au travail. Auparavant tables ou coffres tenaient lieu de meubles à écrire que l’on protégeait en les recouvrant d’un tapis de bure. Cette étoffe peu coûteuse est à l’origine du mot « bureau ». Les premiers bureaux sont à huit pieds, reliés quatre à quatre par des entretoises, supportant des tiroirs superposés et un caisson légèrement en retrait ainsi qu’un grand plateau rectangulaire. Parfois, comme ici, un petit gradin l’accompagne ouvrant à tiroirs et caisson, multipliant ainsi les possibilités de rangement.
Pendulette
Laboullays, horloger
Nancy, vers 1650
Bronze fondu, doré et gravé, émail, étain et verre
Apparus au XIVe siècle, les premiers mécanismes d’horloge n’ont cessé de se perfectionner dans le temps et gagnèrent les riches intérieurs sous la Renaissance. Au XVIIe siècle, la pendule reste un objet de prix et ne connaît pas encore la grande diversité de forme qui se développera au XVIIIe siècle. Celle-ci offre un décor gravé formant comme un cadre autour du cadran. Fier de son ouvrage, l’horloger l’a signé de manière visible sur la face. Ses petites dimensions et ses petits pieds autorisent à la déplacer selon les besoins.
Le règne de Louis XIV (1643-1715) fit sans conteste de la France, le royaume le plus stable et le plus grand d’Europe. Après une minorité troublée par la Fronde, le roi choisit à la mort de Mazarin en 1661 de gouverner par lui-même, s’imposant ainsi aux Parlements. Maniant conjointement diplomatie et actions armées, Louis XIV agrandit le royaume, accrut sa puissance puis réorganisa diverses administrations. Enfin, il agit en monarque absolu.
Si les années centrales du règne évoquent la magnificence de Versailles, les dernières années furent marquées d’une crise financière sans précédent, conséquence des guerres incessantes et des grands travaux. De Versailles, Louis XIV fit un lieu de pouvoir mais également de prestige culturel qui favorisa l’apogée du classicisme français qualifié de « siècle de Louis XIV ».
Contexte / influence
Baroque à ses débuts puis trouvant son aboutissement dans un classicisme triomphant, le règne de Louis XIV (1643-1715) favorisa l’essor d’un art au service de la majesté royale pour laquelle rien n’était assez beau : richesse des matériaux, ampleur des formes, proportions étudiées. Après l’influence des artistes et artisans venus du Nord, c’est celle des italiens, venus à la Cour à l’instigation de Mazarin, qui domine. Un style opulent se développe, empreint de monumentalité et de magnificence marquant le mobilier qui, de plus en plus, fait corps avec la décoration intérieure contribuant à l’impression d’harmonie. La fin du règne connaîtra une importante évolution stylistique participant de ce qu’il est coutumier de désigner sous le terme de style Régence.
Formes
Si la ligne architecturale constitue toujours l’ossature d’un objet d’ameublement, sous l’influence des formes généreuse du baroque italien, elle tend à s’assouplir. Pour les sièges, le haut dossier entièrement recouvert d’étoffe domine, l’assise est large, les pieds sont souvent traités en gaine et de plus en plus en console reposant sur des boules aplaties. Ces derniers sont encore solidement reliés entre eux par une entretoise. Cette partie inférieure du siège ainsi que les bras d’accotoir donnent lieu au déploiement d’un décor sculpté qui, progressivement, envahit l’ensemble des bois du siège.
Ornements
Parmi les ornements favoris de cette période triomphe l’acanthe, motif empruntant son contour à la feuille de l’acanthe, plante croissant dans le bassin méditerranéen. Ornement en usage depuis l’Antiquité, il connaît selon les époques un contour variable et s’associe à tout un système décoratif. Isolé ou en groupe, il encadre et souligne, accompagne d’autres ornements comme les rinceaux ou les entrelacs. Les ornements s’organisent en un système d’encadrement composé de plates-bandes plus ou moins prononcées dans lesquelles des figures humaines ou animales se développent. Par ailleurs, le courant naturaliste de l’époque s’exprime également par de grandes compositions florales qui s’imposent dans le domaine de la marqueterie. D’abord contenue en compartiments jusque vers 1680, la marqueterie de fleurs se répand ensuite en décors ininterrompus.
Matériaux
Vers 1650, les matériaux de l’ébénisterie se diversifient. L’ébène recule au profit de l’ivoire, de l’écaille, de la marqueterie de fleurs en bois polychromes exotiques et indigènes. L’écaille prend de plus en plus de place, à laquelle sont associés l’étain et le laiton. Le bronze doré, d’abord employé pour protéger la base des pieds des meubles ou les entrées des serrures, devient un élément décoratif de plus en plus présent. À cette richesse de matériaux déployée sur les meubles d’ébénisterie répond celle des meubles de menuiserie dont la surface fut enrichie par une autre technique venue d’Italie, la dorure, à laquelle se substitue parfois l’argenture et plus timidement le laque.
Invention / création (meubles nouveaux)
Deux meubles essentiels font leur apparition : le bureau et la commode. Les premiers exemples de bureau remontent aux années 1650 et correspondent à la diversification des pièces qui commencent à se développer dans les intérieurs. La suite traditionnelle de l’antichambre, chambre et cabinet se voit complétée de pièces satellites aux fonctions précises comme les bibliothèques et les cabinets de travail auxquelles le bureau est adapté. Les premiers bureaux reposent sur huit pieds avec caissons ouvrant à battant ou à tiroirs, puis les caissons disparaissent cédant la place à d’élégantes entretoises qui disparaissent à leur tour. Les pieds de huit deviennent quatre, la ceinture se compose de trois tiroirs annonçant le grand bureau plat du siècle suivant. La commode, plus tardive, dérive à la fois du bureau et du coffre dont elle combine les silhouettes. Meuble de rangement tout comme l’est le coffre, elle témoigne de la sédentarisation et propose un usage plus commode que le coffre confirmant l’appellation qui fut dès lors la sienne.
Le bronze doré ou l’argent massif sont les deux matériaux de prédilection sous le règne de Louis XIV pour la réalisation des bras de lumière. À cette période, le bras de lumière comporte en général un seul binet, qui correspond à la partie cylindrique dans laquelle est placée la bougie. Le binet est lui-même placé sur une bobèche, partie circulaire destinée à recueillir les coulures de cire. Plusieurs bras de lumière pouvaient être accrochés par paire sur les murs d’une pièce, participant à son éclairage mais également au décor de celle-ci.
Tabouret
France, vers 1690-1700
Chêne, hêtre et noyer sculptés et dorés, textile de couverture moderne
Avec le fauteuil et la chaise, le tabouret fait partie des sièges les plus courants de l’ameublement. Ce modèle repose sur quatre pieds en forme de gaine, sculptés de cannelures et enrichis en haut et en bas d’un motif de godrons. Pour plus de solidité, les pieds sont réunis en partie basse par des traverses, sculptées de feuilles d’acanthe. Entièrement doré, ce tabouret est destiné à meubler une pièce richement ornée.
Commode en tombeau
Paris, vers 1700
Bâti en sapin et noyer, décor peint et vernis, bronzes vernis, marbre Portor
Inventée sous le règne de Louis XIV, la commode est le résultat d’une évolution et d’un compromis entre le coffre et le cabinet. Comportant des tiroirs en façade, elle offre une plus grande facilité de rangement que le coffre. Les premières commodes reposent sur des pieds peu élevés et présentent généralement trois rangs de tiroirs. Le décor de celle-ci est réalisé au vernis visant à imiter dans les fonds, le motif du marbre Portor qui lui sert de dessus et au pourtour la marqueterie dite Boulle, technique de placage particulièrement sophistiquée.
La console est un meuble conçu pour accompagner le décor de la pièce à laquelle elle est destinée. Elle est généralement dessinée par l’architecte et confiée aux soins du menuisier. Le dessus de marbre qui l’accompagne en épouse les formes et correspond par sa qualité au marbre employé pour la cheminée, que l’on retrouve aussi sur les autres meubles de la pièce afin de constituer une unité du décor. On pose sur la console, pendule, vases, flambeaux, candélabres ou tout autre objet de décoration. Celle-ci est constituée de trois pieds reliés par une entretoise et offre un décor composé d’un masque féminin placé sur un lambrequin encadré de rinceaux. Un riche décor mosaïqué orne les fonds, caractéristique des années 1700.
Pendule
Pierre Duchesne, horloger
Paris, vers 1690-1705
Bâti en sapin, placage d’ébène, écaille, laiton, étain, bronze doré et verre
Avec le règne de Louis XIV, la pendule entre plus largement dans les intérieurs de l’aristocratie. C’est un objet de luxe et les boîtes accueillant les mécanismes adoptent le plus souvent une structure architecturale comme celle-ci. Quatre colonnes à chapiteau corinthien la cantonnent et soutiennent un entablement sur lequel repose une toiture en dôme. Une marqueterie d’étain et d’écaille teintée en rouge la recouvre, soulignée par des encadrements de bois d’ébène auxquels s’ajoute le bronze doré. Deux aiguilles marquent les heures et les minutes. Le dôme dissimule le timbre qui assure la sonnerie des heures.
La Régence désigne la courte période politique qui sépare la mort de Louis XIV (en 1715), de la majorité de Louis XV (1723), durant laquelle le gouvernement est confié à Philippe d’Orléans, neveu du défunt roi. Homme de sciences et collectionneur averti, il aspire à un allègement de l’Étiquette qui se traduit par un désir de légèreté dans l’ordonnancement des appartements.
Le style Régence apparaît, en fait, dès le début du XVIIIe siècle et dure près de trente ans. Revenue à Paris, la cour retrouve son rôle prescripteur, le goût des fêtes influençant la création. De plus, l’émergence d’une classe financière nouvelle qui cherche à imiter la noblesse donne lieu à des commandes nombreuses, suscitées par un désir de fastes et de reconnaissance sociale.
Contexte / influence
La légèreté à laquelle aspirent les créateurs est en partie due à leur besoin de se libérer de la lourdeur et de la symétrie raide des meubles créés au début du règne de Louis XIV. L’influence de la culture italienne, en particulier l’univers joyeux de la Commedia dell’Arte inspire les artistes. Par exemple, les personnages de Watteau se retrouvent aussi bien sculptés sur les panneaux de meubles et les boiseries qu’en bronze doré.
Formes
Le tournage est abandonné au profit du bois sculpté, les pieds des meubles et des sièges s’affinent et se tordent en courbes et contre-courbes. Désormais, les entretoises sont davantage décoratives et sur celles des consoles, on dispose des vases en porcelaine. Les proportions des sièges sont moins massives et la recherche du confort génère des formes enveloppantes : les dossiers incurvés ou cintrés remplacent les hauts dossiers raides. Les silhouettes tortueuses des bras de lumière et des chenets évoquent les sarments de vigne. Les faces des commodes, encore imposantes, se dressent progressivement sur des pieds moins courts, tandis que leurs volumes offrent de nombreuses possibilités stylistiques. Les formes cintrées sont de mise tant pour les boiseries que les trumeaux de glace.
Ornements
Les motifs de treillages et de toiles d’araignée, les coquilles, les ailes de chauve-souris et les palmettes ouvertes largement en éventail couvrent les boiseries sculptées sur lesquelles évoluent parfois des singes costumés aux mimiques et activités humaines. Les espagnolettes, bustes de femme portant des collerettes et des tricornes, se retrouvent sur les meubles de menuiserie ou en bronze doré aux angles des commodes. Issus de la mythologie, masques et mascarons souriants et expressifs ponctuent les panneaux de portes des armoires ou servent d’agrafes. Les figures animales chimériques, en particulier les dragons, remportent un grand succès, leur forme se mêlant aux chantournements des meubles en bois doré et des objets en bronze doré.
Matériaux
Le bois sculpté et doré supplante le bois ciré dans les ouvrages de menuiserie, aussi bien sièges que consoles, tandis que les essences exotiques : palissandre et amarante sont utilisées en placage pour les meubles d’ébénisterie. L’importance du tissu qui recouvrait l’ensemble du dossier et de l’assise est moindre, à mesure que le sculpteur sur bois orne chacune des parties du siège. Le cannage fait son apparition pour les meubles de toilette ou de salle à manger en raison de sa légèreté et de son entretien facile. Majoritairement employé pour l’éclairage et le chauffage : lustre, bras de lumière, chandeliers et chenets, le bronze doré est aussi utilisé pour les plus petits éléments d’applique : poignées, entrées de serrures et sabots, protégeant les parties fragiles des meubles tout en formant un décor raffiné.
Invention / création (meubles nouveaux)
Sous la Régence, le grand bureau plat remplace le bureau à huit pieds tandis que le cabinet et le meuble à deux corps disparaissent au profit des armoires et des commodes. Dès lors, cette dernière est le meuble phare, sa silhouette devient le lieu de nombreuses expérimentations formelles. Grande nouveauté, le fauteuil est désormais à châssis. Signe d’une exigence de confort, les étoffes, fixées sur un cadre amovible, sont changées au gré des saisons. La console en bois doré fait également son apparition, elle peut être fixée directement au mur ou reposer sur deux pieds à l’avant, entraînant une créativité sans limite.
Commode en tombeau
Attribuée à François Garnier
France, vers 1740
Bâti en chêne, placage de bois de violette, bronze ciselé et doré, marbre
Meuble à tiroirs destiné au rangement du linge, la commode est placée dans la chambre à coucher, souvent accompagnée d’encoignures coordonnées et placées dans les angles de la pièce. La quantité de tiroirs est variable, sur celle-ci les six poignées induisent en erreur car elles correspondent à deux petits tiroirs sous le marbre et deux grands tiroirs en partie basse. Le rôle des bronzes dorés comme du plateau de marbre est autant protecteur que décoratif. Les arêtes, les pieds et le dessus de la commode sont ainsi protégés des chocs et dégradations éventuels.
Le bureau plat prend sa forme à la fin du règne de Louis XIV, celui-ci dérive du bureau à huit pieds droits, souvent en marqueterie d’écaille et de métal, en usage au siècle précédent. La solidité du bâti a permis d’éliminer l’entretoise et progressivement le nombre de pieds diminuera pour être porté à quatre, sous le règne de Louis XV. Les caissons de tiroirs, moins imposants, ferment à clef afin d’assurer le rangement sécurisé des papiers les plus précieux. De plus, sa grande surface de travail, recouverte de cuir pour le confort de l’écriture, permet d’étaler des documents ou de déployer des cartes. Placé au centre de la pièce, le bureau offrait la possibilité de travailler en vis-à-vis avec son propre secrétaire.
Avec son dossier légèrement incliné vers l’arrière, son assise plus basse et le recul des supports d’accotoirs qui ne sont plus dans l’axe des pieds avant, ce fauteuil témoigne par sa recherche de confort, du nouvel art de vivre prôné sous la Régence. Les lignes courbes, la plus grande part accordée au bois et le travail raffiné du sculpteur, annoncent le style rocaille qui aura tant de succès dans les arts décoratifs sous le règne de Louis XV.
La lumière dans les intérieurs est une préoccupation constante sous la Régence qui entraîne la multiplication des sources (bougeoirs, candélabres, lustres et bras de lumière) et des éléments pouvant la réfléchir (pendeloques de cristal et glace murale). Au-dessus de la cheminée, le trumeau de glace occupe toute la hauteur du mur, tandis que sur le mur opposé un autre miroir lui fait face. De part et d’autre des miroirs, sont fixés des bras de lumière dont la forme asymétrique offre deux sources lumineuses, vers le haut et au centre vers la glace. Des animaux font partie du décor : un dragon défie une sorte de lézard dont le corps sinueux épouse la forme du bras. La pièce, agrandie par cette perspective sans fin, revêt un caractère féérique, le soir venu, lorsque les flammes des bougies se reflètent dans les glaces.
Cartel sur console
Charles Cressent (1685-1768) ; André-Georges Guyot ( ? - avant 1748)
Paris, vers 1733
Cadran de bronze doré à chiffres émaillés ; boîtier de chêne noirci ; côtés plaqués en marqueterie d’écaille et laiton
Le cartel est une horloge fixée au mur. Il remplace la pendule en marqueterie de métal et d’écaille, à la forme plus massive qui reposait sur une console murale, à la mode au siècle précédent. L’art du bronzier se développe notamment dans le domaine de l’horlogerie à partir des années 1730. Les thèmes du décor, lié au passage du temps ou purement ornemental, étaient généralement repris sur d’autres éléments en bronze doré dans la même pièce, tels les bras de lumière ou les chenets, afin de créer un ensemble décoratif coordonné et harmonieux. Rappelant l’or et la couleur du feu, faisant jouer la lumière, le bronze doré était particulièrement propice à la création de formes chantournées et déchiquetées.
Le règne de Louis XV (1715-1774) est marqué par la paix et la prospérité qui favorisent l’émergence d’amateurs fortunés, friands de nouveautés. La circulation de nombreux objets aux matériaux inconnus, provenant des colonies d’Amérique et des comptoirs d’Extrême-Orient stimule les créateurs parmi lesquels émerge la figure du marchand-mercier.
À Versailles où la cour s’est réinstallée en 1723, la création des petits appartements, voulus par le roi est dictée par un souci nouveau d’intimité et de confort. Louis XV décide la création de la manufacture de porcelaine de Vincennes-Sèvres dont la production sera une des plus raffinée d’Europe. Le style rocaille dans un prolongement exacerbé des formes déchiquetées héritées de la Régence, atteindra son paroxysme lorsque sera publié La Supplication aux orfèvres (1754) qui en dénoncera les excès.
Contexte / influence
La nature dans tous ses états est la principale source d’inspiration du style Louis XV, style largement associé au goût rocaille dont le nom dérive des rochers. L’univers végétal des jardins, aux multiples variétés de fleurs, les décors de treillage ainsi que les grottes reconstituées à l’aide de rochers et de coquillages influencent le décor intérieur notamment celui des boiseries. La mer, en particulier les enroulements des vagues et l’écume, participent également du décor intérieur. Idéalisé et adapté au goût occidental sous le terme de chinoiserie, la fascinante Asie, en partie fantasmée, influence la création. Ce monde onirique plein de fantaisie est peuplé de personnages, d’animaux et de plantes, prolifère dans tous les domaines : boiseries, mobilier, céramique et orfèvrerie.
Formes
Silhouette galbée des meubles, courbes et contre-courbes du dessin des boiseries, boursouflement des pièces de service de table d’argent ou de porcelaine, la ligne sinueuse donne le ton dans la continuité des recherches de la Régence. La fantaisie des formes est en accord avec les moulures des boiseries qui composent le décor des chambres et des salons. La structure apparente des sièges est sculptée très finement de motifs végétaux déchiquetés, parfois vernis en couleur afin de s’harmoniser avec les boiseries. Plus hautes sur leurs pieds graciles et au profil sinueux, les commodes sont plus ventrues, la ligne droite en est bannie et leur façade tend à former un panneau décoratif unique où les tiroirs ne sont plus marqués visuellement que par les poignées.
Ornements
De manière plus réaliste que sous la Régence, l’ensemble du monde végétal est utilisé comme ornement : les vrilles, les tiges souples et les fruits offrent leur sinuosité et leur souplesse aux artistes et artisans dans tous les domaines. La feuille d’acanthe et les coquilles, déjà en usage sous la Régence, sont moins symétriques et stylisées, plus déchiquetées. La marqueterie, mêlant à la fois décor géométrique (losanges, chevrons, rayures, cubes sans fond…) et décor à main levée (bouquets de fleurs, trophées, personnages…), propose des décors toujours plus complexes. Les éléments en bronze doré, tout en continuant à renforcer les parties saillantes ou à faire office d’entrées de serrure, de poignées ou de boutons de tirage, se répandent désormais à la surface des meubles pour en souligner les formes.
Matériaux
Pour les sièges comme les boiseries, le hêtre et le noyer au naturel ou doré, pour les plus raffinés, sont toujours en usage tandis que le bois laqué fait son apparition ; les motifs peints au naturel de couleurs vives prolongent ainsi le travail du sculpteur. Le bois de violette puis le bois de rose sont utilisés en placage, de plus en plus fin pour épouser le galbe des meubles. Chinois ou japonais, principalement rouges ou noirs, les panneaux de laque asiatique provenant de coffres ou de paravents démontés, sont réutilisés pour créer des devants de commode. Le succès de ce matériau d’importation stimule la création de laque française dite « vernis Martin » qui couvre tous les meubles et objets de la vie quotidienne.
Invention / création (meubles nouveaux)
La multiplication de sièges plus maniables et destinés à des usages spécifiques participe de la recherche du confort au service d’un art de vivre toujours plus exigeant : table d’appoint, semainier ou chiffonnier aux multiples tiroirs, chaise longue en deux parties, fauteuil enveloppant, confident, indiscret, canapé, jusqu’à la voyeuse, siège pour femme sur lequel on s’agenouille pour assister aux parties de jeu... Le secrétaire fait son apparition, plus fonctionnel que le bureau plat, ses possibilités de rangement sont supérieures grâce à ses multiples compartiments et casiers.
Commode
Attribuée à Jean Demoulin (1715-1798)
Paris, vers 1745
Bâti en chêne, vernis Martin, laque de fond noir, bronze ciselé et doré, marbre brèche d’Alep
Les années 1740 sont marquées par l’éclosion d’un goût nouveau, la chinoiserie qui a pour origine l’importation massive d’objets d’Extrême-Orient collectionnés par les amateurs d’exotisme. C’est dans ce contexte que se développe le vernis Martin, technique visant à imiter celle des laques orientales pour recouvrir boiseries, meubles, carrosses et objets du quotidien. Le décor de cavaliers, en raison de sa composition, du choix des couleurs et du relief atteste de la grande maîtrise du vernisseur. Guidé par les idées du marchand-mercier qui a suscité cette création, l’ébéniste a procédé au montage du panneau, découpé avec habileté pour créer les deux tiroirs et intégrer, subtilement, les poignées de bronze doré au décor.
Bureau « à la Bourgogne »
Paris, vers 1760
Bâti en chêne, placage de bois de rose, bois de violette et amarante, bronze doré, dessus en maroquin
Fermé, ce meuble s’apparente à un simple bureau plat dont la ceinture serait pourvue de tiroirs ouvrant par des poignées de bronze doré. Cependant, après avoir rabattu vers l’avant la moitié du plateau, une simple pression du doigt sur deux boutons feints, dissimulés dans la marqueterie sur les côtés du bureau, fait surgir un caisson de petits tiroirs. Sous le plateau, des couvercles coulissants dissimulent d’autres compartiments. Cette typologie de bureau aurait été conçue par Jean-François Œben pour le frère du futur Louis XVI, le jeune duc de Bourgogne (1751-1761) qui, souffrant de tuberculose osseuse, avait besoin d’un mobilier adapté.
Fauteuil à la reine
France, vers 1740
Hêtre sculpté, peint et doré, tapisserie au petit point réemployée
Avec ses pieds courbes, ses supports d’accotoirs sinueux placés en retrait et non plus dans le prolongement des pieds, ce fauteuil présente toutes les caractéristiques du style rocaille. En vigueur à partir des années 1740, il brise la symétrie à la mode sous le règne de Louis XIV. Le bois du siège est fait de courbes et contre-courbes tandis que son décor sculpté et peint, composé de feuilles et de fleurs, est en accord avec la tapisserie qui le recouvre. L’harmonie régnait entre le mobilier et les boiseries mais aussi avec le décor textile : les étoffes couvrant les murs, les rideaux et tapis.
L’horloge est dite « de parquet » car elle est posée au sol. À mi-chemin entre l’instrument scientifique et le meuble, les horloges témoignent du goût pour les sciences et les techniques. Afin de faciliter la lecture de l’heure, le cadran est placé en hauteur ; la grande taille de la caisse est due à la présence des poids du balancier dont la longueur est indispensable à la précision du mécanisme. Le décor de frisage, qui est une technique de marqueterie géométrique, est généralement coordonné à l’ensemble des meubles installés dans la pièce. Sa forme élancée est tempérée par le décor de bronze doré, qui souligne les différentes parties de l’horloge.
Candélabre
Paris, vers 1740
Monture : bronze doré ; personnages : porcelaine de Meissen
À l’époque rocaille, les objets fonctionnels sont également décoratifs et destinés à s’intégrer harmonieusement aux différentes pièces de la maison. Parmi les sources d’éclairage, les flambeaux font partie des éléments les plus mobiles, ils peuvent être installés sur la tablette de la cheminée, les consoles, les tables et les bureaux. Pour autant certains sont de véritables œuvres d’art. Les marchands-merciers à la fois commerçants, décorateurs et prescripteurs de goût, suscitent la création d’objets composites tel ce candélabre à trois lumières de bronze doré orné de figures en porcelaine de Meissen, qui est surtout un objet de décoration exceptionnel.
Si les fouilles d’Herculanum (1738) et de Pompéi (1748) marquent le début d’une esthétique nouvelle portée par la redécouverte des vestiges des civilisations antiques, il faut attendre les années 1750 pour voir ses manifestations dans les arts décoratifs.
Encore vif, le goût pour les sinuosités diminue peu à peu et on assiste à l’introduction de nouvelles formes. En effet, après leur retour du traditionnel voyage en Italie organisé par le marquis de Marigny, frère de madame de Pompadour, alors directeur des Bâtiments du roi, les théoriciens de l’art et les architectes qui l’accompagnaient fournirent dessins et gravures qui renouvèlent l’inspiration. Ainsi, les dernières décennies du règne de Louis XV sont marquées par un moment dit de Transition qui témoigne du changement de goût des artistes.
Contexte / influence
Stylistiquement, la période Transition s’étend entre 1760, peu après le rejet de la manière rocaille (Supplication aux orfèvres, 1754), et s’achève en 1770, par la construction du pavillon de madame Du Barry à Louveciennes par Ledoux. L’architecture de l’Antiquité et son vocabulaire ornemental constitue la principale source d’inspiration de ces années charnières marquées par les tâtonnements et la mise en place d’un style nouveau. On note toutefois deux tendances, la première donnant lieu à des créations hybrides qui résultent de la double influence du style rocaille et de l’inspiration antique tandis que la deuxième est résolument néo-classique. Ce style épuré empruntant principalement à l’architecture antique est appelé « à la grecque » et mènera directement au style Louis XVI.
Formes
La période Transition se manifeste par une hybridation des formes. Si les lignes courbes et les inspirations végétales issues du style rocaille sont encore employées, elles sont toutefois atténuées par l’apparition timide de la ligne droite donnant un caractère géométrique aux silhouettes. La cohabitation sur le même siège ou meuble de deux répertoires décoratifs donne des formes surprenantes. Les nombreux éléments caractéristiques de l’architecture antique (colonnes, pilastres, frises de grecques, tores de lauriers) sont repris pour structurer les formes souples de la rocaille. La forme de la commode subit un changement radical. Si les pieds sont encore légèrement cambrés, le caisson est désormais rectangulaire avec un ressaut central en saillie, quant aux poignées, parfois placées à la verticale, elles sont presque rectilignes.
Ornements
Les frises géométriques sont habilement utilisées pour souligner les formes plus strictes des meubles, certains enroulements géométriques servant même pour marquer visuellement les pieds. La technique du frisage tend à se généraliser. Le nombre de bronzes d’applique est désormais limité aux éléments fonctionnels : entrées de serrure, poignées, et protection des arêtes ne tenant plus seulement lieu de motif décoratif. Les ornements d’origine animale, employés du temps de Louis XIV sont repensés et leur dessin est plus réaliste. Mufles et pattes de lion, ou encore têtes de bélier, sont associés à une inspiration végétale au rendu plus stylisé : tores de laurier et joncs liés, pommes de pin…
Matériaux
Le satiné et le sycomore sont utilisés en placage, les décors des panneaux aux formes de plus en plus géométriques sont soulignés de filets en bois indigènes, de houx ou de buis. Employé avec plus de parcimonie, le bronze doré est quant à lui moins présent. Tandis que vers la fin de la période Transition, l’emploi de l’acajou se généralisera en France après avoir été surtout exploité dans les ports comme Nantes ou Bordeaux. Parmi les matériaux qui remporteront un certain succès, la porcelaine de Sèvres sous forme de plaques et de petits panneaux, renouvèle le décor des meubles.
Invention / création (meubles nouveaux)
Il n’y a guère de nouveaux meubles durant la période Transition. Toutefois, dans le domaine des meubles à écrire, on note l’apparition du bonheur-du-jour. Ce bureau de dame à gradin s’inscrit dans la catégorie des nombreux petits meubles maniables et à usage spécifique, apparus au début du règne de Louis XV. Le goût prononcé pour les sciences naturelles entraîne la création de coquilliers, qui servent à présenter les échantillons dûment étiquetés.
Commode
Louis Aubry, estampille
Paris, vers 1775
Bâti : chêne ; placage : bois de violette, bois de rose, buis, sycomore, charme ; marbre ; bronze doré et ciselé
La distribution verticale du décor en trois registres ainsi que le léger ressaut de la partie centrale caractérisent les commodes dite « Transition ». De plus, cette nouvelle façon d’envisager le décor nie l’horizontalité des tiroirs dont la présence est révélée par les anneaux de tirage. En outre, il n’y a plus une seule partie galbée, hormis les pieds, mais une rigueur géométrique renforcée par l’emploi du frisage. Préférée aux marqueteries de fleurs au naturel, cette technique de placage se généralise. L’utilisation du bronze doré pratiquement réduit à sa seule fonction utilitaire (chutes d’angle, poignées, entrée de serrure et sabots) témoigne des recherches stylistiques en cours à la période Transition contre les excès de la rocaille qui menèrent à l’élaboration du style dit « à la grecque ».
Meuble à écrire debout
Paris, vers 1760
Bâti de chêne, placage bois de rose, satiné, amarante ; dessus de l’abattant en cuir, sabot bronze doré et ciselé, roulettes en bois
Ce meuble aux lignes graciles servait en premier lieu de bureau d’appoint. Des documents pouvaient être rangés dans le caisson fermant à clef sous l’abattant, et le nécessaire à écrire était installé dans un étroit et long tiroir dissimulé dans l’angle supérieur droit du meuble. Quant à la tablette d’entretoise, placée immédiatement sous le pupitre, elle est rétractable et transformable en chevalet grâce à un ingénieux système de crémaillère. Enfin, les roulettes en bois renforcent le caractère fonctionnel du meuble.
Cette chaise est représentative du passage d’un style à un autre, ses pieds encore cambrés ont reçu en partie haute, un décor d’enroulement de feuille d’acanthe qui porte en germe l’inspiration antique, en vigueur dans les arts sous le règne de Louis XVI. L’abandon du répertoire ornemental naturaliste (fleurettes, agrafes et coquilles) faisant place à de simples moulures cannelées pour le bois du dossier comme pour la ceinture, signe la volonté de s’émanciper des formes trop complexes caractérisant le goût rocaille.
La forme de ce candélabre est caractéristique des tâtonnements de la période Transition qui se libère des formes chantournées pour se rigidifier, se rapprochant du modèle antique de la colonne qui triomphera quelques années plus tard. La base circulaire ornée d’un tore de laurier stylisé et d’un rang de perles annonçant les motifs typiques du style Louis XVI, tandis que le fût et les bras sont encore emprunts des formes tordues et naturalistes de l’art rocaille.
Pendule dite « Pyramide »
Charles le Roy (1709-1771), horloger
Paris, vers 1760
Bronze patiné et bronze ciselé et doré
H. : 68 cm
Don en souvenir de M. Émile Perrin, hommage de son fils Émile, 1909
Les pendules à poser sont souvent associées à des vases pour former des garnitures, c’est-à-dire des ensembles d’objets décoratifs mêlant le bronze doré à d’autres matériaux : porcelaine, tôle, ivoire, marbre… La forme de celle-ci est issue des obélisques dont la mode apparaît à la suite des découvertes de ruines antiques. La mappemonde au sommet atteste du goût prononcé pour les sciences, lié aux nombreuses découvertes du siècle des Lumières. C’est un des modèles les plus marquants du style Transition.
Lorsque s’ouvre le règne de Louis XVI (1774-1793), la France connaît une grave crise parlementaire. Le jeune roi décide de rappeler les Parlements exilés et engage avec son ministre Turgot des réformes audacieuses mais qui n’ont pu être conduites à terme car il a dû faire face à nouveau à des Parlements menaçants et à une crise économique et financière qui a bouleversé l’ensemble de la société française.
Parallèlement la France est engagée dans la guerre pour l’indépendance américaine, l’entraînant dans une guerre contre la Grande-Bretagne et contribuant à creuser le déficit des finances et à multiplier les emprunts. Le climat social particulièrement tendu ainsi qu’une défiance croissante du peuple à l’égard de la monarchie absolue de droit divin conduisent à la Révolution.
Contexte / influence
En matière d’art décoratif, l’Europe a ses regards tournés vers la France, qui demeure avec son art de vivre, un modèle de référence. Cependant celui-ci se nourrit d’inspirations étrangères : l’Orient continue de susciter de coûteuses fantaisies, les turqueries prenant le pas sur les chinoiseries. L’anglomanie qui se développe à travers les modes vestimentaires et le goût pour les courses de chevaux, trouve aussi son expression dans le mobilier par l’emploi de plus en plus généralisé de l’acajou et de la technique de garnissage des sièges. Celle-ci dénommée « piquage à l’anglaise » permet de former une arête vive à la périphérie des rembourrages des assises et des dossiers des sièges.
Formes
Les années qualifiées de transition qui marquent la dernière décennie du règne de Louis XV et les premières années du règne de Louis XVI, ont permis de rompre définitivement avec les lignes capricieuses de l’art rocaille. La rigueur dans l’application du modèle antique qui s’était emparé de l’expression artistique a trouvé dans les vingt dernières années du siècle une forme d’assouplissement se traduisant par un équilibre entre des formes inspirées de l’Antiquité et un vocabulaire ornemental faisant largement appel au naturalisme. Dans la forme du siège, on observe la permanence d’un certain galbe qui a conduit à l’ovale parfait du dossier et à des assises à peine cintrées tandis que d’autres sièges adoptent la ligne droite absolue. Cette dernière est de mise dans le meuble d’ébénisterie, souvent renforcée par l’emploi de pilastres, de colonnes venant affirmer la référence à l’architecture.
Ornements
Deux types d’ornement se conjuguent au cours de cette période, coïncidant avec le règne de Louis XVI : ceux directement empruntés au vocabulaire architectural de l’Antiquité et ceux puisés dans l’observation de la nature. Feuilles d’acanthe, rangs de perles, de feuilles d’eau, de myrte, culots, rubans, médaillons et rosaces sculptés avec minutie et non sans une certaine rigueur, sont tempérés par tout un répertoire floral au naturel dont l’identification est rendue possible par l’exactitude du rendu : clochettes de muguet, grappes de lilas, jasmin, œillet, pampres de vigne avec leurs délicates vrilles, lierre et rose. Ce répertoire pouvait s’accompagner de masques à l’antique, de chimères et de figures mythologiques. Sculpté dans le bois, fondu, ciselé et doré dans le bronze, tissé ou encore peint, chaque ornement rythme la surface des meubles.
Matériaux
Le bois demeure le matériau dominant du décor intérieur. De riches boiseries de chêne sculptées de délicats ornements ou simplement moulurées, peintes ou dorées restent de mise et s’accompagnent d’un riche décor textile, développant ce qu’il est coutumier d’appeler « le goût tapissier ». La marqueterie de bois polychromes, la plupart d’origine exotique, atteint des sommets de virtuosité tandis que les panneaux de laque du Japon et les plaques de porcelaine continuent d’orner les meubles les plus riches. On observe quelques années avant le déclenchement de la Révolution, une tendance pour les placages unis mettant à l’honneur l’acajou, l’if ou le thuya. L’acajou vient également concurrencer les bois traditionnels de la menuiserie en siège tels que le hêtre et le noyer.
Invention / création (meubles nouveaux)
Bien qu’apparu dans les années 1770, le bonheur-du-jour s’impose parmi les nouveaux petits meubles. L’origine exacte de son nom n’est pas connue, sans doute est-ce une appellation relevant d’une mode. C’est un meuble qui tient du bureau et du secrétaire et offre de nombreuses variantes. La consommation accrue du thé (autre influence anglaise) donne naissance à la table à thé appelée également guéridon et dont l’usage supplante celui de la petite table en cabaret des décennies précédentes. Dans le domaine du siège, le dossier en médaillon et les pieds en fuseau constituent l’archétype du modèle Louis XVI.
Secrétaire à cylindre
Paris, vers 1775
Bâti en chêne et résineux, placage de satiné, bronze doré, marbre bleu turquin
H. : 122 cm - L. : 162 cm - Prof. : 82 cm
Don en souvenir de M. Émile Perrin, hommage de son fils Émile, 1909
Le principe du secrétaire à cylindre s’est développé dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Il repose sur un bureau plat auquel on a ajouté un gradin fermant par un demi-cylindre et permettant en un seul mouvement de clore le bureau et de distraire aux regards les documents qui s’y trouvent. Celui-ci comprend en plus de son cylindre qui dégage un casier contenant cinq cases et quatre tiroirs, une série de trois tiroirs en partie supérieure, quatre tiroirs sous le plateau, deux tablettes latérales qui se glissent sous le plateau du bureau et enfin, une grande tablette qui se déploie au dos. Cet arrangement permet ainsi de multiplier les surfaces pour poser ses papiers, voire de permettre à plusieurs personnes de travailler en même temps. Ce type de meuble figurait dans le cabinet, pièce dévolue au travail, ou encore dans une bibliothèque.
Commode
Jean-François Leleu (1729-1807), ébéniste
Paris, vers 1785
Bâti en chêne, pieds et montants en acajou massif, placage d’acajou, bronze doré, marbre brèche d’Alep
À l’époque de Louis XVI, la commode renoue avec la silhouette qui fut la sienne à ses débuts : pieds peu élevés, ouverture par différents rangs de tiroirs et structure rectiligne. Sur cette commode, deux grands tiroirs sont complétés par un tiroir plus petit, dit « de ceinture », situé juste sous le dessus de marbre. L’ébéniste a donné ici un très léger mouvement courbe aux côtés qui dans la continuité des montants semi-arrondis et creusés de trois cannelures, adoucit le côté architectural du meuble. Les bronzes sont discrets et ils soulignent chaque panneau d’acajou pour les mettre en valeur. Les poignées sont de simples disques de bronze doré bordés d’un anneau amovible afin d’en faciliter la prise.
Les formes chantournées et opulentes qui caractérisent le siège Louis XV sont abandonnées sous Louis XVI. Les lignes principales redeviennent droites et sont traduites ici par des pieds en fuseau, des consoles d’accotoir au droit de ces pieds, des dossiers rectangulaires ou encore d’un ovale parfait. Ce type de dossier parfois dit « en médaillon » est l’archétype du dossier Louis XVI. La sculpture décorative est discrète mais présente sur toutes les parties visibles du bois et d’une grande finesse. Entrelacs et rangs de perles sont ponctués de feuilles d’acanthe et d’un délicat bouquet de fleurs au sommet.
Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, les cabinets de pendules furent l’occasion de créations extrêmement variées sollicitant différents matériaux et proposant différentes scènes historiées. Ici, le groupe en marbre encadrant le cadran et le mécanisme de la pendule, représente une jeune femme se lamentant sur son oiseau mort tandis que l’amour en remet un autre dans la cage, évoquant ainsi l’amour perdu et l’amour retrouvé.
Les candélabres, tout comme les flambeaux, bras de lumière et girandoles pouvaient être réalisés en paire ou en suite de quatre ou de six afin d’assurer l’éclairage. À la fin du XVIIIe siècle, leur structure s’apparente souvent à celle du trépied, copié sur des modèles antiques connus par la gravure. S’y ajoute tout un répertoire ornemental lui aussi puisé à la source de l’antique : griffons, têtes de bacchantes ou de faunes, palmettes, pampres de vigne… Ce modèle offre six lumières et se posait sur le dessus de la cheminée, d’une commode ou encore d’une console.
Cette période s’étend de l’instauration du Directoire en 1795, un an après la mort de Robespierre et la fin de la Terreur, au régime du Consulat qui dura de 1799 à 1804.
Ce furent deux régimes instables et corrompus, où des agioteurs s’enrichissaient alors que le peuple faisait face aux pénuries. On assista à la naissance d’une « jeunesse dorée », formée par les Incroyables et les Merveilleuses, de jeunes gens à la mode excentrique. Cette génération fut à l’origine de mode et d’évolution des goûts à l’époque du Directoire. De son côté, Bonaparte profita de l’instabilité des deux régimes pour acquérir de plus en plus de pouvoir sous le Consulat. Il relança l’économie, tenta de rassembler les Français divisés par la Révolution, créa de nouvelles institutions, tout en amorçant un retour vers une monarchie à son profit : l’Empire.
Contexte / influence
Au cours de cette période troublée de l’Histoire de France, le mobilier connut de notables changements. Les meubles du Directoire et du Consulat se caractérisent surtout par leurs nouvelles formes dont la référence absolue est l’Antiquité grecque et romaine. Le style « à l’étrusque » développé à la fin du règne de Louis XVI s’épanouit et devient plus « archéologique ». Parallèlement, le contexte juridique de production est modifié avec la Loi le Chapelier (1791) qui supprima les corporations d’artisans : l’estampille sur les meubles n’était plus obligatoire et le cloisonnement des métiers n’est plus aussi marqué. Certains artisans surent d’ailleurs tirer profit de cette nouvelle législation en diversifiant leurs activités.
Formes
Sous influence de l’Antiquité, les meubles se transforment et s’épurent par rapport à la période précédente. Les dossiers des sièges, désormais recourbés en crosse, étaient souvent ajourés ou bien se terminaient par un bandeau décoré de frises de personnages à l’antique. Les pieds des sièges s’arquent en sabre, devenant parfois filiformes, et supportaient les assises déversées des sièges, créant un équilibre qui semblait fragile, au point que les contemporains soulignaient parfois l’inconfort de ces nouveaux meubles. Pour les commodes et les secrétaires, ce sont des pieds en toupies, en jarret et en protomes de lions qui remplacèrent les pieds droits et cannelés de l’époque Louis XVI.
Ornements
Sous le Directoire et le Consulat, seuls le placage de bois uni et le bronze doré décoraient des meubles où la marqueterie, passée de mode, se faisait rare. Le vocabulaire ornemental du mobilier comme des décors intérieurs s’appuyait sur des motifs végétaux comme la palmette, la feuille de laurier, de vigne, de pavot, d’olivier, mais également sur un bestiaire fantastique inspiré de l’Antiquité : cygnes, paons, lions, béliers, auxquels venaient se mêler des éléments « antiquisant » comme les vases, les grecques, les étoiles, les lyres, les sistres, les victoires et les renommées. La campagne d’Égypte (1798-1801) remit au goût du jour l’emploi ornemental des sphinx. Les quelques éléments de marqueterie ou de sculpture sur les meubles étaient des motifs géométriques (losanges, rosaces). Aux murs, les peintures pouvaient reproduire des scènes à l’antique, multiplier les panneaux d’arabesques ou imiter le marbre.
Matériaux
Le bois en vedette à la fin du règne de Louis XVI et durant toute la période du Directoire et du Consulat était l’acajou. Bois d’importation, veiné et sombre, il créait un jeu de lumière élégant avec les bronzes dorés qui le parent. Les artisans l’ont combiné avec d’autres bois comme le citronnier et l’ébène pour créer des décors raffinés. Ces essences côtoyaient des soieries d’ameublement violette, parme, chamois, vert pâle et bleu intense. Le domaine du mobilier s’ouvrit à de nouveaux matériaux telle la tôle. Pour les décors intérieurs, enfin, le Directoire et le Consulat marquèrent le développement de l’industrie du papier peint.
Invention / création (meubles nouveaux)
Quelques élégantes inventions caractérisent le mobilier du Directoire et du Consulat : le lavabo en bronze monté sur trépied réalisé par les Jacob en est un bon exemple. La forme de ce lavabo est influencée par le Trépied aux sphinges du temple d’Isis à Herculanum. Toujours par imitation de l’antique, les sièges curules avec un piétement en X et le pliant sont parmi les sièges les plus copiés sous le Directoire et le Consulat.
La chambre de Mme Récamier, femme emblématique ayant tenu un salon sous le Directoire, est la meilleure synthèse des nouveautés mobilières de cette époque : lit en bateau, somno, sièges à l’étrusque, l’ensemble décoré par des bronzes dorés au répertoire ornemental de figures à l’antique, rosaces, cygnes. Les murs étaient quant à eux tendus de soie violette.
Pour l’éclairage, les figures à l’antique s’invitent, devenant les portes lumières dans des compositions les plus variées. Ici les jeunes femmes drapées à l’antique soutiennent de leurs mains deux tiges maintenues par leur bouche, formant un enroulement qui s’épanouit pour accueillir le binet. L’ensemble repose sur une base triangulaire enrichie d’ornements en bronze doré déclinant tout un répertoire ornemental puisé à la source de l’Antiquité.
L’Antiquité constituant la référence absolue du moment, les menuisiers s’inspirent des sièges antiques connus par les bas-reliefs sculptés et les rares peintures conservées. Ce fauteuil emprunte pour son piètement antérieur la forme curule, c’est-à-dire en demi-cercle, reprise en symétrie pour former les consoles d’accotoir, tandis que le piètement postérieur est courbe, rappelant la forme de la lame du sabre, qualifiée de pieds en sabre. Le dossier en partie ajouré présente un autre motif emprunté à l’Antiquité, le trépied qui, avec les cannelures torses, les festons et les disques, eux aussi tirés du vocabulaire ornemental antique, enrichissent discrètement le siège.
Commode
Joseph Stöckel (1743-1802), ébéniste
Paris, vers 1790-1795
Bâti en chêne, acajou, placage d’acajou moucheté, bronze ciselé et doré, marbre blanc
Bien qu’un style propre au Directoire et au Consulat s’établisse au cours de ces deux régimes politiques, la silhouette générale de la commode n’en est pas affectée. Elle obéit toujours à des lignes architecturales renforcées ici par les montants en forme de demi-colonnes cannelées. On privilégie alors les grands placages d’acajou soulignés par de discrets bronzes. Cette commode s’ouvre à l’aide de deux battants dissimulant trois tiroirs intérieurs et un tiroir en ceinture qui s’accompagne de deux plus petits sur les côtés, pivotant sur un axe. Les côtés de la commode s’ouvrent également, formant deux petites armoires tandis que les montants cannelés pivotent au moyen d’un bouton secret et découvrent trois petites étagères.
Guéridon
France, vers 1800
Bâti en chêne, tilleul et sapin, placage en loupe de thuya, d’acajou et d’ébène, bois peint, bronze doré
H. : 75 cm - L. : 101 cm
Don de Mme Paul Mottart en souvenir de son mari, 1949
Ce type de guéridon présent dans le mobilier antique revient en force après la Révolution dans les intérieurs. Son élégance tient à sa sobriété puisée à la source antique : un plateau de loupe de thuya posé sur un pied triangulaire peint à l’imitation du bronze vert antique et rehaussé d’ornements dorés mariant palmettes, velum, fleuron et losange. Une simple armature de bronze doré en souligne la silhouette.
Pendule squelette
Paris, vers 1800
Bronze doré, porphyre, émail et strass
H. : 43 cm - L. : 20 cm - Prof. : 10 cm
Don de Michel Leclercq en souvenir d’Yvette Laurent née Masson et de Jean-Claude Leclercq, 2014
Dans les dernières années du XVIIIe siècle, se développe un goût pour les pendules offrant au regard la complexité d’un mécanisme qui peut s’avérer des plus sophistiqués et que l’on nomme communément « pendule squelette ». Ces pendules sont la fierté des horlogers désireux d’exhiber les mécanismes ingénieux mais s’opposent aussi en réaction aux pendules précédentes dites « à sujet ». La structure même de la pendule est dépouillée, laissant la part belle aux différents cadrans marquant ici les heures mais également les jours de la semaine, les phases et les âges de la lune ainsi que le signe des planètes.
Après le coup d’État du 18 Brumaire mettant fin au Directoire, Napoléon Bonaparte devient d’abord premier consul et ne cesse de renforcer son pouvoir et son rôle jusqu’à sa proclamation en tant qu’empereur. Le mobilier et le décor doivent être à l’image du pouvoir de Napoléon, toujours en quête d’apparat, comme en témoignent ses nombreux palais obéissant à une étiquette renouvelée.
Napoléon réinvestit alors les anciennes demeures royales dépouillées pendant la Révolution, qu’il remeuble tout au long de son règne, et génère ainsi une production de mobilier d’une grande variété. Le « style Empire » ne s’arrête pas strictement aux bornes chronologiques du règne impérial (1804-1815) mais apparaît dès la fin du XVIIIe siècle et perdure en partie sous la Restauration.
Contexte / influence
Le style Empire s’inscrit dans le mouvement néoclassique, à la suite des découvertes de Pompéi et d’Herculanum au XVIIIe siècle, caractérisé par un retour vers une plus grande simplicité des formes, et l’importance du « goût antique ». Les artistes tirent alors leur inspiration de monuments, figures ou objets grecs, étrusques, romains et égyptiens. Deux noms restent fortement associés à l’Empire : Charles Percier et Pierre Fontaine, à qui l’on doit un très grand nombre de projets décoratifs, et également un recueil de décorations, Recueil de décorations intérieures comprenant tout ce qui a rapport à l’ameublement [...], publié à Paris en1812, qui devient un ouvrage de référence pour tous les fabricants. La maison d’ébénisterie Jacob-Desmalter est l’un des principaux fournisseurs de la cour et incarne le style Empire. En effet, les industries de luxe, encouragées par l’Empire se développent considérablement, comme la manufacture de Sèvres par exemple. Le style Empire a une grande influence sur l’ensemble du continent et notamment en Angleterre, qui connaît un fort engouement pour les arts décoratifs français.
Formes
Les formes sont simples, symétriques, et inspirées de l’architecture et du mobilier grecs et romains. Le dessin est rectiligne, et les surfaces planes prennent de l’importance, permettant l’ajout en applique d’éléments de bronze doré, variés et parfois en très grand nombre. Le style Empire généralise l’emploi du socle et non de pieds pour le mobilier tel que la commode ou le secrétaire qui devient massif et cubique. La ronde-bosse et l’usage du bois sculpté représentant des figures humaines ou animales, caractéristiques du style Consulat, sont peu à peu délaissés.
Ornements
Le style Empire voit cohabiter des formes puisées dans des éléments architecturaux issus de l’Antiquité (chapiteaux, pilastres, frises) ou encore des ornements végétaux comme les palmettes, rosaces, branches de laurier, feuilles d’acanthe, etc. Le mobilier impérial est doté de motifs symboliques liés à la gloire, au pouvoir ou à la guerre : le bouclier, le trophée militaire ainsi que l’aigle et l’abeille.
Matériaux
L’acajou et d’autres bois exotiques sont encore très employés pour le style Empire, bien que l’utilisation du bois « français » ou indigène soit encouragée par le pouvoir, notamment pour des raisons économiques, à partir de 1811. Néanmoins, le bois doré est toujours employé pour le mobilier d’apparat. Les tapissiers jouent un rôle très important à cette époque, et le mobilier et les décors intérieurs utilisent les tissus les plus riches et variés : le damas et le brocard. L’industrie de la soie, notamment à Lyon, connait un nouvel élan sous l’Empire.
Invention / création (meubles nouveaux)
Plusieurs meubles font leur apparition à cette époque. Le somno qui est une petite table de nuit, le plus souvent de forme cubique, ressemble à un secrétaire de petites dimensions dans lequel est placé un pot de chambre. La psyché, avec notamment l’utilisation de montants en colonne comme sur un grand nombre de meubles, connaît un certain succès. L’athénienne, très en vogue également dans ces années, est le meuble le plus « antiquisant » avec sa forme en trépied. Percier et Fontaine proposent de nombreux modèles dans leur recueil. Enfin, les typologies se modifient également, comme on le remarque avec la méridienne à dossiers inégaux ou la forme « gondole » avec sa ligne courbe, se multiplie sur les sièges et les lits qui en portent alors le nom.
Somno
France, vers 1805
Bâti en chêne et bois résineux, acajou ronceux plaqué, intérieur en bois résineux teinté rouge, bronze doré, marbre blanc
Le « somno », signifiant « pour le sommeil » en latin, est un meuble nouvellement apparu sous l’Empire. Il désigne une forme particulière de table de nuit ou de chevet. Plaqué d’acajou et surmonté d’une tablette en marbre pouvant recevoir le verre d’eau de la nuit, celui-ci emprunte sa forme à un autel antique. Derrière une porte, se trouvent deux étagères pouvant accueillir le pot de chambre. L’application d’ornements en bronze doré, une torche – symbole de la nuit – entourée d’une couronne de laurier sur ce bois sombre, est caractéristique du style Empire. Sur des roulettes, il est facilement déplaçable pour être disposé autour du lit.
Table à écrire
Atribué à Bernard Molitor
Paris, époque Consulat (1799-1804)
Bâti en chêne, acajou, bronze doré, plateau garni de cuir, intérieur du tiroir en citronnier
H. : 71 cm - L. : 97 cm - Ép. : 57 cm
Legs Louise Lefebvre de Viefville au nom de Monsieur Louis Lefebvre de Viefville, 1964
Cette élégante table à écrire possède toutes les caractéristiques du style Empire par la sobriété de ses lignes et les ornements en bronze doré finement ciselés, contrastant sur l’acajou brillant, bois qui fit la réputation de Bernard Molitor. Les ornements puisent dans le vocabulaire végétal : les larges pieds accueillent de grande palme, une couronne de feuilles de chêne est appliquée sur la ceinture et une rosace orne la serrure. Molitor fut l’un des rares ébénistes dont l’activité a prospéré avant comme après la Révolution.
Ce fauteuil à devant cintré présente deux pieds antérieurs en gaine reposant sur le sol par une patte de lion. Les pieds se prolongent et les têtes sculptées de sphinge portant la coiffure égyptienne du némès forment les accotoirs. Ceux-ci se rattachent au dossier carré par une fleur de lotus. Cette thématique décorative, à la mode en cette période napoléonienne que l’on nomme « retour d’Égypte », est typique du répertoire néoclassique empreint de références à l’Antiquité. Les architectes Percier et Fontaine vont jouer un rôle important dans le développement et la diffusion de ce style.
Entièrement fabriqué en bronze doré, le cygne aux ailes déployées porte sur son flanc le cadran et se hisse sur un socle au centre duquel se trouve l’aigle impérial. Le cygne, l’un des attributs d’Apollon, est un motif récurrent de cette période : les accotoirs des fauteuils prennent la forme de col de cygne et ces derniers deviennent des supports de guéridon. Le cygne peut également être interprété comme un symbole de beauté.
Chaque candélabre est composé d’un pied hexagonal richement ornementé d’appliques en bronze doré sur lequel se tient une divinité de la mythologie romaine en bronze patiné : Mars reconnaissable à son armure et Minerve à son bouclier orné de la tête de Méduse. Quant à la lance qui est également un attribut des deux divinités, elle est ici transformée en bras de lumière à six bobèches. Le contraste entre les figures noires et les éléments dorés que permet la double patine est très répandu sous l’Empire.
La défaite de Napoléon à Waterloo puis son exil, entraînent le retour des Bourbons au pouvoir. Louis XVIII, puis Charles X, frères de Louis XVI, se succèdent sur le trône.
Louis XVIII met en place une monarchie constitutionnelle, essayant de prendre en compte les acquis de la Révolution alors que son frère tend plutôt à durcir le régime. Cela aboutit à une nouvelle révolution en juillet 1830, celle des Trois Glorieuses. Ne pouvant remeubler de nouveau l’ensemble des palais, le mobilier impérial est conservé mais la fleur de lys ou la couronne royale se substituent à tous les emblèmes impériaux : aigles, abeilles et le chiffre N. Malgré l’étiquette et les codes imposés, la duchesse de Berry, épouse du fils cadet de Charles X, insuffle un renouveau dans le domaine des arts décoratifs, et nous permet de comprendre le style Restauration.
Contexte / influence
Le néoclassicisme est encore apprécié mais au cours des années de la Restauration, émerge le romantisme ou plutôt « les romantismes », qui s’épanouissent dans tous les domaines artistiques. Les artistes se tournent vers de nouveaux horizons : l’Orient, le Moyen Âge ou encore la peinture des pays du Nord. L’exposition des produits de l’industrie, dont la première eut lieu en 1798, est un événement majeur pour les arts décoratifs. Encouragée sous la Restauration, elle se déroule désormais tous les quatre ans (1819, 1823, 1827). La duchesse de Berry y fait d’ailleurs l’acquisition de plusieurs meubles.
Formes
Le style Restauration assouplit les lignes droites de l’Empire. Les formes s’arrondissent, les fauteuils et les lits se galbent : la forme « en gondole » connaît un succès grandissant. Si l’on n’oublie pas les motifs antiques et la tradition néoclassique, les artistes puisent à d’autres sources, dont celle du Moyen Âge. En effet, le décor « à la cathédrale » fait une petite apparition sous l’Empire mais c’est sous la Restauration et principalement sous la monarchie de Juillet que le néo-gothique connaît un réel engouement.
Ornements
Les accotoirs des fauteuils prennent la forme de nymphes, de chimères ou de pattes de lion, mais l’un des motifs les plus répandus est le col de cygne, tandis que les motifs de frises ou d’arabesques sont utilisés en marqueterie ou en appliques de bronze. On privilégie des motifs de fleurs, de papillons ou de guirlandes. Pour les objets néo-gothiques, ils reprennent les formes des arcs brisés ou trilobés, des rosaces, des flèches ou des pinacles d’églises. Ce style a été décliné pour tous les types d’objets (mobilier, céramique, horlogerie, etc.) mais généralement, il est limité à la décoration d’une seule pièce ou à quelques objets seulement.
Matériaux
L’acajou est toujours apprécié au début de la Restauration, mais son utilisation est ralentie à la suite du blocus continental. La mode pour les meubles en bois clairs (thuya, érable, frêne, sycomore), généralement utilisés en placage, connaît une grande diffusion. Ce mobilier prend même le nom du roi Charles X. On privilégie moins le bronze pour le décor que les incrustations de bois. En effet, le style Restauration est marqué par le renouveau de la marqueterie. Les meubles tels que les commodes ou secrétaires sont généralement surmontés d’une plaque de marbre blanc. Le papier peint, inventé dès la fin du XVIIIe siècle se généralise sous la Restauration, il permet à moindres frais de décorer ses intérieurs. Le cristal voit son utilisation et sa production s’accélérer pour prendre des dimensions considérables, non seulement pour des objets mais également du mobilier.
Invention / création (meubles nouveaux)
L’armoire à glace se répand sous la Restauration et la monarchie de Juillet, elle permet un confort de rangement pour un encombrement équivalent à une simple psyché, la grande glace enfermée dans un châssis, très à la mode sous l’Empire. Le fauteuil Voltaire est inventé à cette époque, il possède un haut dossier rembourré et une assise basse, légèrement cambrée qui le rend confortable. Les petites tables, travailleuses, jardinières ou tables à jeu, se multiplient dans les intérieurs.
Armoire à glace
Vers 1820-1825
Bâti en chêne et peuplier, placage d’acajou ronceux, bois résineux pour la corniche, bronze ciselé et doré, glace, textile d’origine au revers de la porte
H. : 224 cm - L. : 120 cm - Prof. : 53 cm
Don de Monsieur Fournier en souvenir de sa soeur Mademoiselle Fournier, 1922
L’armoire à glace, récemment apparue à cette période, finit par détrôner la psyché (miroir sur pied) par son gain de place et sa double fonctionnalité. Celle-ci comprend un autre élément pratique : une applique à quatre lumières au-dessus de chaque montant. Le miroir en plein cintre est entouré d’une frise de roses. Les ornements en bronze, simples et délicats de couronne de laurier, de palmes et de rosaces sont encore issus du répertoire néoclassique. En revanche les montants en colonnette à double poire sont évocateurs, eux, du style Restauration.
Table à jeu
Antoine-Nicolas Lesage (1784-1841)
Paris, vers 1825
Structure en peuplier et chêne, plaqué avec citronnier, érable moucheté, érable ondé incrustation et moulures en amarante et amarante massif, nacre, bronze doré, velours
H. : 71 cm - L. : 38 cm - Ép. : 76 cm - Prof. : 54 cm
Antoine-Nicolas Lesage, marchand qui tenait l’enseigne « À l’Union des Arts », rue de la Chaussée-d’Antin à Paris, passait commande à des ébénistes tels que Rémond, Jeanselme ou Goudel, célèbres ébénistes de la Restauration. Bâtie en chêne et peuplier, la table plaquée de bois clairs, est décorée par une fine marqueterie d’amarante, en vogue sous Charles X. Elle comporte un plateau pliable qui s’adapte à différents types de jeux. Les tables légères, au piètement en X, envahissent les intérieurs de l’époque.
Fauteuil gondole
France, 1828
Bâti de la traverse en hêtre, placage de frêne incrusté d’amarante, satin
Ce fauteuil gondole aux accotoirs en trompe, provient du salon, dit « indien » de l’appartement de la duchesse de Berry au Palais de Saint-Cloud. Le fauteuil gondole comporte une assise incurvée, il n’est pas une invention de cette époque mais son confort et ses lignes douces plaisent, les intérieurs sous la Restauration s’en voient chargés. Les placages de bois clairs et l’assouplissement des lignes sont les éléments qui définissent le plus aisément le style Charles X.
Pendule
Paris, vers 1820
Bronze doré
H. : 44 cm - L. : 26 cm
Donation Barthe-Dumez faite par Mademoiselle Cécile Dumez en souvenir de ses parents, 1923
La pendule de forme portique, déjà très répandue sous l’Empire, emprunte son architecture à celle d’un temple avec quatre colonnes à chapiteau auquel s’ajoute ici un décor de draperie sous le cadran. Sous l’entablement, des putti conduisant un char, lui-même trainé par des papillons, entourent le haut du cadran. La grammaire ornementale néoclassique attendrie par le thème amoureux devient représentative des bronzes de la Restauration.
Cette applique en bronze doré à trois bras de lumière se présente sous la forme de putti surmonté d’un grand panier fleuri et tendant à chaque bras un vase orné de fleurs. Les vases et le panier forment les bobèches. Le vocabulaire ornemental du panier fait référence au style Louis XVI, revisité. Ce type d’éclairage se présentait par paire ce qui permettait de les positionner de part et d’autre d’une cheminée par exemple.
Après la chute des Bourbons en juillet 1830, Louis-Philippe succède à son cousin Charles X et devient ainsi roi des Français de 1830 à 1848, période que l’on nomme monarchie de Juillet.
Dans un contexte politique instable, c’est une monarchie parlementaire qui est mise en place, sur le modèle britannique. Louis-Philippe est très vite considéré comme « le roi-bourgeois ». L’un des plus grands projets culturels du roi est la création du musée d’histoire de France au château de Versailles. Il est à l’origine de nombreux réaménagements et nouveaux décors dans ses différentes demeures : le Palais-Royal, le château d’Eu, le château de Neuilly, celui de Fontainebleau, etc. Le mobilier en place, de style Empire, est conservé la plupart du temps. Néanmoins, cherchant une cohérence ou une uniformisation il n’hésite pas à faire modifier certains meubles anciens. Il cherche également à restituer l’état d’ameublement de l’Ancien Régime et tente de rassembler le mobilier de la couronne.
Contexte / influence
Le règne de Louis-Philippe est fortement marqué par l’historicisme et annonce le début d’un goût plus éclectique. On regarde vers le passé, mais plus seulement du côté de l’Antiquité : le Moyen Âge, la Renaissance, voire des périodes plus récentes comme le XVIIIe siècle. Cependant, on valorise les progrès techniques et industriels, et le mobilier est désormais produit en série, pour la majeure partie de la population. Le mobilier Louis-Philippe cherche à être confortable, notamment avec l’usage des ressorts qui remplacent les sangles pour les sièges, ainsi que celui des roulettes pour faciliter leur déplacement. Le mobilier en bois tourné, moins coûteux, connaît un véritable essor.
Formes
Les sièges ont souvent une poignée découpée dans la traverse supérieure. Pour tous les types de sièges, et notamment le fauteuil de bureau que l’on trouve dans tous les intérieurs bourgeois, les pieds antérieurs sont le plus souvent en console, en balustre ou en fuseau, quant aux accotoirs ils sont régulièrement à enroulement ou à consoles opposées. On retrouve dans de nombreux meubles la forme de la colonnette tournée, caractéristique de la période. La forme en doucine est largement utilisée pour les entablements et les corniches des armoires, ainsi que le bord des marbres.
Ornements
C’est le début des périodes « néo » : néo-gothique ou style troubadour, déjà amorcés sous la Restauration, néo-Renaissance, néo-Louis XV ou « rococo ». Les grands artistes du XVIe siècle sont pris en exemple : Palissy pour la céramique, Goujon pour la sculpture, etc. Les artistes puisent dans le vocabulaire ornemental inspiré de la Renaissance, tout en gardant une grande liberté : pilastres corinthiens, arabesques et entrelacs, rinceaux, personnages troubadour, anecdotes historiques autour de personnages illustres, Léonard de Vinci, Jeanne d’Arc, Henri IV. Les artistes se tournent également vers l’Extrême-Orient et s’inspirent de tout ce qui est dit « exotique » et extra-occidental : céramique islamique, laque japonais, textile indien ; autant pour les formes, les ornements, les matériaux que la technique.
Matériaux
Contrairement à ce qui était à la mode sous le règne de Charles X, on utilise le bois clair en incrustation sur des fonds sombres en acajou ou en palissandre. Dans une version plus économique, le poirier noirci est abondamment employé à partir de cette époque, en remplacement de l’ébène. Louis-Philippe apprécie particulièrement le mobilier « Boulle » écaille à fond rouge, et l’on voit apparaître à cette époque des meubles « dans le genre Boulle ».
Invention / création (meubles nouveaux)
Les meubles se transforment et peuvent avoir plusieurs fonctions comme la commode-secrétaire ou la commode-toilette. Derrière leur simple apparence de commode, se cachent les éléments de toilette sur le dessus, un intérieur en marbre et une glace.
Le fauteuil-crapaud est créé à cette période. Il s’agit d’un fauteuil entièrement garni, sans bois apparent.
Associé à un nouvel espace de vie à la mode, le jardin d’hiver, le mobilier en fonte est très apprécié, il est solide et peut être fabriqué en série.
Commode-secrétaire
Louis-Alexandre Bellangé (1797-1861)
Paris, vers 1840
Bâti en chêne et peuplier sur les côtés, placage d’ébène et de palissandre, poirier noirci, cuir, marbre, bronzes dorés
Prenant la succession de son père, Louis-Alexandre Bellangé obtient les fonctions de fournisseurs de la maison du roi sous la Restauration. Cette commode relève à la fois de la recherche de fonctionnalité, de l’iconographie inspirée de la Renaissance ainsi que de l’usage de bois sombres, prisés à l’époque. Au centre des vantaux, des bas-reliefs en bronze doré de deux femmes drapées représentent l’Étude, un ouvrage dans les bras, et la Géographie près d’un globe. La serrure est dissimulée dans la bouche d’un mascaron.
Ce guéridon en acajou à l’allure tentaculaire par les six pieds partant de chaque côté d’un noyau central surmonté d’une cassolette, présente un épais plateau recouvert de marbre noir moucheté. Les pieds se terminent par un dauphin et prennent appui sur un plateau très large renforçant l’effet de symétrie. La structure massive et les courbes des pieds en volute et en console sont caractéristiques du style Louis-Philippe.
Fauteuil
Ringuet Père et fils
Paris, vers 1839
Poirier noirci, bronze doré, bâti en hêtre pour les traverses, quatre roulettes
Ringuet-Leprince, ébéniste, menuisier en fauteuil et tapissier, rencontre un vif succès aux expositions des produits de l’industrie de 1839 et 1844 par la présentation de meubles de style très variés. Dans ce fauteuil que le XIXe siècle nommerait de « style Henri II », on observe un audacieux mélange entre une typologie Louis XIII, des ornements orientaux et néo-Renaissance. Ce fauteuil donné par la Reine Marie-Amélie à la comtesse de Lobau, dame d’honneur de sa bru Hélène Mecklembourg-Schwerin, est représentatif de l’historicisme qui se développe sous la monarchie de Juillet.
Le style « à la cathédrale », qui prend son essor sous la Restauration, se décline dans tous les objets du quotidien, privilégiant un vocabulaire néo-gothique. Cette typologie de pendule, éditée en grand nombre et souvent anonyme, connaît un certain succès dans les intérieurs bourgeois à partir des années 1840. Elle évoque l’architecture d’une église ou une cathédrale gothique. Surmontée d’un clocheton, la pendule repose sur un socle rectangulaire à gradins et son cadran s’inscrit dans une rosace, flanquée de deux colonnettes sommées de pinacles.
De style dit « troubadour », ce lustre à douze bras de lumière emprunte la forme d’une lampe à huile à l’antique ornée d’une frise de trilobes, suspendue par des chaines à une couronne de trèfles. Le motif du trilobe renvoie à une idéalisation de l’ornement médiéval. Le cul de lampe se termine par un culot en forme de pomme de pin stylisée.
Napoléon III, neveu de Napoléon Ier, est élu d’abord comme président de la Seconde République pour une très courte période, de décembre 1848 à 1851. Puis, après le coup d’État le 2 décembre 1851, l’Empire est rétabli jusqu’en 1870.
La première décennie est le temps de la prospérité économique du pays, de l’industrialisation et des fastes de la cour impériale. Dans un contexte hygiéniste, il entreprend de grands travaux d’urbanisation de la capitale qui sont dirigés par le baron Haussmann, préfet de Paris.
Contexte / influence
L’éclectisme déjà perceptible sous la monarchie de Juillet prend de l’ampleur et on n’hésite plus à mélanger les styles Louis XIV, Louis XV et Louis XVI, tout en y ajoutant des formes rocailles et du confort par les ressorts et les capitons. Certains ébénistes comme Beurdeley, Sormani, Zwiener, se spécialisent dans la copie XVIIIe. La princesse Eugénie est tellement fascinée par Marie-Antoinette que le néo-Louis XVI est nommé « Louis XVI-impératrice ». Les « revivals » sont donc à leur apogée durant le Second Empire : le néo-gothique grâce notamment aux publications de Viollet-le-Duc, et le néo-Renaissance. La diversité des goûts et des styles est sans limite chronologique ni géographique. Les objets inspirés ou importés de Chine et du Japon abondent le marché. Les artistes regardent également vers le proche ou Moyen Orient et les arts de l’Islam.
Formes
Il est difficile de définir des formes caractéristiques du Second Empire, à tel point que les jurys des expositions universelles déplorent ce manque d’unité, ou d’une tendance nouvelle qui serait propre à cette époque. C’est cependant par cette variété des références que l’on peut définir le style Second Empire. Le néo-Renaissance permet l’interprétation de modèle complexe et une iconographie variée. L’armoire à deux corps, le cabinet et les meubles à l’architecture typiquement Renaissance connaissent un vif succès.
Ornements
Si les artistes puisent aux styles du passé ou vers d’autres cultures, ils n’hésitent pas à mêler ces différents emprunts. C’est surtout dans le foisonnement et l’accumulation des motifs que le mobilier Napoléon III est caractéristique. Du style Louis XIV, on retient les appliques en console, les masques de lion. Du répertoire rocaille, ce sont les motifs floraux, rinceaux, guirlandes de fleurs et coquilles. De l’art islamique, on retient de nouveaux motifs floraux ou géométriques et du néo-Renaissance ce sont les allégories, les figures mythologiques. On cherche à imiter d’autres matières par la sculpture en bois comme sur le pouf, gros tabouret cylindrique, qui présente des formes de pied variés : pied en motif de cordage, bambou, etc.
Matériaux
Le tapissier et l’emploi de tissus pour les rideaux, portières, moquettes et l’ensemble du mobilier, jouent un rôle très important jusqu’à en donner son nom : le style tapissier. Les pieds des poufs ou des fauteuils confortables, souvent sur roulettes, sont dissimulés sous de hautes franges de passementerie. Le capiton fait son grand retour pour donner un aspect très confortable au meuble. Il s’agit d’un rembourrage de crin, et une pose particulière du tissu plié et piqué pour former des petits losanges. Le mobilier plus ordinaire est fait à partir de matériaux tels que l’osier ou le rotin. Le mobilier en papier mâché, fait en carton bouilli et plâtre et arrivé d’Angleterre sous Louis-Philippe, laqué noir avec incrustation de nacre, connaît un véritable engouement. Le mobilier en bois noirci est particulièrement apprécié à l’époque.
Invention / création (meubles nouveaux)
Le Second Empire est une période prolifique en matière de nouveau mobilier et particulièrement pour tous les genres de sièges : la borne, grand canapé circulaire agrémenté au centre d’un élément décoratif (jardinière, potiche, etc.) et dont on ne voit généralement pas la structure en bois car elle est recouverte de tissu et d’une frange de passementerie. La chaise fumeuse sur laquelle on s’assoit à califourchon, est destinée aux hommes. Le mobilier à la mode est la chauffeuse, le confident ou l’indiscret selon si l’on est un ou plusieurs à vouloir prendre place à la conversation, ou encore la boudeuse si l’on se tourne le dos.
Meuble d’appui
Louis-Auguste-Alfred Beurdeley (1808-1882)
France, vers 1880
Bâti en cèdre, placage de palissandre de Rio, de sycomore pour la ceinture, en noyer pour l’intérieur des tiroirs, bronzes dorés, marbre, panneaux peints à l’huile et vernis
H. : 106 cm - L. : 158 cm - Prof. : 47 cm
Legs de Mme Andrée Sablé, née Andrée Laure Néret, provenant de la collection de son père, M. Georges Néret, 1978
La maison Beurdeley, dirigée par Louis-Auguste-Alfred Beurdeley puis par son fils Alfred-Emmanuel-Louis dès 1875, travaillant le bois et le bronze, se spécialise dans la copie de mobilier du XVIIIe siècle. L’influence est visible autant dans la forme que dans le décor de ce meuble. La marqueterie de palissandre en chevron, les panneaux peints et vernis des trois vantaux, ainsi que l’emploi de frises de rinceaux fleuris, de feuilles d’eau, de rubans et de perles, dont l’exécution est particulièrement minutieuse, sont issus du répertoire de style Louis XVI.
Table de milieu
François Gautier
Paris, vers 1860
Bâti de peuplier, ébène, ivoire, filets de laiton, bronze doré ; bâti en chêne, bronze doré, ébène, marqueterie d’ivoire gravé
Les matériaux, la technicité et le décor illustrent la réappropriation du style Renaissance au milieu du XIXe siècle. La marqueterie d’ébène et d’ivoire, très prisée à partir des années 1860, crée un important jeu d’optique et de contraste. Le décor du plateau s’inspire des grotesques et arabesques, type d’ornement associant des figures humaines, des animaux, des monstres, des rinceaux et a connu un grand succès à la Renaissance. Le piètement en bronze doré est formé de cariatides ailées et engainées, qui se réunissent par une entretoise surmontée d’un vase à l’antique très richement décoré.
Chauffeuse
France, vers 1860
Acajou, lampas de soie et franges de passementerie
Les chauffeuses, sièges confortables à l’assise basse placées près des cheminées, garnissent les chambres et salons du Second Empire. Les garnitures capitonnées connaissent alors un véritable succès. Les épais rembourrages en crin ou laine sont le plus souvent munis de ressorts, gage de confort et de modernité. Le capiton est le façonnage du tapissier dont le plissage du tissu forme des losanges maintenus par des boutons. Cette chauffeuse est garnie d’un lampas de soie et d’une longue frange de passementerie dissimulant les pieds qui disposent de roulettes à l’avant. Ce fauteuil incarne le désir de légèreté associé à un souci de confort, emblématique d’un fastueux Second Empire.
Fruit d’une riche collaboration entre le sculpteur Geoffroy-Dechaume, le bronzier Delafontaine, et le peintre Emerich, cette garniture de cheminée en bronze doré et argenté se compose d’une pendule, d’une paire de candélabres et de deux coupes sur pieds dans un style orientalisant dit « persan » en vogue au milieu du XIXe siècle. Les animaux fantastiques et le jeu de transparence par toutes les arabesques ajourées sont issus du répertoire islamique et médiéval.
Cette lampe en faïence bleu turquoise de Théodore Deck – couleur qui lui valut sa réputation et prendra même le nom de « bleu de Deck » – présente un décor de rinceaux dans le style mauresque. La monture en bronze est ajourée à la façon d’un moucharabieh. L’Orient devient une source d’inspiration féconde à partir des années 1860. Le motif du dragon en application doré sur le globe en verre dépoli présente lui une influence chinoise.
En France, l’Art nouveau émerge dans le contexte d’une IIIe République qui s’affirme et de la révolution industrielle en pleine expansion.
On cherche des formes originales et de nouveaux matériaux de construction, c’est le triomphe du fer et du verre. L’Exposition universelle de 1900, événement emblématique du mouvement, connaît un immense retentissement. L’Art nouveau concerne tous les domaines artistiques : peinture, sculpture, arts graphiques, architecture et arts décoratifs. Il prône l’unité de l’art ou un « art total », mettant à mal les hiérarchies anciennes entre les arts mineurs et majeurs. Les artistes cherchent à offrir la même qualité à un objet produit en série qu’à une pièce unique. L’Art nouveau, d’un style facilement reconnaissable aujourd’hui, a été d’une relative courte durée de la fin des années 1880 à 1910.
Contexte / influence
On peut voir dans le mouvement Art and Crafts qui se développe en Angleterre vers 1860 les fondements de l’Art nouveau, puisqu’il cherchait un « art dans tout » et dans l’utile. L’Art nouveau, courant international, s’exprime de différentes manières selon ses multiples foyers d’émulation et prend différentes appellations selon les pays : « Art Nouveau » en France, « nieuwe Kunst » aux Pays-Bas et en Belgique, « Jugendstil », « Secession » en Europe centrale, « Modernismo » à Barcelone. Néanmoins, tous cherchent à s’affranchir des références au passé et rompre avec la symétrie. Les artistes sont également fortement influencés par les arts du Japon, tant par la technique que par les motifs. Siegfried Bing, marchand et collectionneur, est l’un des protagonistes importants, notamment par l’ouverture de sa boutique « la maison de l’Art Nouveau », qui donna plus tard le nom au mouvement.
Formes
Caractérisée par des formes inspirées de la nature, la ligne est souple, au point de la nommer « coup de fouet » pour l’Art nouveau franco-belge. Bien que les artistes adoptent différentes visions plus ou moins rationalistes, d’une ligne simple à la copie stricte de motifs végétaux, ils portent tous une attention particulière à la nature, par l’observation et l’étude d’ouvrages botaniques. Certains copient réellement les motifs du répertoire végétal, floral, aquatique et d’autres s’en inspirent simplement comme structure, simplifiée et stylisée. Quant à l’école de Glasgow, plus géométrique, elle est à l’origine de l’Art déco européen.
Ornements
Issu du répertoire naturaliste, le mobilier peut prendre la forme même de la plante (guéridon nénuphar, chaise aux ombelles) ou être agrémenté par la marqueterie ou la sculpture de fleurs (iris, primevères, coquelicots, gui) ou encore de petites bêtes (papillons, libellules). La figure féminine a inspiré également les artistes dont Alphonse Mucha et Jules Chéret. René Lalique, lui, la transforme en fée ou en sirène pour ses bijoux.
Matériaux
Malgré la volonté de changement, les artistes reviennent aux techniques dites traditionnelles tels que la reliure, la tapisserie ou le vitrail et à des pratiques artisanales propres à leur région. Les artistes cherchent de nouveaux effets, et notamment dans le travail du verre. Émile Gallé est l’inventeur de la marqueterie de verre. La maison Daum dépose un brevet pour un « nouveau mode de décoration dit décoration intercalaire à grand feu pour cristaux, verrerie etc. ». Les boiseries et les meubles gardent la couleur naturelle du bois qui est souvent de l’acajou, du noyer ou du platane. Le bois, le plus souvent travaillé en massif, est finement sculpté.
Invention / création (meubles nouveaux)
Plus que l’invention à proprement parler de nouveaux meubles, on doit à l’Art nouveau la diffusion de concept « d’ensemble ». Le mobilier est cohérent et complet : chaise, canapé, table. Le buffet peut même être inclu dans le décor des boiseries. On met en valeur les sculptures sur de hautes sellettes qui font leur apparition à la fin du siècle. Tout est prétexte à ornement : les balcons, les grilles, les rampes d’escaliers s’embellissent de motifs végétaux. Les fenêtres se parent de vitraux colorés, comme les façades se couvrent de céramiques colorées.
Armoire
Hector Guimard (1867-1942)
Paris, vers 1903
Poirier sculpté ; bronze ciselé et doré
H. : 252 cm - L. : 220 cm - Prof. : 67 cm
Don de Madeleine Pezieux au nom de Madame Léon Nozal, 1937
Cette armoire fait partie d’un ensemble mobilier provenant de la chambre à coucher de l’hôtel Nozal, qu’Hector Guimard construisit de 1904 à 1906 à Paris. Peu connu et mal documenté car détruit dès 1957, l’hôtel Nozal reste l’une des grandes constructions de Guimard dont il pense entièrement le décor et l’aménagement intérieur. Réalisé en poirier ciré, son décor sculpté évoque une flore stylisée aux lignes fines et courbes qui deviennent la signature du style Art nouveau.
Guéridon
Louis Majorelle (1859-1926)
Nancy, vers 1902
Acajou, placage de « bois de serpent » de Guyane, bronze ciselé et doré
H. : 85 cm - L. : 95 cm - Prof. : 95 cm
Achat à l’artiste au Salon des artistes français de 1902
« Ne remarquez-vous pas que ce superbe guéridon trilobé, envoi de M. Majorelle, où les tons profonds du bois s’éclairent des reflets dorés du bronze, est l’apothéose du nénuphar ? » Ce guéridon, présenté au Salon de la société des arts français en 1902, adopte pour le plateau la forme même d’une feuille de nénuphar recourbée sur le pourtour, reposant sur un double piétement tripode, souligné par les fleurs de nénuphar en bronze doré. Les formes naturelles stylisées et les courbes sont caractéristiques du style Art nouveau.
Chaise aux ombelles
Émile Gallé (1846-1904)
Nancy, 1904
Hêtre mouluré, sculpté, ajouré ; garniture en velours
H. : 95 cm - L. : 95 cm - Prof. : 95 cm
Don de Paule Chardin au nom de sa mère, Madame Veuve Chardin, 1968
Émile Gallé fut chargé de la décoration intérieure de l’hôtel particulier d’Édouard Hannon, riche ingénieur belge. La chaise fait partie d’un mobilier de salon entièrement décliné autour du motif de l’ombelle, ensemble de petites fleurs réunies en plusieurs groupes formant une sphère. Grand représentant de l’École de Nancy et de l’Art nouveau, Gallé puise son inspiration dans la nature, toutefois, le motif floral ici, n’est pas un élément décoratif mais bien un élément structurel et vient donner la forme du dossier, cherchant à créer un nouveau répertoire de forme.
Guimard, grand protagoniste de l’Art nouveau parisien dont le fer de lance était l’unité de l’architecture, du mobilier et du décor, a établi en 1909 son foyer et son cabinet d’architecte rue Mozart à Paris, d’où provient cette pendule. Le vocabulaire naturaliste inspiré des plantes propre à l’Art nouveau, est sculpté plus au moins en relief dans le bois et finement incisé dans le cuir du centre du boitier. Les lignes ondoyantes, rythmées par un mouvement sinueux, évoque une plante grimpante.
Lustre à douze lumières
Émile Gallé (1846-1904)
Nancy, vers 1904
Verre soufflé, doublé, gravé à l’acide, monture en fer forgé
H. : 134 cm
Don de Henri Chardin, Paule Chardin, Arlette Thery et Georgette Delmay, en souvenir de leur mère, Madame Denyse Hannon-Chardin, fille d’Édouard Hannon, 1968
Émile Gallé, artiste polymorphe qui travaillait autant le verre, la céramique et le bois, emprunte encore une fois le motif de la « Berce des prés », fleur ombellifère que l’artiste ne cesse de décliner jusqu’à la fin de sa vie. On la retrouve en motif sur le verre ou sculpté en bronze. Les bras de lumière sont formés par les tiges des fleurs qui s’éclosent en petite coupole de verre, retenus au sommet par un large bouquet de feuilles.
L’Art déco, un goût pour un luxe moderne, représente une nouvelle approche esthétique prenant racine au début du XXe siècle, se développant tout au long des années 1910 pour atteindre son apogée lors de la célèbre exposition Internationale des Arts décoratifs et industriels modernes qui se tient à Paris en 1925.
En rupture avec les lignes toutes en volutes du mouvement Art nouveau, ce nouveau style, bien que se déclinant dans les matières les plus nobles, répond à des canons beaucoup plus sobres et géométriques, une modernité hybride alliant le raffinement extrême à l’innovation technique. Ses principales figures à l’instar de Jacques-Émile Ruhlmann, Armand-Albert Rateau, Pierre Legrain, André Groult, Eileen Gray, Louis Süe et André Mare, Clément Rousseau, Clément Mère ou encore Paul Iribe travaillent pour les plus grands collectionneurs que sont Jacques Doucet, Jeanne Lanvin ou bien la Baronne Nelly de Rothschild.
Contexte / influence
L’Art déco, à l’image du monde de l’entre-deux guerres en pleine révolution sociale et industrielle, avide d’horizons lointains et de nouvelles découvertes, combine les singularités de nombreux courants esthétiques émergeants à l’image du cubisme, de l’expressionisme, du constructivisme, des arts asiatiques, des arts primitifs. L’époque, par une volonté d’opérer une véritable synthèse des arts, voit naître des créations mobilières présentant des lignes et des matériaux spécifiquement hérités des grands styles français mais entièrement revisités. Ces œuvres, symbole d’un luxe ultime, sont présentées dans les grandes expositions mettant à l’honneur les recherches les plus pointues en matière d’arts décoratifs. La crise économique de 1929 met à mal cette envolée lyrique et amène nombre de créateurs à se lancer dans une nouvelle quête, celle de la standardisation, loin de l’univers précieux de l’Art déco.
Formes
Après les formes toutes en arabesque et en rondeur de l’Art nouveau, celles de l’Art déco se veulent plus dépouillées et tendent à une nouvelle géométrisation des lignes. Retour à l’ordre et symétrie annoncent une nouvelle exigence formelle. Le rythme, telle une improvisation de jazz vient se décliner sur toutes les surfaces qu’elles soient celle de l’architecture, du mobilier ou de la mode. Si certains renouvellent totalement le lexique formel d’autres se l’approprie en l’hybridant avec des styles du passé comme avec des courants plus contemporains, qu’ils soient européens ou extra-occidentaux. Surgissent ainsi des œuvres uniques en leur genre aux formes totalement innovantes qui font de l’Art déco un des plus riches répertoires de formes.
Ornements
Revisité par l’Art déco, l’ornement va à la fois s’orienter vers une simplification du travail de la ligne renforcée par des jeux de matériaux, des rendus de surfaces, des détournements de matières ou encore des aplats de couleurs. Les décors appliqués auparavant à l’échelle de l’objet va s’étendre à celle de l’objet puis de l’architecture intérieur. Ainsi la rose, figure emblématique de l’Art déco comme la marguerite stylisée d’Armand-Albert Rateau dessinées pour les appartements privés de Jeanne Lanvin vont-elles se décliner du fauteuil au paravent en passant par les tentures ou la robinetterie. Le décor révèle alors un véritable sentiment d’immersion dans un environnement propre à l’imaginaire de son créateur.
Matériaux
Les matériaux rares et précieux sont l’apanage de l’Art déco. Bois précieux et exotiques comme les bois de rose, l’ébène de Macassar, la loupe d’Amboine se révèlent dans des marquèteries toujours plus sophistiquées offrant des jeux de couleurs et de matières toujours plus raffinés. Des matières aujourd’hui heureusement bannies car issues du règne animal y trouve à cette époque de manière exceptionnelle toute leur place. L’ivoire révèle les placages de bois sombres, le galuchat souligne le galbe d’un chiffonnier, la nacre pétille au centre d’un bois de palmier. Enfin, il ne faut pas oublier l’emploi de matériaux comme l’albâtre ou le parchemin et plus que tout la laque, que les créateurs à l’instar d’Eileen Gray, de Jean Dunand ou d’Armand-Albert Rateau, détourne de ses techniques premières pour la magnifier.
Invention / création (meubles nouveaux)
Dans un respect de la tradition mobilière, les créateurs, souvent ensemblier-décorateurs, renouvellent la grammaire de formes et l’usage de certaines techniques, détournent le recours à certains matériaux, jouent des rapports d’échelles pour offrir à l’Art déco des œuvres uniques. Leur imaginaire sans limite amène au développement de styles inclassable comme le mobilier d’Armand-Albert Rateau, de Pierre Legrain, d’André Groult, de Paul Iribe, d’Eileen Gray où se cristallisent leurs regards croisés sur la tradition et l’avant-garde.
Chiffonnier anthropomorphe
André Groult (1884-1966)
Paris, vers 1925
Acajou gainé de galuchat, ivoire, argent
H. : 150 cm - L. : 77 cm - Prof. : 32 cm
Achat grâce au fonds du patrimoine, avec le concours des mécénats de Michel et Hélène David-Weill, de Mrs. Jayne Wrightsman, de Shiseido, de Fabergé et de la galerie Doria, 1999
Inventé au XVIIIe siècle, le chiffonnier est une commode haute à tiroirs, permettant de ranger le linge. André Groult revisite l’esthétique de ce meuble, avec des lignes courbes et organiques, évoquant celles d’un corps féminin. Composée de matériaux nobles comme le galuchat et l’ivoire, cette réalisation anthropomorphe est présentée dans la chambre de Madame aménagée par Groult, faisant partie du Pavillon de l’Ambassade Française, de l’exposition Internationale des arts décoratifs et industriels modernes de 1925.
Bureau à cylindre doucine
Jacques-Émile Ruhlmann (1879-1933)
Paris, 1927
Placage d’ébène de macassar verni sur bâti en chêne, incrustations d’ivoire, boutons, entrées de serrure, sabots en ivoire ; intérieur en corail ciré avec filets d’ébène, sous-main en maroquin noir décoré́ par Eugénie O’Kin d’un motif de cailloutis or ; intérieur des tiroirs en loupe d’orme vernie
H. : 86.50 cm - L. : 100 cm - Prof. : 57 cm
Achat Jacques-Émile Ruhlmann, Exposition internationale des Arts Décoratifs, 1926
Jacques-Émile Ruhlmann renouvelle les arts appliqués en puisant dans l’histoire des formes et des savoir-faire pour créer du mobilier d’exception, à l’instar de ce bureau de dame. Souvent comparé aux ébénistes du XVIIIe siècle, il réinterprète les techniques, les typologies et les styles, en réalisant des pièces venant généralement satisfaire les goûts d’une clientèle privilégiée. Fabriqué dans l’atelier B de Ruhlmann, ce bureau est commandé par le Musée des Arts Décoratifs en 1926 et achevé l’année suivante. Un exemplaire similaire est rendu public lors de l’exposition Internationale des arts décoratifs et industriels modernes en 1925, dans le boudoir de l’Hôtel du Collectionneur.
En puisant son inspiration dans de multiples sources, allant de l’Antiquité aux arts décoratifs orientaux, Armand-Albert Rateau réalise un mobilier au style unique et inclassable. Ce fauteuil, qui appartenait au créateur, en est un parfait exemple. Son travail est d’ailleurs remarqué par une clientèle prestigieuse, dont la couturière Jeanne Lanvin, qui lui commande l’aménagement de son hôtel particulier à Paris. Un siècle plus tard, il reste l’une des figures les plus emblématiques de sa période et source d’inspiration féconde pour les nouvelles générations.
Pendule
Clément Rousseau (1872-1950), décorateur ; Maison Dupont, horloger
Clément Rousseau, avec d’autres créateurs de son époque comme Paul Iribe et André Groult, fut l’un des premiers à remettre à l’honneur le galuchat pendant les années 1920. Ce matériau, généralement confectionné avec de la peau de raie, est initialement utilisé au XVIIIe siècle pour décorer de petits objets, comme les écrins et les boîtes. Cette horloge de Rousseau incarne le renouveau de cette technique, qui est ici appliquée à plus grande échelle, pour décliner avec subtilité les textures et les palettes chromatiques de cette pièce où se mêlent élégance et modernité.
Don du prince Louis de Polignac, avec l’accord de Monsieur Yves Lanvin et en souvenir de la Comtesse Jean de Polignac, fille de Madame Jeanne Lanvin, 1965
Conçu pour l’hôtel particulier de la célèbre couturière Jeanne Lanvin, ce lampadaire fait partie des aménagements intérieurs de cette résidence, pensée telle une œuvre d’art totale par Armand-Albert Rateau. Ce même modèle fut exposé dans le Pavillon de l’Élégance à l’exposition Internationale des arts décoratifs et industriels modernes en 1925. Alors que Jeanne Lanvin partage avec le créateur, ce goût pour les formes uniques et les matériaux nobles, elle lui confie aussi la décoration de sa boutique Lanvin-Sport et la direction de Lanvin-Décoration. Après la démolition de l’hôtel particulier en 1965, les appartements privés de la commanditaire sont depuis conservés au Musée des Arts Décoratifs.
Le modernisme apparaît progressivement au milieu des années 1910, grâce aux progrès techniques et industriels, ainsi qu’avec le développement des nouveaux moyens de transport et de communication. Les modes de vie s’en trouvent bouleversés et un certain nombre d’artistes voit en l’homme de demain, un “Homme nouveau”.
Pour satisfaire les besoins de celui-ci, et dans la lignée des Arts & Crafts et des Wiener Werkstätte, les créateurs, qu’ils soient membres de De Stijl, du Bauhaus ou encore de l’UAM (Union des artistes modernes), se libèrent de l’ornement pour offrir à l’usager une nouvelle “machine à habiter”. Une conception renouvelée de l’espace intérieur émerge, où, l’“équipement” remplace le “décor” de la maison dans un environnement ouvert, dépouillé, clair et lumineux.
Contexte / influence
En 1925, lors de l’Exposition Internationale des Arts décoratifs et industriels modernes qui se tient à Paris, se forme un nouveau rapport à l‘habitat, en réaction à l’émergence des récentes utopies artistiques, architecturales et sociales. Deux ans après la diffusion des Cinq points de l’architecture de Le Corbusier, la création en 1929 de l’UAM, l’Union des artistes modernes, synthétise les idées émanant des diverses expositions internationales, où étaient questionnés les fondements de la modernité. Face à cette diffusion importante de l’avant-garde, des débats sur la prédominance de l’artisanat ou de l’industrie dessinent de nouveaux liens entre l’art et la vie, qui remettent en cause la hiérarchisation des arts majeurs et mineurs.
Formes
Influencées par le cubisme, le constructivisme, l’expressionnisme, le purisme, mais aussi par les créations des Wiener Werkstätte, de de Stijl ou encore du Bauhaus, les formes et les lignes se simplifient, marquées par l’usage de matériaux novateurs, à l’instar du tube de métal et du verre. Mart Stam, avec sa chaise S33 (1926), révolutionne la création mobilière et ouvre la voie à de nouveaux types de sièges. S’en suivront les assises iconiques de Ludwig Mies van der Rohe, Marcel Breuer, Le Corbusier et Charlotte Perriand ou encore les créations hybrides d’Eileen Gray.
Ornements
Dans son livre manifeste « Ornement et Crime » (1908), l’architecte viennois Adolf Loos propose de rejeter toute forme de décor superflu, pour ne garder de l’architecture et du mobilier, l’essence même de la fonction. Plus de matériaux luxueux, plus d’ornement inutile, et bientôt la loi du ripolin qui fera de tout intérieur moderne, un environnement blanc et hygiéniste. L’espace épouse les règles de l’architecture dans son plus strict dépouillement. Il s’agit dorénavant de privilégier le confort du corps au détriment de l’ornement.
Matériaux
Plutôt que les matières subtiles et précieuses de l’Art déco, à l’instar des laques somptueuses, des bois rares et précieux, du galuchat ou encore des incrustations de nacre ou d’ivoire, le modernisme choisit une tout autre forme d’expression : celle de la simplicité à travers une ligne de conduite rationnelle, mêlant dernières recherches sur les ciments et les bétons, mais aussi sur le verre, les récents plastiques (bakélite et ébonite), les bois peints, le caoutchouc et le tube d’acier cintré chromé ou nickelé. Le métal apparait comme le matériau de l’avenir, ses caractéristiques et ses qualités répondant aux exigences de propreté, d’hygiène, de simplicité, propres aux créateurs modernes. Sa résistance et sa légèreté permettent la création de formes nouvelles.
Invention / création (meubles nouveaux)
La nouvelle organisation de la vie domestique, rationnelle et multifonctionnelle, amène les créateurs à développer la standardisation et la production en série, ainsi que le principe de modularité. Les qualités du métal offrent au mobilier la possibilité d’être démontable, ajustable, démultipliable. Avec l’ouverture des espaces de vie, souvent accompagnés de la suppression des cloisons, l’architecture fusionne avec le mobilier, désormais intégré. Les meubles jusqu’alors mobiles deviennent de véritables éléments d’architecture intérieure, renouvelant le rapport corps/espace pour atteindre une nouvelle forme harmonie au sein de l’habitat.
Coiffeuse-paravent
Eileen Gray (1878-1976)
France, 1926/1929
Pin de l’Orégon (pitchpin), contreplaqué, liège, aluminium, verre, traces de peinture bleu turquoise.
Conçue en 1926 par la créatrice irlandaise Eileen Gray, la coiffeuse-paravent, révolutionnaire dans sa fonction, vient offrir, une fois accrochée perpendiculairement au mur de la chambre, au-delà d’une simple fonction de rangement, un espace d’intimité dédié à la toilette. Ses lignes, épurées comme élégantes, répondent à l’architecture de la villa E 1027, icône de la modernité, conçue à quatre mains par Eileen Gray et Jean Badovici. Ici, les pièces de mobilier comme la coiffeuse-paravent répondent à tous les standards d’un nouveau mode vie où fusionnent dorénavant dans une forme de modernité lyrique l’espace, le corps et l’âme. Ce modèle-ci de coiffeuse fut conçu pour le studio de Jean Badovici à Paris dans ce même esprit moderne qu’à la villa E 1027 et dans l’intention de séparer le salon d’un minime espace intime.
Table à thé à deux plateaux
Jean Burkhalter (1895-1982)
Paris, vers 1930
Acier étiré, émaillé, plateaux en chêne
H. : 68 cm - L. : 60 cm
Don des héritiers de Monsieur Jacques Burkhalter, 2008
Figure majeure du modernisme en France, Jean Burkhalter participe régulièrement aux expositions de l’Union des Artistes Modernes (UAM), dont il est l’un des membres fondateurs depuis 1929. Créateur multidisciplinaire, il privilégie la réalisation d’un mobilier léger, facile à déplacer, alliant notamment le bois et le tube métallique, ou encore la tôle émaillée, à l’instar de cette table à thé. Simple et fonctionnelle, celle-ci est composée d’un plateau inférieur pour les pièces de service et d’un niveau supérieur pour déposer les tasses. Don de la famille de l’artiste, elle fut présentée lors de la première exposition de l’UAM en 1930 au Musée des Arts Décoratifs.
Chaise longue basculante B306
Le Corbusier (Charles-Édouard Jeanneret dit) 1887-1965) ; Charlotte Perriand (1903-1999) ; Pierre Jeanneret (1896-1967) ; édité par Thonet
France, 1928 (création du modèle) et 1930 (édition)
Piètement en tôle d’acier peinte, structure en tube d’acier chromé, caoutchouc ; sans garniture
Présentée au Salon d’Automne de 1929, le premier modèle de cette chaise longue basculante réalisé par le trio Le Corbusier, Charlotte Perriand et Pierre Jeanneret, est ensuite édité l’année suivante sous le nom de B306 par la firme Thonet. Conçue avec des matériaux nouveaux pour l’époque, comme le tube en acier, cette assise mêle formes épurées et fonctionnelles. Adaptée à la position du corps, avec son appuie-tête et son inclinaison variable, celle-ci est pensée de manière rationnelle, tel un équipement pour la vie quotidienne, afin d’optimiser le confort de son usager. Pendant les années 1940, Perriand en fabrique une nouvelle version en bambou. Aujourd’hui considérée comme une icône de la modernité, cette chaise longue est, depuis les années 1960, diffusée par Cassina sous le nom de LC4.
Lampe de bureau
Jacques Le Chevallier (1896-1987), en collaboration avec René Koechlin (1866–1951)
Paris, vers 1927
Aluminium et ébonite
H. : 30 cm
Don Andrée Mallet-Stevens en souvenir de son mari, 1958
Cette lampe de Jacques Le Chevallier provient de l’agence d’architecture de Robert Mallet-Stevens, située au 12 rue Mallet-Stevens à Paris. Pensée comme une véritable sculpture, elle puise ses formes dans les principes rationalistes qui émergent pendant l’entre-deux-guerres. Sobre et fonctionnelle, ce luminiaire est composé de matériaux nouveaux, comme l’aluminium et l’ébonite, l’un des premiers matériaux plastiques. Son diffuseur semi-cylindrique permet de canaliser l’intensité de la lumière, tandis que sa base sert de porte-crayons. Le Chevallier présente un modèle semblable lors de la première exposition de l’Union des Artistes Modernes au Musée des Arts Décoratifs en 1930.
Avec la modernité, l’horloge se montre de plus en plus discrète jusqu’à en perdre même parfois sa propre monture ne laissant place qu’aux simples aiguilles et numéros. Comme les dessine Robert Mallet-Stevens dans la villa Cavroix, les horloges deviennent dès lors des appels graphiques dans l’espace, des éléments du temps en suspension. Laurent de Commines répond donc ici, par son dessin contemporain, à l’esthétique des modernes, dessinant au-dessus de la porte les éléments graphiques, symboles, au-delà d’un « Esprit Nouveau », comme le citait Le Corbusier, d’un temps nouveau.
Le nom de « Trente Glorieuses » donné par Jean Fourastié aux années 1945-1975 couvre les trois décennies durant lesquelles la société française passe de la reconstruction à un accès généralisé à la consommation et aux loisirs.
Les deux décennies de l’après-guerre se caractérisent par un changement rapide de mode de vie et une modernisation profonde de l’habitat et des infrastructures. Portée par l’essor économique, la jeune génération de designers des années 1950 tourne ses regards vers les pays qui incarnent la modernité, aux premiers rangs desquels les États-Unis mais également la Scandinavie. En France, dynamisme et modernité s’incarnent dans l’industrie automobile. Emblématique de cet essor, la DS, créée en 1955 par Citroën, devient une voiture mythique, véritable « déesse » des temps modernes sous la plume de Roland Barthes.
Contexte
En matière de mobilier, le goût des pièces uniques et des matériaux traditionnels perdure. Après neuf ans d’interruption, le Salon des Arts Ménagers rouvre ses portes au Grand Palais en 1948. Le mobilier de série est présenté dès 1949 dans la section « Le foyer d’aujourd’hui » qui va devenir la vitrine de tous les jeunes designers désirant voir leurs meubles produits en série. La même année l’exposition « Formes Utiles », émanation de l’U.A.M., se tient pour la première fois au musée des Arts décoratifs et ensuite au Salon des Arts Ménagers.
À l’inverse des pays scandinaves, des États-Unis et de l’Italie, la France développe lentement une production de meubles modernes, produits en série pour le marché international. Cependant, stimulées par l’émergence de jeunes talents, de nombreuses maisons d’édition voient alors le jour en France. Celles-ci vont favoriser l’apparition d’un mobilier nouveau.
À l’étranger, le travail suivi et régulier de designers au sein des mêmes entreprises est la clé de productions innovantes. Les États-Unis et la Scandinavie deviennent synonymes d’une modernité enviée et leurs grands éditeurs (Knoll, Hermann Miller, Artek …) sont en France des modèles à suivre. Parallèlement, le goût de la décoration reste vivace en France et Jean Royère enchaîne les chantiers dans lesquels il déploie son goût pour les lignes courbes synonymes de confort.
Formes et matériaux
Dans nombre de mobilier courant produit par de petits ateliers, un style post Art déco perdure. Souhaitant combattre celui-ci, la jeune génération s’appuie sur de nouvelles donnes. Adapté aux petites surfaces et à un nouvel art de vivre, un mobilier fonctionnel aux formes simples voit le jour, emmené par une élite de designers. Avec des matériaux comme le Formica, le contreplaqué ou le verre, les designers cassent les codes, autant du mobilier bon marché que du mobilier de style très répandus en France. Ce faisant, ils proposent un renouvellement des formes et des typologies du mobilier et des accessoires de la maison. Les lignes souvent orthogonales de leurs propositions intègrent alors les problématiques propres à ces années (gain de place, multifonction, mobilité, entretien facile, incursion de la télévision…).
Il n’existe pas de choix spécifique de matériaux durant cette période. Les créateurs utilisent indifféremment les matériaux traditionnels comme le bois, le cuir, le rotin mais également les dérivés du bois (contreplaqué, lamellé-collé) ainsi que les matériaux industriels (aluminium, acier…) ou ceux de la chimie moderne (matières plastiques, polyester armé de fibres de verre).
Meuble TV-tourne-disque-bar
Antoine Philippon (1930-1995) et Jacqueline Lecoq (née en 1932)
Antoine Philippon et Jacqueline Lecoq offrent un bel exemple du renouvellement des typologies de mobilier qui s’opère à la fin des années 1950 avec ce meuble multifonction. Ce meuble répond aux besoins de place et à la généralisation de la télévision dans les foyers. Utilisant un matériau comme le Formica, le duo de créateurs rompt avec les codes du mobilier traditionnel qui prévalait jusque-là. Antoine Philippon et Jacqueline Lecoq contribuent ainsi à convertir leurs contemporains au mobilier moderne, fonctionnel, adapté par ses formes et ses matériaux à un nouveau mode de vie.
Bureau à abattant avec porte-documents
Jacques Adnet (1901-1984)
France, vers 1950
Simili cuir, laiton
H. : 100 cm - L. : 93 cm - Prof. : 55 cm
Achat grâce au mécénat de Moët Hennessy et de la Société d’Organisation Culturelle, 2010
Ambassadeur du goût français, Jacques Adnet est, par ce bureau, fidèle aux préoccupations de rationalisme et de fonctionnalité qui règnent dans l’industrie du meuble dans l’immédiat après-guerre. Adepte de techniques raffinées, il porte une attention particulière à la perfection des formes et à la qualité des matériaux utilisés (laiton et simili cuir).
Chauffeuse Antony
Jean Prouvé (1901-1984)
France, vers 1954
Tôle et tube d’acier laqués, contreplaqué de hêtre
Dans l’après-guerre, la France cherche à combler son déficit en logements et équipements universitaires. Jean Prouvé remporte le concours d’ameublement de la cité universitaire Jean-Zay d’Antony et dessine spécialement un modèle de siège en contreplaqué moulé dont la ligne souple prouve que l’économie de moyen et la fonctionnalité du mobilier n’enlèvent rien à une certaine recherche formelle. Cette chaise basse s’apparente à une chauffeuse qui devient une typologie très en vogue à cette époque.
Jean Royère développe son goût de l’ornementation à partir des matériaux courants dans les années 1950 et 1960. Le tube de métal devient une ligne ondulée et participe à son répertoire décoratif. La fonction d’éclairer est sublimée par cette forme inspirée de la nature.
Pionnier du design moderniste américain, George Nelson, architecte et théoricien du design contribue à instaurer dès les années 1940, un environnement nouveau au bureau comme à la maison ; au-delà d’être à l’initiative de l’innovant concept, celui du mur de rangement, il conçoit des formes à forte présence visuelle et graphique, simples mais affirmées. Ball Clock égrène la mesure du temps à l’aide de l’aiguille des heures surmontée d’une flèche et de celle des minutes coiffée d’une ellipse. Les douze rais métalliques terminés par des boules colorées, le disque central qui dissimule le mécanisme attestent d’une nouvelle esthétique moderne, dont il est un des principaux porte-parole.
Les années 1960-1970 sont celles d’une révolte sociale et culturelle. Cette période de bouleversements mais aussi de prospérité est également celle de toutes les utopies et de tous les rêves de consommation. « Les Choses » de Georges Perec, paru en 1965, s’en font l’écho avant que la crise économique consécutive au choc pétrolier de 1973 ne mette fin à l’optimisme généralisé des Trente Glorieuses.
Au-delà d’être des années estampillées optimisme, boom économique et euphorie, les années 1960 remettent en question l’autorité du passé et délaissent les idéaux et les concepts du premier modernisme des années 1920 et des années 1930, dans tous les domaines, que ce soit celui de l’aménagement intérieur, des objets ou des structures politiques. La culture pop et les mouvements de contre-culture génèrent de nouveaux langages formels, une nouvelle esthétique et des innovations techniques grâce à l’utilisation exclusive et intensive des matières plastiques et de leurs dérivés actant ainsi la grande série dans la production d’objets. Si la volonté de mettre le design à la portée du plus grand nombre est le leitmotiv des années 1960, la décennie suivante ouvre la voie à l’éphémère, au gonflable, au confort sans conformisme, aux espaces domestiques multifonctionnels, modulaires et expérimentaux. L’idée du meuble fonctionnel est obsolète et cède la place à des notions plus utopiques et plus oniriques comme celle du « paysage domestique »
Contexte
Dans les années 1960, la jeune génération de designers français apparue dans les années 1950 est en pleine possession de ses moyens. L’édition française prend petit à petit son essor et la démocratisation du design passe par le développement d’un véritable réseau de diffuseurs dans toute la France. La chaîne de magasins Prisunic en est l’exemple le plus populaire avec son slogan choc : « Le beau au prix du laid ». Parallèlement, des sculpteurs de renom donnent corps à un mobilier aussi inattendu que spectaculaire. De l’autre côté des Alpes, le design italien connaît un succès international. Porté par des industriels audacieux et des designers indépendants, l’édition en série de mobilier, de luminaires et de petit électroménager est florissante. Kartell, Flos, Artemide, Brionvega, Olivetti sont alors les fers de lance de profonds renouvellements.
Formes et matériaux
Porté par un vent de modernité, cette révolution des formes et des matériaux s’amplifie dans les années 1960-1970. L’urbanisation et les nouveaux modes de vie et d’habitat conduisent la jeune génération à acquérir un ameublement très différent de celui de leurs aînés.
Les décennies 1960-1970 demeurent celles d’une explosion de formes, de couleurs et de matériaux. Une vision hédoniste consacre le règne des lignes souples qui jouent sur la couleur ou la transparence des créations. Les nouveaux matériaux (mousse, résine, jersey) permettent l’apparition de formes arrondies et de couleurs franches. Le mobilier devient alors ample, généreux et accueillant. Dans des publicités alléchantes la décontraction est affichée clairement avec des sièges aux formes inédites. Édition et diffusion sont alors les corollaires de cette démocratisation du meuble moderne.
Le design industriel n’est pas en reste et les entreprises d’accessoires de bureau, d’horlogerie ou de petit électroménager font appel à des designers de renom pour dessiner des lignes de produits qui prennent place de façon spectaculaire au sein des modèles classiques. Miniaturisation, mobilité et couleurs vives sont alors de mise.
La véritable révolution tient à l’arrivée des matériaux dérivés du pétrole. Les matières plastiques et l’invention au début des années 1960 de l’ABS est une évolution majeure. Opaque, solide, l’ABS va véritablement transformer la production de mobilier et de tous les objets en plastique. En plein effervescence créatrice, le choc pétrolier de 1973 entraîne l’augmentation du prix des différents matériaux issus de la polymérisation des hydrocarbures et, de ce fait, un ralentissement de son usage.
Meuble Combi-center
Joe Colombo (1930-1971) ; édition Bernini
Italie, 1963-1964
Noyer, aluminium, plexiglas (et roulettes en plastique et acier)
H. : 185 cm
Achat grâce au mécénat de Michel et Hélène David-Weill, 1999
Ce meuble-container modulable à usage multiple, occupe le cœur de la pièce à vivre telle une sculpture. Le Combi-center est loin du buffet traditionnel à angles droits venant s’adosser au mur. Il bouleverse ainsi la typologie traditionnelle du meuble de rangement. Le rapport que les objets entretiennent à l’espace qu’ils occupent et à leurs utilisateurs, s’inscrit dans une nouvelle réflexion entamée par les designers dans les années 1960.
Bureau Ozoo 600
Marc Berthier (né en 1935), créateur ; édition Ozoo pour les Galeries Lafayette
France, 1967
Polyester moulé renforcé de fibre de verre
H. : 72 cm - L. : 110 cm - Prof. : 72 cm
Achat grâce au mécénat des Amis des Arts Décoratifs, 2007
Ce bureau témoigne de l’apogée du plastique dans les années 1960, matériau qui permet, non seulement des formes arrondies et des couleurs vives et gaies, mais aussi de fabriquer à moindre coût un mobilier devenant dès lors accessible à tous.
Fauteuil Bulle
Christian Daninos (11944-1992), créateur ; édition Formes Nouvelles
Ce fauteuil à la forme enveloppante est caractéristique de la vision hédoniste et des nouveaux modes de vies des années 1960. Des matériaux comme le Plexiglas, inconnu dans les décennies précédentes pour le mobilier, permettent cette liberté formelle et cette transparence.
Enzo Mari tire profit des matériaux nouveaux et peu coûteux – tel le plastique – très en vogue dans les années 1960, pour concevoir des objets du quotidien, dont des fournitures de bureau de l’éditeur Danese.
Lampadaire Soleil Module 400
Roger Tallon (1929-2011), créateur ; Galerie Lacloche, éditeur
Par sa silhouette audacieuse, ce lampadaire est symbolique des années 1960 qui voient apparaître une grande liberté formelle dans l’industrie du meuble. C’est également à cette époque que des designers comme Roger Tallon (avec ce lampadaire qui fait partie de la série Module 400) développent les gammes de mobilier (luminaires, tables, chaises, etc.) autour d’un module formel ou d’un même matériau.
En France, l’arrivée au pouvoir de François Mitterrand en 1981 amorce une période féconde pour la création artistique, encouragée dans les plus hautes sphères de l’État. À la fin des années 1970 et au début des années 1980 apparaît une nouvelle génération de designers qui vont remettre en cause les codes de leurs prédécesseurs.
Plus que jamais le design s’internationalise. Philippe Starck permet au design de sortir des cercles restreints des amateurs pour s’imposer auprès d’un large public et celui qui popularise véritablement le design, voit ses pièces éditées essentiellement par des maisons étrangères. Venus de l’autre bout du monde, des designers japonais ou australiens sont révélés avec éclat en Europe. L’appétence du grand public pour cette discipline est alors portée par les nouvelles revues sur le sujet, ainsi Intramuros, première revue française consacrée uniquement au design créé en 1985 et par l’arrivée de galeristes découvreurs de nouveaux talents comme Pierre Staudenmeyer.
Contexte
Comme si tout était à réinventer, la création ne présente pas d’unité et, au contraire, on assiste à un télescopage de productions très diverses. Les contours du design deviennent plus lâches. En France, l’artisanat est remis au goût du jour mais dans un style flamboyant et certains n’ont pas peur de proclamer qu’ils sont contre le design. Dans cette génération aux multiples facettes, des designers perfectionnistes qui luttent contre la banalisation de l’objet s’attachent, quant à eux, à produire des pièces sophistiquées ou à rechercher une forme d’universalité.
À l’étranger, le début des années 1980 marque un tournant. Pour l’italien Gaetano Pesce le binôme forme-fonction n’est plus suffisant depuis longtemps et la création du groupe Memphis à Milan en 1981 impose un nouveau langage qui ne sera pas sans retentissement en France. Pour Ettore Sottsass, son fondateur, le design doit être une façon de débattre de la vie.
Formes et matériaux
Après des années à mettre en avant des couleurs vives et fortes, le goût pour le noir détonne dans nombre de créations du début des années 1980 alors que, dans un même temps, les lamifiés aux motifs graphiques très colorés explosent dans le travail de Memphis. Loin d’être uniforme, la période est au « néo-tout » comme le dit Pierre Staudenmeyer au moment de la création de sa galerie Neotù en 1985.
En 1981, le duo Garouste & Bonetti expose à la galerie Jansen la chaise Barbare qui donna son nom à une tendance. Dans les années 1980, le retour de l’artisanat dans le travail de Pucci de Rossi, André Dubreuil, Eric Schmitt ou Olivier Gagnère consacre le retour de matériaux traditionnels comme la céramique, le bronze ou le cuivre. Il contraste singulièrement avec le design savant et sophistiqué de Sylvain Dubuisson ou Martin Szekely dont la rigueur de leur design s’appuie fréquemment sur l’exploration de nouveaux matériaux. Chez beaucoup de designers, démesure et poésie se conjuguent et les matériaux les plus inattendus (plumes, papillon) ou les plus ordinaires (lamifiés) se conjuguent aux matériaux les plus sophistiqués (métacrylate) ou les plus nobles (marbre, essence de bois rare).
Bureau 1989, modèle appartement
Sylvain Dubuisson (né en 1946) ; édition Furniture
France, 1991
Bois plaqué de feuilles de parchemin, sous-main gainé de cuir
H. : 71 cm - L. : 160 cm - Prof. : 110 cm
Achat grâce au mécénat de Michel et David-Weil, 1996
Une écriture plastique contemporaine et rigoureuse alliée à une dimension poétique et un grand raffinement sont emblématiques du design savant et sophistiqué qu’on peut trouver dans les années 1980, avec des personnalités comme Sylvain Dubuisson. Ce bureau à la forme elliptique et recouvert de parchemin apparaît comme un acte de virtuosité.
Fauteuil Costes
Philippe Starck (né en 1949) ; édition Driade, Italie
Ce fauteuil tripode incarne, au-delà de la fonction et du confort, l’esthétique néo-moderne des années 1980, comme un écho au fauteuil club traditionnel.
Il a été créé pour le Café Costes à Paris, grand café populaire qui devient vite un haut lieu de rassemblement de la jeunesse chic et branchée et dont l’aménagement a été confié à Philippe Starck, une des plus grandes figures du design contemporain.
Pendule Clock with Five Hands
Shiro Kuramata (1934-1991)
Japon, 1986
Aluminium, sardine séchée, faux papillon en tissu, coccinelle et mécanisme d’horlogerie sur panneau de mélamine.
Cette pendule est symbolique d’une des tendances qui prévaut dans le travail de nombreux designers des années 1980 : un goût pour des objets dont la dimension poétique est mise en avant par des matériaux insolites (plumes, papillon). Ces éléments se trouvent associés à des matières plus ordinaires (mélamine).
Lampe Bibibibi
Ingo Maurer (né en 1932)
Allemagne, 1982
Porcelaine, plastique, acier.
H. : 55 cm
Dépôt du Centre national des arts plastiques, 1985
Objet iconique à sa création, cette lampe de table est toujours éditée aujourd’hui. Elle reflète le goût de plusieurs designers des années 1980 pour des matériaux singuliers (comme la plume) qui sont utilisés avec dérision et poésie. Des créations originales, réjouissantes et délicates font le succès de cette décennie imaginative.
Meuble Pod of Drawers
Marc Newson (né en 1963)
Prototype 1987, réalisation 1999
Feuilles d’aluminium rivetées sur bois, fibre de verre
H. : 130 cm - L. : 71 cm - Prof. : 40 cm
Achat à l’artiste grâce au mécénat de Fabergé, 1999
Les designers des années 1980 s’autorisent une certaine liberté dans leurs créations. Ce meuble est à la fois un hommage au chiffonnier Anthropomorphe du grand décorateur français André Groult, et une démonstration de la sophistication de l’agencement des plaques d’aluminium martelé à la main et riveté.
Au début du XXIe siècle, la mondialisation de l’économie favorise le développement du design. Dans le monde industrialisé, la valeur du design est de plus en plus reconnue dans les entreprises de toutes tailles et de toutes spécialités.
Une profonde identité des marques renforce les collaborations fortes entre entreprises et designers. Le grand public devient adepte de design sans même connaître le nom des designers. Ce qu’on a pu appeler le design de la Silicon Valley est particulièrement emblématique de ce phénomène. Chez Apple, par exemple, cette stratégie, débutée avant les années 2000 et rencontre un succès exemplaire. Parallèlement à ce design tourné vers l’objet, se développe une conception du design tourné vers la recherche ou d’autres disciplines. La cocréativité du Design Thinking tout comme l’apparition du design culinaire ou du design sonore sont symptomatiques de cet élargissement.
Contexte
Le début du XXIe siècle amorce un changement dans l’acception du mot design. La vision d’un design conçu comme orchestration des formes et des fonctions est depuis plusieurs années largement remise en cause. Depuis les années 1980 les Italiens ont ouvert la voie mais le XXIe siècle voit les contours du design devenir de plus en plus lâches. Dans le même temps, des pays comme l’Afrique, l’Inde ou les pays d’Amérique du sud – que l’on n’associait pas jusque-là au design – interviennent sur la scène internationale même si ils restent minoritaires.
Formes et matériaux
La création d’objets fonctionnels conçus pour un usage courant connaît un renouvellement avec l’arrivée de designers comme les frères Bouroullec qui vont mettre leur talent au service de nombreuses maisons d’édition. On assiste également à l’arrivée de maisons d’édition de plus petite taille, comme Moustache, qui aident à l’éclosion de toute une jeune génération. Se démarquant fortement d’un design « ordinaire », la dimension ostentatoire et humoristique se répand chez certains designers comme Jaime Hayon ou les frères Campana, pour ne citer qu’eux. Parallèlement à l’édition en grande série, certains designers préfèrent conduire leur travail avec des galeries pour développer des pièces exceptionnelles par leurs dimensions, leurs matériaux et leur conception.
Dans ce paysage qui se diversifie, la porosité avec l’art contemporain est patente. Ainsi le Néerlandais Maarten Baas introduit des sortes de performances filmées dans certaines de ses pièces. Dans le même temps, de nouvelles technologies vont profondément faire évoluer les formes des objets. L’impression 3D apparue dans les années 1980 s’est, au départ, concentrée sur de petits objets, mais le développement de ces technologies avec des start-up très performantes vont permettre la réalisation de formes extrêmement complexes. Le designer Patrick Jouin en France ou Joris Laarman aux Pays-Bas se distinguent par l’usage de ces procédés.
Cabinet Settimio
Fernando (né en 1961) et Humberto (né en 1953) Campana
Italie, 2012
Bronze doré, bambou
H. : 230 cm - L. : 87 cm - Prof. : 75 cm
Achat grâce au mécénat de M. Placido Arango Jr., 2013
Ce cabinet s’inscrit dans une démarche singulière, celle des brésiliens Fernando et Humberto Campana qui œuvrent à la frontière du design, des arts appliqués et de l’art contemporain. Les deux frères conçoivent un design « tiré de la rue » avec, pour matériaux de prédilection, des objets de récupération, à priori étrangers à l’univers du design. Avec Settimio, ils travaillent toujours à partir d’éléments de récupération, mais ils introduisent de nouveaux matériaux comme le bambou et les éléments sont façonnés dans un atelier romain spécialisé dans le travail du bronze, selon la plus pure tradition des techniques artisanales d’orfèvrerie.
Cette table est emblématique des travaux menés par Jean-François Dingjian sur la façon de détourner des procédés industriels au profit de l’univers domestique. Elle est réalisée en carbure de silicium, un matériau utilisé en astronomie pour des instruments d’observation, comme les miroirs des satellites de grandes dimensions. C’est le matériau et le mode de production mêmes qui donnent naissance à l’objet. Partir des procédés de fabrication et des processus liés à la production industrielle est une tendance de plus en plus courante chez les designers de la génération de Jean-François Dingjian.
Chair_ONE fait partie des pièces de design qui, au début du XXIe siècle, se distinguent par l’emploi de matériaux inhabituels dans le domaine du mobilier. Chair_ONE est une pièce marquante par l’usage du béton, matériau de l’architecture. La recherche d’un langage formel renouvelé, mais aussi l’expérimentation de matériaux inédits ou de nouveaux procédés de fabrication sont l’apanage du travail de Konstantin Grcic.
Horloge Grandfather Clock
Marteen Baas (né en 1978)
Pays-Bas, 2009
MDF (Medium Density Fiberboard, placage de cerisier) verni, résine, vidéo
H. : 214 cm - L. : 70 cm - Prof. : 50 cm
Achat à l’artiste grâce au mécénat du Cercle Design 20/21, 2012
Real Time est une série de vidéos imaginée en 2009 mettant en scène des acteurs indiquant l’heure. Ici, le petit film tient lieu de cadran d’horloge, la vidéo montrant un homme actionnant lui-même les aiguilles de l’horloge. Le concept Real Time, dont fait partie Grandfather Clock, constitue une nouvelle étape dans le travail de Maarten Baas, désormais à la frontière entre design et performance. Il est caractéristique de cette voie nouvelle que prend le design dans les années 2000 : une conception du design s’ouvrant à d’autres disciplines et non plus spécifiquement tourné vers l’objet.
Suspension Vertigo
Constance Guisset (née en 1976) ; édition Petite Friture
La suspension Vertigo est un bel exemple des objets de design qui font le succès de maisons d’édition comme Petite Friture qui se développent vers 2010 et de leur collaboration avec de nombreux nouveaux talents du design. Cette suspension est également caractéristique des objets aériens, animés et accueillants imaginés par Constance Guisset.
Chair_ONE fait partie des pièces de design qui, au début du XXIe siècle, se distinguent par l’emploi de matériaux inhabituels dans le domaine du mobilier. Chair_ONE est une pièce marquante par l’usage du béton, matériau de l’architecture. La recherche d’un langage formel renouvelé, mais aussi l’expérimentation de matériaux inédits ou de nouveaux procédés de fabrication sont l’apanage du travail de Konstantin Grcic.
Années 1980-1990
Fauteuil Costes
Philippe Starck (né en 1949) ; édition Driade, Italie
Ce fauteuil tripode incarne, au-delà de la fonction et du confort, l’esthétique néo-moderne des années 1980, comme un écho au fauteuil club traditionnel.
Il a été créé pour le Café Costes à Paris, grand café populaire qui devient vite un haut lieu de rassemblement de la jeunesse chic et branchée et dont l’aménagement a été confié à Philippe Starck, une des plus grandes figures du design contemporain.
Années 1960-1970
Fauteuil Bulle
Christian Daninos (11944-1992), créateur ; édition Formes Nouvelles
Ce fauteuil à la forme enveloppante est caractéristique de la vision hédoniste et des nouveaux modes de vies des années 1960. Des matériaux comme le Plexiglas, inconnu dans les décennies précédentes pour le mobilier, permettent cette liberté formelle et cette transparence.
Années 1940-1950
Chauffeuse Antony
Jean Prouvé (1901-1984)
France, vers 1954
Tôle et tube d’acier laqués, contreplaqué de hêtre
Dans l’après-guerre, la France cherche à combler son déficit en logements et équipements universitaires. Jean Prouvé remporte le concours d’ameublement de la cité universitaire Jean-Zay d’Antony et dessine spécialement un modèle de siège en contreplaqué moulé dont la ligne souple prouve que l’économie de moyen et la fonctionnalité du mobilier n’enlèvent rien à une certaine recherche formelle. Cette chaise basse s’apparente à une chauffeuse qui devient une typologie très en vogue à cette époque.
Modernisme
Chaise longue basculante B306
Le Corbusier (Charles-Édouard Jeanneret dit) 1887-1965) ; Charlotte Perriand (1903-1999) ; Pierre Jeanneret (1896-1967) ; édité par Thonet
France, 1928 (création du modèle) et 1930 (édition)
Piètement en tôle d’acier peinte, structure en tube d’acier chromé, caoutchouc ; sans garniture
Présentée au Salon d’Automne de 1929, le premier modèle de cette chaise longue basculante réalisé par le trio Le Corbusier, Charlotte Perriand et Pierre Jeanneret, est ensuite édité l’année suivante sous le nom de B306 par la firme Thonet. Conçue avec des matériaux nouveaux pour l’époque, comme le tube en acier, cette assise mêle formes épurées et fonctionnelles. Adaptée à la position du corps, avec son appuie-tête et son inclinaison variable, celle-ci est pensée de manière rationnelle, tel un équipement pour la vie quotidienne, afin d’optimiser le confort de son usager. Pendant les années 1940, Perriand en fabrique une nouvelle version en bambou. Aujourd’hui considérée comme une icône de la modernité, cette chaise longue est, depuis les années 1960, diffusée par Cassina sous le nom de LC4.
En puisant son inspiration dans de multiples sources, allant de l’Antiquité aux arts décoratifs orientaux, Armand-Albert Rateau réalise un mobilier au style unique et inclassable. Ce fauteuil, qui appartenait au créateur, en est un parfait exemple. Son travail est d’ailleurs remarqué par une clientèle prestigieuse, dont la couturière Jeanne Lanvin, qui lui commande l’aménagement de son hôtel particulier à Paris. Un siècle plus tard, il reste l’une des figures les plus emblématiques de sa période et source d’inspiration féconde pour les nouvelles générations.
Art nouveau
Chaise aux ombelles
Émile Gallé (1846-1904)
Nancy, 1904
Hêtre mouluré, sculpté, ajouré ; garniture en velours
H. : 95 cm - L. : 95 cm - Prof. : 95 cm
Don de Paule Chardin au nom de sa mère, Madame Veuve Chardin, 1968
Émile Gallé fut chargé de la décoration intérieure de l’hôtel particulier d’Édouard Hannon, riche ingénieur belge. La chaise fait partie d’un mobilier de salon entièrement décliné autour du motif de l’ombelle, ensemble de petites fleurs réunies en plusieurs groupes formant une sphère. Grand représentant de l’École de Nancy et de l’Art nouveau, Gallé puise son inspiration dans la nature, toutefois, le motif floral ici, n’est pas un élément décoratif mais bien un élément structurel et vient donner la forme du dossier, cherchant à créer un nouveau répertoire de forme.
Second Empire
Chauffeuse
France, vers 1860
Acajou, lampas de soie et franges de passementerie
Les chauffeuses, sièges confortables à l’assise basse placées près des cheminées, garnissent les chambres et salons du Second Empire. Les garnitures capitonnées connaissent alors un véritable succès. Les épais rembourrages en crin ou laine sont le plus souvent munis de ressorts, gage de confort et de modernité. Le capiton est le façonnage du tapissier dont le plissage du tissu forme des losanges maintenus par des boutons. Cette chauffeuse est garnie d’un lampas de soie et d’une longue frange de passementerie dissimulant les pieds qui disposent de roulettes à l’avant. Ce fauteuil incarne le désir de légèreté associé à un souci de confort, emblématique d’un fastueux Second Empire.
Louis-Philippe
Fauteuil
Ringuet Père et fils
Paris, vers 1839
Poirier noirci, bronze doré, bâti en hêtre pour les traverses, quatre roulettes
Ringuet-Leprince, ébéniste, menuisier en fauteuil et tapissier, rencontre un vif succès aux expositions des produits de l’industrie de 1839 et 1844 par la présentation de meubles de style très variés. Dans ce fauteuil que le XIXe siècle nommerait de « style Henri II », on observe un audacieux mélange entre une typologie Louis XIII, des ornements orientaux et néo-Renaissance. Ce fauteuil donné par la Reine Marie-Amélie à la comtesse de Lobau, dame d’honneur de sa bru Hélène Mecklembourg-Schwerin, est représentatif de l’historicisme qui se développe sous la monarchie de Juillet.
Restauration
Fauteuil gondole
France, 1828
Bâti de la traverse en hêtre, placage de frêne incrusté d’amarante, satin
Ce fauteuil gondole aux accotoirs en trompe, provient du salon, dit « indien » de l’appartement de la duchesse de Berry au Palais de Saint-Cloud. Le fauteuil gondole comporte une assise incurvée, il n’est pas une invention de cette époque mais son confort et ses lignes douces plaisent, les intérieurs sous la Restauration s’en voient chargés. Les placages de bois clairs et l’assouplissement des lignes sont les éléments qui définissent le plus aisément le style Charles X.
Ce fauteuil à devant cintré présente deux pieds antérieurs en gaine reposant sur le sol par une patte de lion. Les pieds se prolongent et les têtes sculptées de sphinge portant la coiffure égyptienne du némès forment les accotoirs. Ceux-ci se rattachent au dossier carré par une fleur de lotus. Cette thématique décorative, à la mode en cette période napoléonienne que l’on nomme « retour d’Égypte », est typique du répertoire néoclassique empreint de références à l’Antiquité. Les architectes Percier et Fontaine vont jouer un rôle important dans le développement et la diffusion de ce style.
L’Antiquité constituant la référence absolue du moment, les menuisiers s’inspirent des sièges antiques connus par les bas-reliefs sculptés et les rares peintures conservées. Ce fauteuil emprunte pour son piètement antérieur la forme curule, c’est-à-dire en demi-cercle, reprise en symétrie pour former les consoles d’accotoir, tandis que le piètement postérieur est courbe, rappelant la forme de la lame du sabre, qualifiée de pieds en sabre. Le dossier en partie ajouré présente un autre motif emprunté à l’Antiquité, le trépied qui, avec les cannelures torses, les festons et les disques, eux aussi tirés du vocabulaire ornemental antique, enrichissent discrètement le siège.
Les formes chantournées et opulentes qui caractérisent le siège Louis XV sont abandonnées sous Louis XVI. Les lignes principales redeviennent droites et sont traduites ici par des pieds en fuseau, des consoles d’accotoir au droit de ces pieds, des dossiers rectangulaires ou encore d’un ovale parfait. Ce type de dossier parfois dit « en médaillon » est l’archétype du dossier Louis XVI. La sculpture décorative est discrète mais présente sur toutes les parties visibles du bois et d’une grande finesse. Entrelacs et rangs de perles sont ponctués de feuilles d’acanthe et d’un délicat bouquet de fleurs au sommet.
Cette chaise est représentative du passage d’un style à un autre, ses pieds encore cambrés ont reçu en partie haute, un décor d’enroulement de feuille d’acanthe qui porte en germe l’inspiration antique, en vigueur dans les arts sous le règne de Louis XVI. L’abandon du répertoire ornemental naturaliste (fleurettes, agrafes et coquilles) faisant place à de simples moulures cannelées pour le bois du dossier comme pour la ceinture, signe la volonté de s’émanciper des formes trop complexes caractérisant le goût rocaille.
Louis XV
Fauteuil à la reine
France, vers 1740
Hêtre sculpté, peint et doré, tapisserie au petit point réemployée
Avec ses pieds courbes, ses supports d’accotoirs sinueux placés en retrait et non plus dans le prolongement des pieds, ce fauteuil présente toutes les caractéristiques du style rocaille. En vigueur à partir des années 1740, il brise la symétrie à la mode sous le règne de Louis XIV. Le bois du siège est fait de courbes et contre-courbes tandis que son décor sculpté et peint, composé de feuilles et de fleurs, est en accord avec la tapisserie qui le recouvre. L’harmonie régnait entre le mobilier et les boiseries mais aussi avec le décor textile : les étoffes couvrant les murs, les rideaux et tapis.
Avec son dossier légèrement incliné vers l’arrière, son assise plus basse et le recul des supports d’accotoirs qui ne sont plus dans l’axe des pieds avant, ce fauteuil témoigne par sa recherche de confort, du nouvel art de vivre prôné sous la Régence. Les lignes courbes, la plus grande part accordée au bois et le travail raffiné du sculpteur, annoncent le style rocaille qui aura tant de succès dans les arts décoratifs sous le règne de Louis XV.
Louis XIV
Tabouret
France, vers 1690-1700
Chêne, hêtre et noyer sculptés et dorés, textile de couverture moderne
Avec le fauteuil et la chaise, le tabouret fait partie des sièges les plus courants de l’ameublement. Ce modèle repose sur quatre pieds en forme de gaine, sculptés de cannelures et enrichis en haut et en bas d’un motif de godrons. Pour plus de solidité, les pieds sont réunis en partie basse par des traverses, sculptées de feuilles d’acanthe. Entièrement doré, ce tabouret est destiné à meubler une pièce richement ornée.
Le haut dossier, l’assise à peine évasée vers l’avant et les pieds tournés, réunis par une entretoise, demeurent les caractéristiques majeures du siège sous le règne de Louis XIII. Petit à petit les bois auparavant dissimulés sous un textile deviennent plus apparent. Les pieds sont encore réunis par une entretoise et une traverse sur le devant pour renforcer la structure du siège. Ils sont ici composés de balustres compris entre deux massifs cubiques dont les angles ont été aplanis.
Le siège en « X » ou « faudesteuil » tire son origine de la chaise curule romaine. Provenant d’Italie, il est lié à l’idée de pouvoir et prend diverses formes, dont le modèle dit « dantesca » ou « à tenailles » est une variante répandue et très appréciée en France, notamment à la cour d’Henri II. L’assise et le dossier de cette pièce sont garnis de velours (moderne), tandis que les accotoirs courbes sont décorés sur l’extérieur d’une cannelure et entrecroisés en partie centrale avec des montants sculptés d’écailles. L’articulation du siège, pliant, est masquée par un médaillon orné d’une rosace centrale.
Parfois appelé « cathèdre », ce meuble solennel aux lignes sobres et rigides fait partie intégrante du mobilier de la chambre. Réservé aux seigneurs, il est sculpté, sur la majeure partie du haut dossier, de fenestrages aveugles sur meneaux de style flamboyant, surmontés à la crête d’un réseau d’arcatures ajourées. L’ensemble est constitué de panneaux embrevés (c’est-à-dire emboîtés par le biais d’une rainure) dans le bâti, lui-même assemblé à tenons et mortaises. Les montants postérieurs sont couronnés de fleurons, tandis que le piétement, orné de deux motifs de plis de parchemin en faible relief témoigne, comme les accotoirs, d’une plus grande simplicité de traitement.
2000
2000
2020
1980
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1990
1960
1960
1970
1940
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1950
1920
1920
1940
1910
1910
1940
1890
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1848
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1890
1830
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1815
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1795
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1757
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1660
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Années 2000-2020
Horloge Grandfather Clock
Marteen Baas (né en 1978)
Pays-Bas, 2009
MDF (Medium Density Fiberboard, placage de cerisier) verni, résine, vidéo
H. : 214 cm - L. : 70 cm - Prof. : 50 cm
Achat à l’artiste grâce au mécénat du Cercle Design 20/21, 2012
Real Time est une série de vidéos imaginée en 2009 mettant en scène des acteurs indiquant l’heure. Ici, le petit film tient lieu de cadran d’horloge, la vidéo montrant un homme actionnant lui-même les aiguilles de l’horloge. Le concept Real Time, dont fait partie Grandfather Clock, constitue une nouvelle étape dans le travail de Maarten Baas, désormais à la frontière entre design et performance. Il est caractéristique de cette voie nouvelle que prend le design dans les années 2000 : une conception du design s’ouvrant à d’autres disciplines et non plus spécifiquement tourné vers l’objet.
Années 1980-1990
Pendule Clock with Five Hands
Shiro Kuramata (1934-1991)
Japon, 1986
Aluminium, sardine séchée, faux papillon en tissu, coccinelle et mécanisme d’horlogerie sur panneau de mélamine.
Cette pendule est symbolique d’une des tendances qui prévaut dans le travail de nombreux designers des années 1980 : un goût pour des objets dont la dimension poétique est mise en avant par des matériaux insolites (plumes, papillon). Ces éléments se trouvent associés à des matières plus ordinaires (mélamine).
Enzo Mari tire profit des matériaux nouveaux et peu coûteux – tel le plastique – très en vogue dans les années 1960, pour concevoir des objets du quotidien, dont des fournitures de bureau de l’éditeur Danese.
Pionnier du design moderniste américain, George Nelson, architecte et théoricien du design contribue à instaurer dès les années 1940, un environnement nouveau au bureau comme à la maison ; au-delà d’être à l’initiative de l’innovant concept, celui du mur de rangement, il conçoit des formes à forte présence visuelle et graphique, simples mais affirmées. Ball Clock égrène la mesure du temps à l’aide de l’aiguille des heures surmontée d’une flèche et de celle des minutes coiffée d’une ellipse. Les douze rais métalliques terminés par des boules colorées, le disque central qui dissimule le mécanisme attestent d’une nouvelle esthétique moderne, dont il est un des principaux porte-parole.
Avec la modernité, l’horloge se montre de plus en plus discrète jusqu’à en perdre même parfois sa propre monture ne laissant place qu’aux simples aiguilles et numéros. Comme les dessine Robert Mallet-Stevens dans la villa Cavroix, les horloges deviennent dès lors des appels graphiques dans l’espace, des éléments du temps en suspension. Laurent de Commines répond donc ici, par son dessin contemporain, à l’esthétique des modernes, dessinant au-dessus de la porte les éléments graphiques, symboles, au-delà d’un « Esprit Nouveau », comme le citait Le Corbusier, d’un temps nouveau.
Art déco
Pendule
Clément Rousseau (1872-1950), décorateur ; Maison Dupont, horloger
Clément Rousseau, avec d’autres créateurs de son époque comme Paul Iribe et André Groult, fut l’un des premiers à remettre à l’honneur le galuchat pendant les années 1920. Ce matériau, généralement confectionné avec de la peau de raie, est initialement utilisé au XVIIIe siècle pour décorer de petits objets, comme les écrins et les boîtes. Cette horloge de Rousseau incarne le renouveau de cette technique, qui est ici appliquée à plus grande échelle, pour décliner avec subtilité les textures et les palettes chromatiques de cette pièce où se mêlent élégance et modernité.
Guimard, grand protagoniste de l’Art nouveau parisien dont le fer de lance était l’unité de l’architecture, du mobilier et du décor, a établi en 1909 son foyer et son cabinet d’architecte rue Mozart à Paris, d’où provient cette pendule. Le vocabulaire naturaliste inspiré des plantes propre à l’Art nouveau, est sculpté plus au moins en relief dans le bois et finement incisé dans le cuir du centre du boitier. Les lignes ondoyantes, rythmées par un mouvement sinueux, évoque une plante grimpante.
Fruit d’une riche collaboration entre le sculpteur Geoffroy-Dechaume, le bronzier Delafontaine, et le peintre Emerich, cette garniture de cheminée en bronze doré et argenté se compose d’une pendule, d’une paire de candélabres et de deux coupes sur pieds dans un style orientalisant dit « persan » en vogue au milieu du XIXe siècle. Les animaux fantastiques et le jeu de transparence par toutes les arabesques ajourées sont issus du répertoire islamique et médiéval.
Le style « à la cathédrale », qui prend son essor sous la Restauration, se décline dans tous les objets du quotidien, privilégiant un vocabulaire néo-gothique. Cette typologie de pendule, éditée en grand nombre et souvent anonyme, connaît un certain succès dans les intérieurs bourgeois à partir des années 1840. Elle évoque l’architecture d’une église ou une cathédrale gothique. Surmontée d’un clocheton, la pendule repose sur un socle rectangulaire à gradins et son cadran s’inscrit dans une rosace, flanquée de deux colonnettes sommées de pinacles.
Restauration
Pendule
Paris, vers 1820
Bronze doré
H. : 44 cm - L. : 26 cm
Donation Barthe-Dumez faite par Mademoiselle Cécile Dumez en souvenir de ses parents, 1923
La pendule de forme portique, déjà très répandue sous l’Empire, emprunte son architecture à celle d’un temple avec quatre colonnes à chapiteau auquel s’ajoute ici un décor de draperie sous le cadran. Sous l’entablement, des putti conduisant un char, lui-même trainé par des papillons, entourent le haut du cadran. La grammaire ornementale néoclassique attendrie par le thème amoureux devient représentative des bronzes de la Restauration.
Entièrement fabriqué en bronze doré, le cygne aux ailes déployées porte sur son flanc le cadran et se hisse sur un socle au centre duquel se trouve l’aigle impérial. Le cygne, l’un des attributs d’Apollon, est un motif récurrent de cette période : les accotoirs des fauteuils prennent la forme de col de cygne et ces derniers deviennent des supports de guéridon. Le cygne peut également être interprété comme un symbole de beauté.
Directoire / Consulat
Pendule squelette
Paris, vers 1800
Bronze doré, porphyre, émail et strass
H. : 43 cm - L. : 20 cm - Prof. : 10 cm
Don de Michel Leclercq en souvenir d'Yvette Laurent née Masson et de Jean-Claude Leclercq, 2014
Dans les dernières années du XVIIIe siècle, se développe un goût pour les pendules offrant au regard la complexité d’un mécanisme qui peut s’avérer des plus sophistiqués et que l’on nomme communément « pendule squelette ». Ces pendules sont la fierté des horlogers désireux d’exhiber les mécanismes ingénieux mais s’opposent aussi en réaction aux pendules précédentes dites « à sujet ». La structure même de la pendule est dépouillée, laissant la part belle aux différents cadrans marquant ici les heures mais également les jours de la semaine, les phases et les âges de la lune ainsi que le signe des planètes.
Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, les cabinets de pendules furent l’occasion de créations extrêmement variées sollicitant différents matériaux et proposant différentes scènes historiées. Ici, le groupe en marbre encadrant le cadran et le mécanisme de la pendule, représente une jeune femme se lamentant sur son oiseau mort tandis que l’amour en remet un autre dans la cage, évoquant ainsi l’amour perdu et l’amour retrouvé.
Transition
Pendule dite « Pyramide »
Charles le Roy (1709-1771), horloger
Paris, vers 1760
Bronze patiné et bronze ciselé et doré
H. : 68 cm
Don en souvenir de M. Émile Perrin, hommage de son fils Émile, 1909
Les pendules à poser sont souvent associées à des vases pour former des garnitures, c’est-à-dire des ensembles d’objets décoratifs mêlant le bronze doré à d’autres matériaux : porcelaine, tôle, ivoire, marbre… La forme de celle-ci est issue des obélisques dont la mode apparaît à la suite des découvertes de ruines antiques. La mappemonde au sommet atteste du goût prononcé pour les sciences, lié aux nombreuses découvertes du siècle des Lumières. C’est un des modèles les plus marquants du style Transition.
L’horloge est dite « de parquet » car elle est posée au sol. À mi-chemin entre l’instrument scientifique et le meuble, les horloges témoignent du goût pour les sciences et les techniques. Afin de faciliter la lecture de l’heure, le cadran est placé en hauteur ; la grande taille de la caisse est due à la présence des poids du balancier dont la longueur est indispensable à la précision du mécanisme. Le décor de frisage, qui est une technique de marqueterie géométrique, est généralement coordonné à l’ensemble des meubles installés dans la pièce. Sa forme élancée est tempérée par le décor de bronze doré, qui souligne les différentes parties de l’horloge.
Régence
Cartel sur console
Charles Cressent (1685-1768) ; André-Georges Guyot ( ? - avant 1748)
Paris, vers 1733
Cadran de bronze doré à chiffres émaillés ; boîtier de chêne noirci ; côtés plaqués en marqueterie d’écaille et laiton
Le cartel est une horloge fixée au mur. Il remplace la pendule en marqueterie de métal et d’écaille, à la forme plus massive qui reposait sur une console murale, à la mode au siècle précédent. L’art du bronzier se développe notamment dans le domaine de l’horlogerie à partir des années 1730. Les thèmes du décor, lié au passage du temps ou purement ornemental, étaient généralement repris sur d’autres éléments en bronze doré dans la même pièce, tels les bras de lumière ou les chenets, afin de créer un ensemble décoratif coordonné et harmonieux. Rappelant l’or et la couleur du feu, faisant jouer la lumière, le bronze doré était particulièrement propice à la création de formes chantournées et déchiquetées.
Louis XIV
Pendule
Pierre Duchesne, horloger
Paris, vers 1690-1705
Bâti en sapin, placage d’ébène, écaille, laiton, étain, bronze doré et verre
Avec le règne de Louis XIV, la pendule entre plus largement dans les intérieurs de l’aristocratie. C’est un objet de luxe et les boîtes accueillant les mécanismes adoptent le plus souvent une structure architecturale comme celle-ci. Quatre colonnes à chapiteau corinthien la cantonnent et soutiennent un entablement sur lequel repose une toiture en dôme. Une marqueterie d’étain et d’écaille teintée en rouge la recouvre, soulignée par des encadrements de bois d’ébène auxquels s’ajoute le bronze doré. Deux aiguilles marquent les heures et les minutes. Le dôme dissimule le timbre qui assure la sonnerie des heures.
Louis XIII
Pendulette
Laboullays, horloger
Nancy, vers 1650
Bronze fondu, doré et gravé, émail, étain et verre
Apparus au XIVe siècle, les premiers mécanismes d’horloge n’ont cessé de se perfectionner dans le temps et gagnèrent les riches intérieurs sous la Renaissance. Au XVIIe siècle, la pendule reste un objet de prix et ne connaît pas encore la grande diversité de forme qui se développera au XVIIIe siècle. Celle-ci offre un décor gravé formant comme un cadre autour du cadran. Fier de son ouvrage, l’horloger l’a signé de manière visible sur la face. Ses petites dimensions et ses petits pieds autorisent à la déplacer selon les besoins.
Au XVIe siècle, l’horlogerie est devenue une spécialité d’une grande complexité technique, synonyme de perfectionnement des mécanismes et des pièces. Posséder une horloge portative ou encore une montre est alors un signe d’appartenance à une classe sociale élevée. Les premiers centres de fabrication se développent en Europe, notamment en France et en Allemagne, dans les grandes villes et au service des cours royales. Les commanditaires n’hésitent pas à faire réaliser de véritables petits chefs-d’œuvre de métal doré, de forme hexagonale ou ornés d’un décor gravé.
Jusqu’au XIVe siècle, la mesure du temps s’effectue au moyen du cadran astronomique, de la clepsydre ou du sablier, fait d’un cadre de bois et d’une fiole de verre. En France, l’une des premières mentions de ce type d’objet peut être lue dans l’inventaire des biens de Charles V à sa mort en 1380 : une « grande horloge de mer [faite] de deux grandes fioles pleines de sablon » y est décrite. Le sablier, dans la simplicité de son système d’écoulement, est utilisé dans le domaine de la navigation. Apparaissent au milieu du siècle les horloges mécaniques, mues par un poids descendant, avant que ne naisse au XVe siècle le ressort moteur. Peu coûteux, silencieux et fiable dans le séquençage du temps, il accompagnait et concurrençait l’horloge à rouages, dont l’usage devient courant chez les plus aisés, au plus tard dès le début du XVe siècle.
Cette table est emblématique des travaux menés par Jean-François Dingjian sur la façon de détourner des procédés industriels au profit de l’univers domestique. Elle est réalisée en carbure de silicium, un matériau utilisé en astronomie pour des instruments d’observation, comme les miroirs des satellites de grandes dimensions. C’est le matériau et le mode de production mêmes qui donnent naissance à l’objet. Partir des procédés de fabrication et des processus liés à la production industrielle est une tendance de plus en plus courante chez les designers de la génération de Jean-François Dingjian.
Années 1980-1990
Bureau 1989, modèle appartement
Sylvain Dubuisson (né en 1946) ; édition Furniture
France, 1991
Bois plaqué de feuilles de parchemin, sous-main gainé de cuir
H. : 71 cm - L. : 160 cm - Prof. : 110 cm
Achat grâce au mécénat de Michel et David-Weil, 1996
Une écriture plastique contemporaine et rigoureuse alliée à une dimension poétique et un grand raffinement sont emblématiques du design savant et sophistiqué qu’on peut trouver dans les années 1980, avec des personnalités comme Sylvain Dubuisson. Ce bureau à la forme elliptique et recouvert de parchemin apparaît comme un acte de virtuosité.
Années 1960-1970
Bureau Ozoo 600
Marc Berthier (né en 1935), créateur ; édition Ozoo pour les Galeries Lafayette
France, 1967
Polyester moulé renforcé de fibre de verre
H. : 72 cm - L. : 110 cm - Prof. : 72 cm
Achat grâce au mécénat des Amis des Arts Décoratifs, 2007
Ce bureau témoigne de l’apogée du plastique dans les années 1960, matériau qui permet, non seulement des formes arrondies et des couleurs vives et gaies, mais aussi de fabriquer à moindre coût un mobilier devenant dès lors accessible à tous.
Années 1940-1950
Bureau à abattant avec porte-documents
Jacques Adnet (1901-1984)
France, vers 1950
Simili cuir, laiton
H. : 100 cm - L. : 93 cm - Prof. : 55 cm
Achat grâce au mécénat de Moët Hennessy et de la Société d’Organisation Culturelle, 2010
Ambassadeur du goût français, Jacques Adnet est, par ce bureau, fidèle aux préoccupations de rationalisme et de fonctionnalité qui règnent dans l’industrie du meuble dans l’immédiat après-guerre. Adepte de techniques raffinées, il porte une attention particulière à la perfection des formes et à la qualité des matériaux utilisés (laiton et simili cuir).
Modernisme
Table à thé à deux plateaux
Jean Burkhalter (1895-1982)
Paris, vers 1930
Acier étiré, émaillé, plateaux en chêne
H. : 68 cm - L. : 60 cm
Don des héritiers de Monsieur Jacques Burkhalter, 2008
Figure majeure du modernisme en France, Jean Burkhalter participe régulièrement aux expositions de l’Union des Artistes Modernes (UAM), dont il est l’un des membres fondateurs depuis 1929. Créateur multidisciplinaire, il privilégie la réalisation d’un mobilier léger, facile à déplacer, alliant notamment le bois et le tube métallique, ou encore la tôle émaillée, à l’instar de cette table à thé. Simple et fonctionnelle, celle-ci est composée d’un plateau inférieur pour les pièces de service et d’un niveau supérieur pour déposer les tasses. Don de la famille de l’artiste, elle fut présentée lors de la première exposition de l’UAM en 1930 au Musée des Arts Décoratifs.
Art déco
Bureau à cylindre doucine
Jacques-Émile Ruhlmann (1879-1933)
Paris, 1927
Placage d’ébène de macassar verni sur bâti en chêne, incrustations d’ivoire, boutons, entrées de serrure, sabots en ivoire ; intérieur en corail ciré avec filets d’ébène, sous-main en maroquin noir décoré́ par Eugénie O’Kin d’un motif de cailloutis or ; intérieur des tiroirs en loupe d’orme vernie
H. : 86.50 cm - L. : 100 cm - Prof. : 57 cm
Achat Jacques-Émile Ruhlmann, Exposition internationale des Arts Décoratifs, 1926
Jacques-Émile Ruhlmann renouvelle les arts appliqués en puisant dans l’histoire des formes et des savoir-faire pour créer du mobilier d’exception, à l’instar de ce bureau de dame. Souvent comparé aux ébénistes du XVIIIe siècle, il réinterprète les techniques, les typologies et les styles, en réalisant des pièces venant généralement satisfaire les goûts d’une clientèle privilégiée. Fabriqué dans l’atelier B de Ruhlmann, ce bureau est commandé par le Musée des Arts Décoratifs en 1926 et achevé l’année suivante. Un exemplaire similaire est rendu public lors de l’exposition Internationale des arts décoratifs et industriels modernes en 1925, dans le boudoir de l’Hôtel du Collectionneur.
Art nouveau
Guéridon
Louis Majorelle (1859-1926)
Nancy, vers 1902
Acajou, placage de « bois de serpent » de Guyane, bronze ciselé et doré
H. : 85 cm - L. : 95 cm - Prof. : 95 cm
Achat à l'artiste au Salon des artistes français de 1902
« Ne remarquez-vous pas que ce superbe guéridon trilobé, envoi de M. Majorelle, où les tons profonds du bois s’éclairent des reflets dorés du bronze, est l’apothéose du nénuphar ? » Ce guéridon, présenté au Salon de la société des arts français en 1902, adopte pour le plateau la forme même d’une feuille de nénuphar recourbée sur le pourtour, reposant sur un double piétement tripode, souligné par les fleurs de nénuphar en bronze doré. Les formes naturelles stylisées et les courbes sont caractéristiques du style Art nouveau.
Second Empire
Table de milieu
François Gautier
Paris, vers 1860
Bâti de peuplier, ébène, ivoire, filets de laiton, bronze doré ; bâti en chêne, bronze doré, ébène, marqueterie d’ivoire gravé
Les matériaux, la technicité et le décor illustrent la réappropriation du style Renaissance au milieu du XIXe siècle. La marqueterie d’ébène et d’ivoire, très prisée à partir des années 1860, crée un important jeu d’optique et de contraste. Le décor du plateau s’inspire des grotesques et arabesques, type d’ornement associant des figures humaines, des animaux, des monstres, des rinceaux et a connu un grand succès à la Renaissance. Le piètement en bronze doré est formé de cariatides ailées et engainées, qui se réunissent par une entretoise surmontée d’un vase à l’antique très richement décoré.
Ce guéridon en acajou à l’allure tentaculaire par les six pieds partant de chaque côté d’un noyau central surmonté d’une cassolette, présente un épais plateau recouvert de marbre noir moucheté. Les pieds se terminent par un dauphin et prennent appui sur un plateau très large renforçant l’effet de symétrie. La structure massive et les courbes des pieds en volute et en console sont caractéristiques du style Louis-Philippe.
Restauration
Table à jeu
Antoine-Nicolas Lesage (1784-1841)
Paris, vers 1825
Structure en peuplier et chêne, plaqué avec citronnier, érable moucheté, érable ondé incrustation et moulures en amarante et amarante massif, nacre, bronze doré, velours
H. : 71 cm - L. : 38 cm - Ép. : 76 cm - Prof. : 54 cm
Antoine-Nicolas Lesage, marchand qui tenait l’enseigne « À l’Union des Arts », rue de la Chaussée-d’Antin à Paris, passait commande à des ébénistes tels que Rémond, Jeanselme ou Goudel, célèbres ébénistes de la Restauration. Bâtie en chêne et peuplier, la table plaquée de bois clairs, est décorée par une fine marqueterie d’amarante, en vogue sous Charles X. Elle comporte un plateau pliable qui s’adapte à différents types de jeux. Les tables légères, au piètement en X, envahissent les intérieurs de l’époque.
Empire
Table à écrire
Atribué à Bernard Molitor
Paris, époque Consulat (1799-1804)
Bâti en chêne, acajou, bronze doré, plateau garni de cuir, intérieur du tiroir en citronnier
H. : 71 cm - L. : 97 cm - Ép. : 57 cm
Legs Louise Lefebvre de Viefville au nom de Monsieur Louis Lefebvre de Viefville, 1964
Cette élégante table à écrire possède toutes les caractéristiques du style Empire par la sobriété de ses lignes et les ornements en bronze doré finement ciselés, contrastant sur l’acajou brillant, bois qui fit la réputation de Bernard Molitor. Les ornements puisent dans le vocabulaire végétal : les larges pieds accueillent de grande palme, une couronne de feuilles de chêne est appliquée sur la ceinture et une rosace orne la serrure. Molitor fut l’un des rares ébénistes dont l’activité a prospéré avant comme après la Révolution.
Directoire / Consulat
Guéridon
France, vers 1800
Bâti en chêne, tilleul et sapin, placage en loupe de thuya, d’acajou et d’ébène, bois peint, bronze doré
H. : 75 cm - L. : 101 cm
Don de Mme Paul Mottart en souvenir de son mari, 1949
Ce type de guéridon présent dans le mobilier antique revient en force après la Révolution dans les intérieurs. Son élégance tient à sa sobriété puisée à la source antique : un plateau de loupe de thuya posé sur un pied triangulaire peint à l’imitation du bronze vert antique et rehaussé d’ornements dorés mariant palmettes, velum, fleuron et losange. Une simple armature de bronze doré en souligne la silhouette.
Louis XVI
Secrétaire à cylindre
Paris, vers 1775
Bâti en chêne et résineux, placage de satiné, bronze doré, marbre bleu turquin
H. : 122 cm - L. : 162 cm - Prof. : 82 cm
Don en souvenir de M. Émile Perrin, hommage de son fils Émile, 1909
Le principe du secrétaire à cylindre s’est développé dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Il repose sur un bureau plat auquel on a ajouté un gradin fermant par un demi-cylindre et permettant en un seul mouvement de clore le bureau et de distraire aux regards les documents qui s’y trouvent. Celui-ci comprend en plus de son cylindre qui dégage un casier contenant cinq cases et quatre tiroirs, une série de trois tiroirs en partie supérieure, quatre tiroirs sous le plateau, deux tablettes latérales qui se glissent sous le plateau du bureau et enfin, une grande tablette qui se déploie au dos. Cet arrangement permet ainsi de multiplier les surfaces pour poser ses papiers, voire de permettre à plusieurs personnes de travailler en même temps. Ce type de meuble figurait dans le cabinet, pièce dévolue au travail, ou encore dans une bibliothèque.
Transition
Meuble à écrire debout
Paris, vers 1760
Bâti de chêne, placage bois de rose, satiné, amarante ; dessus de l’abattant en cuir, sabot bronze doré et ciselé, roulettes en bois
Ce meuble aux lignes graciles servait en premier lieu de bureau d’appoint. Des documents pouvaient être rangés dans le caisson fermant à clef sous l’abattant, et le nécessaire à écrire était installé dans un étroit et long tiroir dissimulé dans l’angle supérieur droit du meuble. Quant à la tablette d’entretoise, placée immédiatement sous le pupitre, elle est rétractable et transformable en chevalet grâce à un ingénieux système de crémaillère. Enfin, les roulettes en bois renforcent le caractère fonctionnel du meuble.
Louis XV
Bureau « à la Bourgogne »
Paris, vers 1760
Bâti en chêne, placage de bois de rose, bois de violette et amarante, bronze doré, dessus en maroquin
Fermé, ce meuble s’apparente à un simple bureau plat dont la ceinture serait pourvue de tiroirs ouvrant par des poignées de bronze doré. Cependant, après avoir rabattu vers l’avant la moitié du plateau, une simple pression du doigt sur deux boutons feints, dissimulés dans la marqueterie sur les côtés du bureau, fait surgir un caisson de petits tiroirs. Sous le plateau, des couvercles coulissants dissimulent d’autres compartiments. Cette typologie de bureau aurait été conçue par Jean-François Œben pour le frère du futur Louis XVI, le jeune duc de Bourgogne (1751-1761) qui, souffrant de tuberculose osseuse, avait besoin d’un mobilier adapté.
Le bureau plat prend sa forme à la fin du règne de Louis XIV, celui-ci dérive du bureau à huit pieds droits, souvent en marqueterie d’écaille et de métal, en usage au siècle précédent. La solidité du bâti a permis d’éliminer l’entretoise et progressivement le nombre de pieds diminuera pour être porté à quatre, sous le règne de Louis XV. Les caissons de tiroirs, moins imposants, ferment à clef afin d’assurer le rangement sécurisé des papiers les plus précieux. De plus, sa grande surface de travail, recouverte de cuir pour le confort de l’écriture, permet d’étaler des documents ou de déployer des cartes. Placé au centre de la pièce, le bureau offrait la possibilité de travailler en vis-à-vis avec son propre secrétaire.
La console est un meuble conçu pour accompagner le décor de la pièce à laquelle elle est destinée. Elle est généralement dessinée par l’architecte et confiée aux soins du menuisier. Le dessus de marbre qui l’accompagne en épouse les formes et correspond par sa qualité au marbre employé pour la cheminée, que l’on retrouve aussi sur les autres meubles de la pièce afin de constituer une unité du décor. On pose sur la console, pendule, vases, flambeaux, candélabres ou tout autre objet de décoration. Celle-ci est constituée de trois pieds reliés par une entretoise et offre un décor composé d’un masque féminin placé sur un lambrequin encadré de rinceaux. Un riche décor mosaïqué orne les fonds, caractéristique des années 1700.
Louis XIII
Bureau à huit pieds
France, vers 1650
Bâti en chêne, placage de bois d’amarante et étain
C’est au cours du XVIIe siècle que les ébénistes créent le bureau, meuble entièrement dédié au travail. Auparavant tables ou coffres tenaient lieu de meubles à écrire que l’on protégeait en les recouvrant d’un tapis de bure. Cette étoffe peu coûteuse est à l’origine du mot « bureau ». Les premiers bureaux sont à huit pieds, reliés quatre à quatre par des entretoises, supportant des tiroirs superposés et un caisson légèrement en retrait ainsi qu’un grand plateau rectangulaire. Parfois, comme ici, un petit gradin l’accompagne ouvrant à tiroirs et caisson, multipliant ainsi les possibilités de rangement.
L’influence de l’antique, et plus largement de la culture italienne, impactent un pan très important de l’art mobilier. Cette table de la Renaissance à large piétement sculpté en haut relief de figures hybrides adossées à un écusson, à la ceinture ornée de godrons et de denticules, rappelle amplement le cartibulum romain, table de pierre ou de marbre dont le plateau était soutenu par des chimères. Munie de rallonges mobiles, elle se déploie sur trois supports de bois coulissant, assurant la stabilité de l’ensemble. Les pieds, disposés de part et d’autre du plateau, s’évasent en haut en forme d’éventail. On décèle également, dans cette forme très architecturée, les apports des modèles d’Androuet du Cerceau, fin connaisseur de l’Antiquité.
Moyen Âge
Paire de tréteaux avec plateau rapporté
France, vers 1475-1480
Chêne sculpté
H. : 86 cm - L. : 209 cm - Ép. : 4 cm - Prof. : 80 cm
Formé d’un plateau supporté par des tréteaux encastrés à tourillons dans les traverses supérieures, ce type de table, transportable dans la chambre ou la grande salle, peut être couvert à l’occasion par un textile. Il est extrêmement répandu au Moyen Âge dans tous les milieux sociaux, bien que les exemplaires connus de nos jours soient rares. Ici, les tréteaux adoptent une forme à fronton triangulaire embrevé (enchâssé) dans les montants et ajouré d’un décor de motifs flamboyants, exprimant la volonté d’un certain raffinement. Le procédé, multifonction, n’était pas dévolu exclusivement à l’usage des repas : les tréteaux pouvaient soutenir une table de travail, d’écriture ou servir de piétement de lit.
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Années 2000-2020
Suspension Vertigo
Constance Guisset (née en 1976) ; édition Petite Friture
La suspension Vertigo est un bel exemple des objets de design qui font le succès de maisons d’édition comme Petite Friture qui se développent vers 2010 et de leur collaboration avec de nombreux nouveaux talents du design. Cette suspension est également caractéristique des objets aériens, animés et accueillants imaginés par Constance Guisset.
Années 1980-1990
Lampe Bibibibi
Ingo Maurer (né en 1932)
Allemagne, 1982
Porcelaine, plastique, acier.
H. : 55 cm
Dépôt du Centre national des arts plastiques, 1985
Objet iconique à sa création, cette lampe de table est toujours éditée aujourd’hui. Elle reflète le goût de plusieurs designers des années 1980 pour des matériaux singuliers (comme la plume) qui sont utilisés avec dérision et poésie. Des créations originales, réjouissantes et délicates font le succès de cette décennie imaginative.
Années 1960-1970
Lampadaire Soleil Module 400
Roger Tallon (1929-2011), créateur ; Galerie Lacloche, éditeur
Par sa silhouette audacieuse, ce lampadaire est symbolique des années 1960 qui voient apparaître une grande liberté formelle dans l’industrie du meuble. C’est également à cette époque que des designers comme Roger Tallon (avec ce lampadaire qui fait partie de la série Module 400) développent les gammes de mobilier (luminaires, tables, chaises, etc.) autour d’un module formel ou d’un même matériau.
Jean Royère développe son goût de l’ornementation à partir des matériaux courants dans les années 1950 et 1960. Le tube de métal devient une ligne ondulée et participe à son répertoire décoratif. La fonction d’éclairer est sublimée par cette forme inspirée de la nature.
Modernisme
Lampe de bureau
Jacques Le Chevallier (1896-1987), en collaboration avec René Koechlin (1866–1951)
Paris, vers 1927
Aluminium et ébonite
H. : 30 cm
Don Andrée Mallet-Stevens en souvenir de son mari, 1958
Cette lampe de Jacques Le Chevallier provient de l’agence d’architecture de Robert Mallet-Stevens, située au 12 rue Mallet-Stevens à Paris. Pensée comme une véritable sculpture, elle puise ses formes dans les principes rationalistes qui émergent pendant l’entre-deux-guerres. Sobre et fonctionnelle, ce luminiaire est composé de matériaux nouveaux, comme l’aluminium et l’ébonite, l’un des premiers matériaux plastiques. Son diffuseur semi-cylindrique permet de canaliser l’intensité de la lumière, tandis que sa base sert de porte-crayons. Le Chevallier présente un modèle semblable lors de la première exposition de l’Union des Artistes Modernes au Musée des Arts Décoratifs en 1930.
Don du prince Louis de Polignac, avec l’accord de Monsieur Yves Lanvin et en souvenir de la Comtesse Jean de Polignac, fille de Madame Jeanne Lanvin, 1965
Conçu pour l’hôtel particulier de la célèbre couturière Jeanne Lanvin, ce lampadaire fait partie des aménagements intérieurs de cette résidence, pensée telle une œuvre d’art totale par Armand-Albert Rateau. Ce même modèle fut exposé dans le Pavillon de l’Élégance à l’exposition Internationale des arts décoratifs et industriels modernes en 1925. Alors que Jeanne Lanvin partage avec le créateur, ce goût pour les formes uniques et les matériaux nobles, elle lui confie aussi la décoration de sa boutique Lanvin-Sport et la direction de Lanvin-Décoration. Après la démolition de l’hôtel particulier en 1965, les appartements privés de la commanditaire sont depuis conservés au Musée des Arts Décoratifs.
Art nouveau
Lustre à douze lumières
Émile Gallé (1846-1904)
Nancy, vers 1904
Verre soufflé, doublé, gravé à l’acide, monture en fer forgé
H. : 134 cm
Don de Henri Chardin, Paule Chardin, Arlette Thery et Georgette Delmay, en souvenir de leur mère, Madame Denyse Hannon-Chardin, fille d'Édouard Hannon, 1968
Émile Gallé, artiste polymorphe qui travaillait autant le verre, la céramique et le bois, emprunte encore une fois le motif de la « Berce des prés », fleur ombellifère que l’artiste ne cesse de décliner jusqu’à la fin de sa vie. On la retrouve en motif sur le verre ou sculpté en bronze. Les bras de lumière sont formés par les tiges des fleurs qui s’éclosent en petite coupole de verre, retenus au sommet par un large bouquet de feuilles.
Cette lampe en faïence bleu turquoise de Théodore Deck – couleur qui lui valut sa réputation et prendra même le nom de « bleu de Deck » – présente un décor de rinceaux dans le style mauresque. La monture en bronze est ajourée à la façon d’un moucharabieh. L’Orient devient une source d’inspiration féconde à partir des années 1860. Le motif du dragon en application doré sur le globe en verre dépoli présente lui une influence chinoise.
De style dit « troubadour », ce lustre à douze bras de lumière emprunte la forme d’une lampe à huile à l’antique ornée d’une frise de trilobes, suspendue par des chaines à une couronne de trèfles. Le motif du trilobe renvoie à une idéalisation de l’ornement médiéval. Le cul de lampe se termine par un culot en forme de pomme de pin stylisée.
Cette applique en bronze doré à trois bras de lumière se présente sous la forme de putti surmonté d’un grand panier fleuri et tendant à chaque bras un vase orné de fleurs. Les vases et le panier forment les bobèches. Le vocabulaire ornemental du panier fait référence au style Louis XVI, revisité. Ce type d’éclairage se présentait par paire ce qui permettait de les positionner de part et d’autre d’une cheminée par exemple.
Chaque candélabre est composé d’un pied hexagonal richement ornementé d’appliques en bronze doré sur lequel se tient une divinité de la mythologie romaine en bronze patiné : Mars reconnaissable à son armure et Minerve à son bouclier orné de la tête de Méduse. Quant à la lance qui est également un attribut des deux divinités, elle est ici transformée en bras de lumière à six bobèches. Le contraste entre les figures noires et les éléments dorés que permet la double patine est très répandu sous l’Empire.
Pour l’éclairage, les figures à l’antique s’invitent, devenant les portes lumières dans des compositions les plus variées. Ici les jeunes femmes drapées à l’antique soutiennent de leurs mains deux tiges maintenues par leur bouche, formant un enroulement qui s’épanouit pour accueillir le binet. L’ensemble repose sur une base triangulaire enrichie d’ornements en bronze doré déclinant tout un répertoire ornemental puisé à la source de l’Antiquité.
Les candélabres, tout comme les flambeaux, bras de lumière et girandoles pouvaient être réalisés en paire ou en suite de quatre ou de six afin d’assurer l’éclairage. À la fin du XVIIIe siècle, leur structure s’apparente souvent à celle du trépied, copié sur des modèles antiques connus par la gravure. S’y ajoute tout un répertoire ornemental lui aussi puisé à la source de l’antique : griffons, têtes de bacchantes ou de faunes, palmettes, pampres de vigne… Ce modèle offre six lumières et se posait sur le dessus de la cheminée, d’une commode ou encore d’une console.
La forme de ce candélabre est caractéristique des tâtonnements de la période Transition qui se libère des formes chantournées pour se rigidifier, se rapprochant du modèle antique de la colonne qui triomphera quelques années plus tard. La base circulaire ornée d’un tore de laurier stylisé et d’un rang de perles annonçant les motifs typiques du style Louis XVI, tandis que le fût et les bras sont encore emprunts des formes tordues et naturalistes de l’art rocaille.
Louis XV
Candélabre
Paris, vers 1740
Monture : bronze doré ; personnages : porcelaine de Meissen
À l’époque rocaille, les objets fonctionnels sont également décoratifs et destinés à s’intégrer harmonieusement aux différentes pièces de la maison. Parmi les sources d’éclairage, les flambeaux font partie des éléments les plus mobiles, ils peuvent être installés sur la tablette de la cheminée, les consoles, les tables et les bureaux. Pour autant certains sont de véritables œuvres d’art. Les marchands-merciers à la fois commerçants, décorateurs et prescripteurs de goût, suscitent la création d’objets composites tel ce candélabre à trois lumières de bronze doré orné de figures en porcelaine de Meissen, qui est surtout un objet de décoration exceptionnel.
La lumière dans les intérieurs est une préoccupation constante sous la Régence qui entraîne la multiplication des sources (bougeoirs, candélabres, lustres et bras de lumière) et des éléments pouvant la réfléchir (pendeloques de cristal et glace murale). Au-dessus de la cheminée, le trumeau de glace occupe toute la hauteur du mur, tandis que sur le mur opposé un autre miroir lui fait face. De part et d’autre des miroirs, sont fixés des bras de lumière dont la forme asymétrique offre deux sources lumineuses, vers le haut et au centre vers la glace. Des animaux font partie du décor : un dragon défie une sorte de lézard dont le corps sinueux épouse la forme du bras. La pièce, agrandie par cette perspective sans fin, revêt un caractère féérique, le soir venu, lorsque les flammes des bougies se reflètent dans les glaces.
Le bronze doré ou l’argent massif sont les deux matériaux de prédilection sous le règne de Louis XIV pour la réalisation des bras de lumière. À cette période, le bras de lumière comporte en général un seul binet, qui correspond à la partie cylindrique dans laquelle est placée la bougie. Le binet est lui-même placé sur une bobèche, partie circulaire destinée à recueillir les coulures de cire. Plusieurs bras de lumière pouvaient être accrochés par paire sur les murs d’une pièce, participant à son éclairage mais également au décor de celle-ci.
Le qualificatif de bras de lumière prend toute sa signification avec ce modèle qui figure deux avant-bras, droit et gauche, sortant d’une manche bouffante de pourpoint. Comme son nom l’indique, il est destiné selon sa forme à recevoir une ou plusieurs bougies et il est fixé aux murs, le plus souvent de part et d’autre de la cheminée. Avec les lustres, candélabres et flambeaux, ils assuraient l’éclairage de la pièce.
Le chandelier figure parmi les objets d’usage les plus répandus et démontre la présence récurrente du travail de fonderie dans tous les secteurs de la vie quotidienne. Cette paire en bronze doré, représentant un homme et une femme dénudés d’inspiration antique et réalisés en symétrie, atteste d’un souci d’esthétisme constant dans l’Europe de la Renaissance. Chacun d’eux soutient sur sa tête un vase godronné formant le binet.
Le lustre était suspendu au plafond ou à la voûte d’un intérieur. Cette pièce dont la tige moulurée est terminée par une figure de la Vierge entourée de rayons, a pu prendre place dans un intérieur privé ou une église. Six branches enroulées de rameaux soutiennent chacune une bougie (en cire, elle est plus onéreuse que la chandelle fabriquée en graisse animale), alors qu’un double mufle de lion tenant un anneau achève l’ensemble. Ce type d’éclairage artificiel, de même que les chandeliers et autres pique-cierges, prend le relais de la lumière naturelle à la tombée de la nuit.
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Années 2000-2020
Cabinet Settimio
Fernando (né en 1961) et Humberto (né en 1953) Campana
Italie, 2012
Bronze doré, bambou
H. : 230 cm - L. : 87 cm - Prof. : 75 cm
Achat grâce au mécénat de M. Placido Arango Jr., 2013
Ce cabinet s’inscrit dans une démarche singulière, celle des brésiliens Fernando et Humberto Campana qui œuvrent à la frontière du design, des arts appliqués et de l’art contemporain. Les deux frères conçoivent un design « tiré de la rue » avec, pour matériaux de prédilection, des objets de récupération, à priori étrangers à l’univers du design. Avec Settimio, ils travaillent toujours à partir d’éléments de récupération, mais ils introduisent de nouveaux matériaux comme le bambou et les éléments sont façonnés dans un atelier romain spécialisé dans le travail du bronze, selon la plus pure tradition des techniques artisanales d’orfèvrerie.
Années 1980-1990
Meuble Pod of Drawers
Marc Newson (né en 1963)
Prototype 1987, réalisation 1999
Feuilles d’aluminium rivetées sur bois, fibre de verre
H. : 130 cm - L. : 71 cm - Prof. : 40 cm
Achat à l’artiste grâce au mécénat de Fabergé, 1999
Les designers des années 1980 s’autorisent une certaine liberté dans leurs créations. Ce meuble est à la fois un hommage au chiffonnier Anthropomorphe du grand décorateur français André Groult, et une démonstration de la sophistication de l’agencement des plaques d’aluminium martelé à la main et riveté.
Années 1960-1970
Meuble Combi-center
Joe Colombo (1930-1971) ; édition Bernini
Italie, 1963-1964
Noyer, aluminium, plexiglas (et roulettes en plastique et acier)
H. : 185 cm
Achat grâce au mécénat de Michel et Hélène David-Weill, 1999
Ce meuble-container modulable à usage multiple, occupe le cœur de la pièce à vivre telle une sculpture. Le Combi-center est loin du buffet traditionnel à angles droits venant s’adosser au mur. Il bouleverse ainsi la typologie traditionnelle du meuble de rangement. Le rapport que les objets entretiennent à l’espace qu’ils occupent et à leurs utilisateurs, s’inscrit dans une nouvelle réflexion entamée par les designers dans les années 1960.
Années 1940-1950
Meuble TV-tourne-disque-bar
Antoine Philippon (1930-1995) et Jacqueline Lecoq (née en 1932)
Antoine Philippon et Jacqueline Lecoq offrent un bel exemple du renouvellement des typologies de mobilier qui s’opère à la fin des années 1950 avec ce meuble multifonction. Ce meuble répond aux besoins de place et à la généralisation de la télévision dans les foyers. Utilisant un matériau comme le Formica, le duo de créateurs rompt avec les codes du mobilier traditionnel qui prévalait jusque-là. Antoine Philippon et Jacqueline Lecoq contribuent ainsi à convertir leurs contemporains au mobilier moderne, fonctionnel, adapté par ses formes et ses matériaux à un nouveau mode de vie.
Modernisme
Coiffeuse-paravent
Eileen Gray (1878-1976)
France, 1926/1929
Pin de l’Orégon (pitchpin), contreplaqué, liège, aluminium, verre, traces de peinture bleu turquoise.
Conçue en 1926 par la créatrice irlandaise Eileen Gray, la coiffeuse-paravent, révolutionnaire dans sa fonction, vient offrir, une fois accrochée perpendiculairement au mur de la chambre, au-delà d’une simple fonction de rangement, un espace d’intimité dédié à la toilette. Ses lignes, épurées comme élégantes, répondent à l’architecture de la villa E 1027, icône de la modernité, conçue à quatre mains par Eileen Gray et Jean Badovici. Ici, les pièces de mobilier comme la coiffeuse-paravent répondent à tous les standards d’un nouveau mode vie où fusionnent dorénavant dans une forme de modernité lyrique l’espace, le corps et l’âme. Ce modèle-ci de coiffeuse fut conçu pour le studio de Jean Badovici à Paris dans ce même esprit moderne qu’à la villa E 1027 et dans l’intention de séparer le salon d’un minime espace intime.
Art déco
Chiffonnier anthropomorphe
André Groult (1884-1966)
Paris, vers 1925
Acajou gainé de galuchat, ivoire, argent
H. : 150 cm - L. : 77 cm - Prof. : 32 cm
Achat grâce au fonds du patrimoine, avec le concours des mécénats de Michel et Hélène David-Weill, de Mrs. Jayne Wrightsman, de Shiseido, de Fabergé et de la galerie Doria, 1999
Inventé au XVIIIe siècle, le chiffonnier est une commode haute à tiroirs, permettant de ranger le linge. André Groult revisite l’esthétique de ce meuble, avec des lignes courbes et organiques, évoquant celles d’un corps féminin. Composée de matériaux nobles comme le galuchat et l’ivoire, cette réalisation anthropomorphe est présentée dans la chambre de Madame aménagée par Groult, faisant partie du Pavillon de l’Ambassade Française, de l’exposition Internationale des arts décoratifs et industriels modernes de 1925.
Art nouveau
Armoire
Hector Guimard (1867-1942)
Paris, vers 1903
Poirier sculpté ; bronze ciselé et doré
H. : 252 cm - L. : 220 cm - Prof. : 67 cm
Don de Madeleine Pezieux au nom de Madame Léon Nozal, 1937
Cette armoire fait partie d’un ensemble mobilier provenant de la chambre à coucher de l’hôtel Nozal, qu’Hector Guimard construisit de 1904 à 1906 à Paris. Peu connu et mal documenté car détruit dès 1957, l’hôtel Nozal reste l’une des grandes constructions de Guimard dont il pense entièrement le décor et l’aménagement intérieur. Réalisé en poirier ciré, son décor sculpté évoque une flore stylisée aux lignes fines et courbes qui deviennent la signature du style Art nouveau.
Second Empire
Meuble d’appui
Louis-Auguste-Alfred Beurdeley (1808-1882)
France, vers 1880
Bâti en cèdre, placage de palissandre de Rio, de sycomore pour la ceinture, en noyer pour l’intérieur des tiroirs, bronzes dorés, marbre, panneaux peints à l’huile et vernis
H. : 106 cm - L. : 158 cm - Prof. : 47 cm
Legs de Mme Andrée Sablé, née Andrée Laure Néret, provenant de la collection de son père, M. Georges Néret, 1978
La maison Beurdeley, dirigée par Louis-Auguste-Alfred Beurdeley puis par son fils Alfred-Emmanuel-Louis dès 1875, travaillant le bois et le bronze, se spécialise dans la copie de mobilier du XVIIIe siècle. L’influence est visible autant dans la forme que dans le décor de ce meuble. La marqueterie de palissandre en chevron, les panneaux peints et vernis des trois vantaux, ainsi que l’emploi de frises de rinceaux fleuris, de feuilles d’eau, de rubans et de perles, dont l’exécution est particulièrement minutieuse, sont issus du répertoire de style Louis XVI.
Louis-Philippe
Commode-secrétaire
Louis-Alexandre Bellangé (1797-1861)
Paris, vers 1840
Bâti en chêne et peuplier sur les côtés, placage d’ébène et de palissandre, poirier noirci, cuir, marbre, bronzes dorés
Prenant la succession de son père, Louis-Alexandre Bellangé obtient les fonctions de fournisseurs de la maison du roi sous la Restauration. Cette commode relève à la fois de la recherche de fonctionnalité, de l’iconographie inspirée de la Renaissance ainsi que de l’usage de bois sombres, prisés à l’époque. Au centre des vantaux, des bas-reliefs en bronze doré de deux femmes drapées représentent l’Étude, un ouvrage dans les bras, et la Géographie près d’un globe. La serrure est dissimulée dans la bouche d’un mascaron.
Restauration
Armoire à glace
Vers 1820-1825
Bâti en chêne et peuplier, placage d’acajou ronceux, bois résineux pour la corniche, bronze ciselé et doré, glace, textile d’origine au revers de la porte
H. : 224 cm - L. : 120 cm - Prof. : 53 cm
Don de Monsieur Fournier en souvenir de sa soeur Mademoiselle Fournier, 1922
L’armoire à glace, récemment apparue à cette période, finit par détrôner la psyché (miroir sur pied) par son gain de place et sa double fonctionnalité. Celle-ci comprend un autre élément pratique : une applique à quatre lumières au-dessus de chaque montant. Le miroir en plein cintre est entouré d’une frise de roses. Les ornements en bronze, simples et délicats de couronne de laurier, de palmes et de rosaces sont encore issus du répertoire néoclassique. En revanche les montants en colonnette à double poire sont évocateurs, eux, du style Restauration.
Empire
Somno
France, vers 1805
Bâti en chêne et bois résineux, acajou ronceux plaqué, intérieur en bois résineux teinté rouge, bronze doré, marbre blanc
Le « somno », signifiant « pour le sommeil » en latin, est un meuble nouvellement apparu sous l’Empire. Il désigne une forme particulière de table de nuit ou de chevet. Plaqué d’acajou et surmonté d’une tablette en marbre pouvant recevoir le verre d’eau de la nuit, celui-ci emprunte sa forme à un autel antique. Derrière une porte, se trouvent deux étagères pouvant accueillir le pot de chambre. L’application d’ornements en bronze doré, une torche – symbole de la nuit – entourée d’une couronne de laurier sur ce bois sombre, est caractéristique du style Empire. Sur des roulettes, il est facilement déplaçable pour être disposé autour du lit.
Directoire / Consulat
Commode
Joseph Stöckel (1743-1802), ébéniste
Paris, vers 1790-1795
Bâti en chêne, acajou, placage d’acajou moucheté, bronze ciselé et doré, marbre blanc
Bien qu’un style propre au Directoire et au Consulat s’établisse au cours de ces deux régimes politiques, la silhouette générale de la commode n’en est pas affectée. Elle obéit toujours à des lignes architecturales renforcées ici par les montants en forme de demi-colonnes cannelées. On privilégie alors les grands placages d’acajou soulignés par de discrets bronzes. Cette commode s’ouvre à l’aide de deux battants dissimulant trois tiroirs intérieurs et un tiroir en ceinture qui s’accompagne de deux plus petits sur les côtés, pivotant sur un axe. Les côtés de la commode s’ouvrent également, formant deux petites armoires tandis que les montants cannelés pivotent au moyen d’un bouton secret et découvrent trois petites étagères.
Louis XVI
Commode
Jean-François Leleu (1729-1807), ébéniste
Paris, vers 1785
Bâti en chêne, pieds et montants en acajou massif, placage d’acajou, bronze doré, marbre brèche d’Alep
À l’époque de Louis XVI, la commode renoue avec la silhouette qui fut la sienne à ses débuts : pieds peu élevés, ouverture par différents rangs de tiroirs et structure rectiligne. Sur cette commode, deux grands tiroirs sont complétés par un tiroir plus petit, dit « de ceinture », situé juste sous le dessus de marbre. L’ébéniste a donné ici un très léger mouvement courbe aux côtés qui dans la continuité des montants semi-arrondis et creusés de trois cannelures, adoucit le côté architectural du meuble. Les bronzes sont discrets et ils soulignent chaque panneau d’acajou pour les mettre en valeur. Les poignées sont de simples disques de bronze doré bordés d’un anneau amovible afin d’en faciliter la prise.
Transition
Commode
Louis Aubry, estampille
Paris, vers 1775
Bâti : chêne ; placage : bois de violette, bois de rose, buis, sycomore, charme ; marbre ; bronze doré et ciselé
La distribution verticale du décor en trois registres ainsi que le léger ressaut de la partie centrale caractérisent les commodes dite « Transition ». De plus, cette nouvelle façon d’envisager le décor nie l’horizontalité des tiroirs dont la présence est révélée par les anneaux de tirage. En outre, il n’y a plus une seule partie galbée, hormis les pieds, mais une rigueur géométrique renforcée par l’emploi du frisage. Préférée aux marqueteries de fleurs au naturel, cette technique de placage se généralise. L’utilisation du bronze doré pratiquement réduit à sa seule fonction utilitaire (chutes d’angle, poignées, entrée de serrure et sabots) témoigne des recherches stylistiques en cours à la période Transition contre les excès de la rocaille qui menèrent à l’élaboration du style dit « à la grecque ».
Louis XV
Commode
Attribuée à Jean Demoulin (1715-1798)
Paris, vers 1745
Bâti en chêne, vernis Martin, laque de fond noir, bronze ciselé et doré, marbre brèche d’Alep
Les années 1740 sont marquées par l’éclosion d’un goût nouveau, la chinoiserie qui a pour origine l’importation massive d’objets d’Extrême-Orient collectionnés par les amateurs d’exotisme. C’est dans ce contexte que se développe le vernis Martin, technique visant à imiter celle des laques orientales pour recouvrir boiseries, meubles, carrosses et objets du quotidien. Le décor de cavaliers, en raison de sa composition, du choix des couleurs et du relief atteste de la grande maîtrise du vernisseur. Guidé par les idées du marchand-mercier qui a suscité cette création, l’ébéniste a procédé au montage du panneau, découpé avec habileté pour créer les deux tiroirs et intégrer, subtilement, les poignées de bronze doré au décor.
Régence
Commode en tombeau
Attribuée à François Garnier
France, vers 1740
Bâti en chêne, placage de bois de violette, bronze ciselé et doré, marbre
Meuble à tiroirs destiné au rangement du linge, la commode est placée dans la chambre à coucher, souvent accompagnée d’encoignures coordonnées et placées dans les angles de la pièce. La quantité de tiroirs est variable, sur celle-ci les six poignées induisent en erreur car elles correspondent à deux petits tiroirs sous le marbre et deux grands tiroirs en partie basse. Le rôle des bronzes dorés comme du plateau de marbre est autant protecteur que décoratif. Les arêtes, les pieds et le dessus de la commode sont ainsi protégés des chocs et dégradations éventuels.
Louis XIV
Commode en tombeau
Paris, vers 1700
Bâti en sapin et noyer, décor peint et vernis, bronzes vernis, marbre Portor
Inventée sous le règne de Louis XIV, la commode est le résultat d’une évolution et d’un compromis entre le coffre et le cabinet. Comportant des tiroirs en façade, elle offre une plus grande facilité de rangement que le coffre. Les premières commodes reposent sur des pieds peu élevés et présentent généralement trois rangs de tiroirs. Le décor de celle-ci est réalisé au vernis visant à imiter dans les fonds, le motif du marbre Portor qui lui sert de dessus et au pourtour la marqueterie dite Boulle, technique de placage particulièrement sophistiquée.
Louis XIII
Cabinet
France, vers 1650
Bâti en résineux (corps supérieur), chêne et résineux (piétement), acajou ou amarante (tiroirs du caisson), placage d’ébène, poirier noirci, ivoire teinté
H. : 168 cm - L. : 154 cm - Prof. : 55 cm
Achat avec le soutien de M. et Mme Emilio Ferré par l'intermédiaire du Comité international et grâce aux dons versés lors du dîner de gala pour la réouverture du Musée des Arts décoratifs, 2007
Ce meuble caractéristique du XVIIe siècle français est certes un meuble de rangement mais avant tout d’apparat en raison de ses matériaux constitutifs : ébène sculpté et gravé, ivoire ondé et teinté à l’imitation des pierres dures. Ces deux vantaux s’ouvrent sur un caisson intérieur qui peut être décoré comme un petit théâtre entouré de plusieurs rangs de petits tiroirs. On y renfermait des bijoux ou de menus objets précieux.
L’importance du coffre (omniprésent au Moyen Âge), ne se dément pas à la Renaissance où il se pare d’un décor recherché, marqué par le style italianisant. Il est composé en façade d’un long panneau assemblé à tenons et mortaises et figure quatre des douze travaux d’Hercule, scandés par des pilastres cannelés à chapiteau, sous des arcs en plein cintre sur fond d’architecture (« tempietto », niches, loggias et dôme). L’inspiration des références antiques véhiculées par la gravure est visible : l’image du lion de Némée s’avère ici très proche de celle réalisée sur les plaquettes de bronze par l’orfèvre italien Moderno vers 1500.
À la fois meuble de rangement et d’apparat, le dressoir, issu d’une structure simple, se perfectionne dans la seconde moitié du XVe siècle. Il est habituellement constitué de deux parties. Le corps supérieur qui peut être à pans coupés, est pourvu ici d’un vantail fermé sculpté à orbevoie, orné d’une serrure et d’un écusson représentant un château pris dans un fenestrage (les armoiries affirment l’appartenance au propriétaire). On y range des objets de valeur. Les panneaux latéraux sont eux aussi sculptés dans le style gothique français. La base est quant à elle le plus souvent évidée pour permettre d’y montrer un bassin ou un autre objet de céramique ou d’orfèvrerie. Cette forme perdurera au XVIe siècle, où elle s’enrichit de motifs venus d’Italie.
2000
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1980
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Années 2000-2020
Années 2000-2020
Au début du XXIe siècle, la mondialisation de l’économie favorise le développement du design. Si certains pays comme l’Afrique, l’Inde ou les pays d’Amérique du sud - que l’on n’associait pas jusque-là au design - interviennent sur la scène internationale, le Japon, l’Italie, les États-Unis et les pays scandinaves sont encore particulièrement présents.
L’aspect écologique et « durable » des objets est devenu une des préoccupations majeures des designers qui s’appliquent à créer des produits facilement recyclables ou composés de matériaux écologiques respectant la nature. Parallèlement, on assiste à une révolution technologique avec l’impression 3D apparue à la fin du XXe siècle.
Années 1980-1990
Années 1980-1990
Les années 1980-1990 marquent la fin de la guerre froide qui divise le monde en deux blocs depuis 1947.
En France, l’arrivée au pouvoir en 1981 de François Mitterrand amorce une période de changements dans la société. Il encourage la création artistique qui ne se définit plus en une tendance mais en une multiplicité de styles portés par des artistes aux identités contrastées. Les formes architecturales et les couleurs exubérantes côtoient les formes très épurées, minimalistes et le règne du noir et blanc.
La chute du mur de Berlin le 9 novembre 1989 marque la fin de la décennie et ouvre sur une nouvelle ère marquée par la robotique et la technologie avec la naissance d’Internet.
Années 1960-1970
Années 1960-1970
Si la France vit en paix depuis la fin de la guerre d’Algérie (1962), l’Europe est partagée par le rideau de fer entre Est et Ouest. C’est le temps de la Guerre froide. Les conséquences du choc pétrolier (1973) marquent la fin des « Trente Glorieuses » et de la prospérité économique. Les années 1960-1970 sont celles de la révolte sociale et culturelle.
Les enfants du baby boom, génération née après la guerre, contestent le mode de vie de leurs parents. Ils rêvent de liberté et de voyages. Ils dénoncent la violence mais aussi le règne de la consommation et revendiquent l’égalité entre les hommes et les femmes dans des grands mouvements comme celui de mai 1968.
Avec le développement des villes et de nouveaux modes de vie, plus libres, on voit apparaître une explosion de formes, de couleurs et de matériaux dans la maison. À la recherche du bien-être correspond le règne des nouveaux matériaux (mousse, résine, jersey) et des lignes souples qui permettent de généreuses formes arrondies et de belles couleurs vives.
Années 1940-1950
Années 1940-1950
La France sort détruite de la seconde guerre mondiale. La reconstruction et la modernisation du pays vont permettre, malgré les tensions internationales et la décolonisation, le développement des « Trente Glorieuses ». Ce terme désigne la période comprise entre 1945 et 1975. Elle se caractérise par une forte croissance économique et l’augmentation du niveau de vie d’une grande majorité des populations des pays développés.
Après les années sombres de la guerre, la natalité augmente, c’est le « baby-boom ». Les campagnes se dépeuplent au profit des villes. Tout le monde veut accéder au confort moderne et aux loisirs. On se précipite au Salon de l’auto comme au Salon des arts ménagers qui réouvre ses portes en 1948 au Grand Palais. On y trouve toutes les dernières innovations pour la maison de l’électroménager au mobilier.
Si le goût pour les pièces uniques et les belles matières existe toujours, le changement de mode de vie et la modernisation de l’habitat amènent aussi à la production de meubles aux formes simples, pratiques, confortables. Ils sont produits en série pour en minimiser le coût et être accessibles au plus grand nombre. Les créateurs utilisent tous les matériaux traditionnels comme le bois, le cuir, le rotin mais également les dérivés du bois (contreplaqué) ainsi que les matériaux industriels (aluminium, acier…) ou ceux de la chimie moderne (matières plastiques).
Modernisme
Modernisme
Après la première guerre mondiale, dans l’Europe ruinée et détruite, il faut rapidement et à moindre coût reconstruire des milliers de logements. En Allemagne, les professeurs et les étudiants d’une grande école d’architecture, le Bauhaus, expérimentent des solutions nouvelles pour apporter au plus grand nombre un habitat et des objets du quotidien à la fois fonctionnels (adaptés, pratiques, confortables) et beaux. Ils s’appuient sur des formes simples et des matières industrielles comme le tube de métal.
En France, à la même époque, les architectes et designers Le Corbusier et Charlotte Perriand travaillent également dans cet esprit. Le designer est celui qui conçoit des objets nouveaux dans leurs formes, leurs matériaux, en tenant compte des usages des utilisateurs et des progrès techniques.
Les habitations étant plus petites que dans le passé, la distribution et l’aménagement des pièces sont conçus pour optimiser l’espace à vivre. Le salon et la salle à manger sont réunis pour former ce que l’on appellera un living-room. Les rangements (étagères, placards, tiroirs) sont directement intégrés dans l’architecture et les meubles se font moins nombreux. A la fois légers et polyfonctionnels, ils peuvent facilement être déplacés et utilisés selon les besoins.
Art déco
Art déco
À la veille de la première guerre mondiale, l’Europe est au centre du monde. Sa puissance économique et technologique est incontestée mais la paix elle est sérieusement menacée par les rêves de grandeur des nations qui la composent. La menace gronde et explose avec l’attentat de l’archiduc héritier François-Ferdinand à Sarajevo en 1914. Dès lors c’est l’engrenage : l’Autriche attaque la Serbie. Les Russes mobilisent leurs troupes pour secourir les Serbes, ce qui entraîne un ultimatum allemand à la Russie, la mobilisation générale en France, puis l’entrée en guerre de l’Allemagne et de l’Angleterre. Le gouvernement français prévoit une guerre courte, deux à trois mois tout au plus. Elle durera quatre ans et tuera plus d’un million et demi de soldats français.
L’après-guerre est marqué par l’envie d’oublier l’horreur des tranchées. Ce sont « Les années folles », courte parenthèse avant la grande crise des années 1930. Les américains venus combattre ont apporté le jazz qui fait fureur. Une danse, qui vient de la ville de Charleston, connait un grand succès. Ses mouvements rythmés accompagnent la mode des robes fluides et courtes, des colliers portés en sautoirs et des cheveux courts coupés « à la garçonne ».
La compétition économique entre les pays fait rage et chacune rivalise d’inventivité pour se distinguer comme lors de la grande exposition Internationale des Arts décoratifs industriels et modernes de 1925 qui se tient à Paris. On retiendra le terme d’Art déco pour décrire les formes et les décors réalisés entre 1910 et 1925. Architecture, décoration intérieure, mobilier, mode, tous les domaines des arts décoratifs sont touchés par cette nouvelle façon de voir le beau et l’harmonie. La ligne droite remplace la ligne courbe en vogue à la période précédente (Art nouveau). Influencé notamment par le mouvement cubiste (Picasso, Braque, Cézanne…) et les arts primitifs (Afrique, Océanie), l’Art déco joue avec les formes géométriques. Il puise son inspiration dans les siècles passés tout en y apportant de la modernité.
Art nouveau
Art nouveau
La période comprise entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle est marquée par les progrès techniques et économiques. On l’appellera la « Belle Époque ». La Tour Eiffel inaugurée pour l’Exposition Universelle de 1889 et le Métro pour celle de 1900 témoignent bien de ces avancées vers un monde moderne.
Un vent nouveau souffle sur l’Europe et les artistes lassés de se tourner vers le passé, cherchent l’inspiration dans la nature et le Japon. Cet « Art nouveau » veut s’appliquer à tous les espaces et tous les domaines de l’architecture au mobilier et de la mode au graphisme. Il se caractérise par une ligne courbe des couleurs claires et puise dans le jardin sa principale inspiration.
Second Empire
Second Empire
Louis Napoléon devient empereur sous le nom de Napoléon III le 2 décembre 1852. Son règne est marqué par un formidable essor économique de la France. En 1870, la défaite de Sedan met fin à l’aventure impériale.
Le Second Empire, c’est le temps de la révolution industrielle et du développement des villes. Napoléon III veut moderniser Paris. Le préfet Georges-Eugène Haussmann transforme la capitale en créant de grands boulevards pour faciliter la circulation. Il aménage un nouveau quartier autour de l’Opéra construit par l’architecte Charles Garnier. C’est aussi le temps des expositions universelles. La première a lieu au Crystal Palace à Londres en 1851 et la deuxième se déroule à Paris en 1855. Les pays y présentent leurs plus beaux produits et chacun rivalise d’inventivité pour prendre la tête des marchés économiques.
Autour de l’impératrice Eugénie s’organise toute une vie de cour avec des fêtes somptueuses. Elle lance la mode et soutien l’industrie du luxe en portant de belles et couteuses robes. Au milieu du XIXe siècle, les artistes s’inspirent du passé et regardent vers des horizons lointains comme l’Orient. Ils découvrent des formes et des motifs qu’ils interprètent pour créer des œuvres nouvelles. Ce mélange de différentes sources d’inspiration que l’on appelle l’éclectisme, concernera toute la seconde moitié du XIXe siècle.
Empire
Empire
De 1789 à 1799, la période révolutionnaire est marquée par une grande instabilité politique, économique et sociale. Le général Bonaparte profite de la situation pour prendre le pouvoir par un coup d’État en novembre 1799. Il entreprend de réorganiser l’administration du pays et aujourd’hui encore le Code civil (ensemble des textes de loi qui réglementent la façon de vivre ensemble) constitue le fondement du droit français pour tous les citoyens.
Fort de sa popularité, il se fait sacrer Empereur en 1804. Dès lors Napoléon peut exercer un pouvoir absolu. Il poursuit son rêve de conquête à travers l’Europe par la guerre et l’installation des membres de sa famille à la tête des pays conquis.
En 1814, les Prussiens, les Russes et les Autrichiens occupent la France. Louis XVIII, frère de Louis XVI, est placé sur le trône. Malgré les Cent-Jours où il parvient à rétablir son pouvoir de mars à juin 1815, Napoléon est exilé sur l’île de Sainte-Hélène, où il meurt en 1821.
Pendant la période du premier Empire, les formes architecturales et les lignes droites obéissent à l’ordre et à la symétrie. Elles suivent les codes d’une beauté considérée comme idéale et puisent leur source d’inspiration dans l’Antiquité grecque et romaine.
Louis XVI
Louis XVI
Le XVIIIe siècle connait d’importants progrès scientifiques et les découvertes se multiplient. De la loi sur la gravité du physicien Newton au développement de la botanique par Buffon, les savants fondent leurs recherches sur l’expérience et la raison. Les voyages et les explorations contribuent à une meilleure connaissance du monde. Les philosophes, les penseurs, comme les humanistes de la Renaissance, s’intéressent à tous les domaines. Dans leurs écrits, ils critiquent la politique, la religion, la société et défendent des valeurs comme la tolérance, la liberté, l’égalité. Ce mouvement d’idées, appelé Les Lumières, rayonnera dans toute l’Europe pendant le XVIIIe siècle.
« L’Encyclopédie », immense dictionnaire des sciences, des arts et des métiers, témoigne de la volonté des Lumières de partager la connaissance et combattre l’ignorance. Sous la direction des philosophes Diderot et d’Alembert, l’encyclopédie comprend 35 volumes dont 11 sont illustrés.
Petit fils de Louis XV, Louis XVI dirige la France dès l’âge de 20 ans. Il hérite d’un royaume en grande difficulté. La répartition des richesses et des impôts est injuste et la colère gronde. Sous la pression, Louis XVI convoque les représentants des trois ordres (la noblesse, l’église et les tiers état ou représentants du peuple) qui attendent des changements dans la façon de gouverner le pays. Face à au refus du roi, les États généraux font le serment de ne plus se séparer avant d’avoir donné une constitution au pays. Elle consacre la fin des privilèges et établit la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen.
Dans les intérieurs, la période adopte des formes simples et des lignes droites, légères, élégantes. On aime les couleurs douces et les tissus aux reflets glacés. La dorure à la feuille très utilisée pour enrichir les sièges, les meubles et les boiseries offre des subtilités grâce à ses effets mats ou brillants.
Louis XV
Louis XV
Louis XV est l’arrière-petit-fils de Louis XIV. Son règne (1715-1774) est marqué par la paix et la prospérité économique du pays. Pour répondre à la demande d’une riche clientèle, les architectes et les décorateurs aménagent des appartements privés où l’on recherche plus de confort et d’intimité. Les pièces se font plus petites et plus chaleureuses, les plafonds moins hauts, les boiseries sont peintes dans des couleurs douces et délicates. Ces intérieurs deviennent l’écrin d’un art de vivre élégant et raffiné.
Le décor intérieur est considéré comme un ensemble. Les lignes, les couleurs et les motifs sont choisis pour s’harmoniser du mobilier (fauteuils, tables…) jusqu’aux objets décoratifs (vases, chandeliers…).
En réaction à l’époque Louis XIV où le mobilier était à l’image de son monarque, imposant et majestueux, le mobilier Louis XV se caractérise par sa légèreté. Il invite au confort et à la détente. Les formes s’arrondissent. Les pieds des meubles prennent des formes courbes jusqu’à, parfois, se transformer en de gracieux sabots de biche.
Les collectionneurs et les cours européennes se passionnent pour les objets venus de Chine. Ils seront copiés et interprétés par les créateurs français pour mieux correspondre au goût de l’époque. La période Louis XV voit l’épanouissement de cette mode. Pagodes et pivoines, singes et dragons, c’est un monde exotique et enchanté qui inspire la décoration des intérieurs comme des objets.
Louis XIV
Louis XIV
Surnommé le « Roi Soleil », Louis XIV a eu le plus long règne de l’histoire de France (1643-1715). Il porte le pays et l’absolutisme royal à un niveau d’excellence pour plus d’un siècle en assurant son rayonnement sur tout le continent européen. Roi guerrier, Louis XIV se présente aussi comme le protecteur des arts et des sciences.
Collectionneur, mécène, il soutient la création et fait construire à Versailles un palais à la dimension de sa puissance. Il rassemble tous les savoir-faire et organise toutes les forces de production pour réaliser son rêve de pierre, d’or, de verdure, d’eau et de lumière. Il y organise des fêtes somptueuses et, en fin stratège, réunit près de lui une grande partie de la noblesse pour mieux la contrôler. Tout est organisé selon l’étiquette ou ensemble des règles qui régissent la vie de la cour.
C’est le ministre Jean-Baptiste Colbert qui sera chargé de développer les grandes manufactures françaises. Dans le domaine du mobilier, de la céramique ou encore du verre, les lieux de fabrication des objets (sièges, assiettes, vases…), soutenus par le pouvoir royal, connaissent un formidable essor économique et une réputation à l’échelle européenne.
Renaissance
Renaissance
La Renaissance est une période de l’histoire synonyme de renouveau dans les arts. Elle débute en Italie, aux XIVe et XVe siècles, puis gagne toute l’Europe. Elle se termine vers la fin du XVIe siècle. Cette époque marque la fin du Moyen Âge et le début des « temps modernes ».
La Renaissance annonce un grand bouleversement dans la façon de penser et de représenter le monde. Alors qu’au Moyen Âge, on trouve dans la religion toutes les explications à la marche du monde, la Renaissance place l’Homme et la science au centre de ses réponses. Grâce à l’invention de l’imprimerie par Gutenberg (vers 1454), les idées des humanistes ou penseurs sont diffusées largement en Occident.
Les artistes de la Renaissance s’inspirent de l’Antiquité grecque et romaine. Ils utilisent des techniques nouvelles comme la représentation de la perspective et la peinture à l’huile. Le roi François Ier fait venir d’Italie de nombreux artistes comme Léonard de Vinci. Les châteaux forts se transforment en châteaux de plaisance (Chambord, Chenonceau, Fontainebleau…) où tout est fait pour le plaisir et les loisirs. De plus larges ouvertures font entrer la lumière dans les palais richement meublés et élégamment décorés.
Moyen Âge
Moyen Âge tardif
Dans l’histoire de l’Occident, le Moyen Âge se situe entre l’Antiquité gréco-romaine, qui prend fin au Ve siècle, et la Renaissance qui commence à la fin du XVe siècle. C’est une très longue période (mille ans environ) qui a longtemps été considérée comme froide et obscure. C’est pourtant à cette époque que sont posées les bases de notre société et de notre culture. Les collections médiévales du Musée des Arts Décoratifs témoignent de l’art de vivre mais aussi des savoir-faire des artisans au Moyen Âge.
La période est marquée par les guerres. Les villages s’organisent autour des châteaux forts construits en hauteur pour mieux voir arriver l’ennemi ! Murailles et douves, donjon et pont levis, tout est pensé pour abriter et défendre les habitants du château.
À l’intérieur, une grande salle sert à toutes les occasions. On y mange et on y dort mais on y accueille aussi les invités pour les fêtes et les assemblées. Elle n’est pas très confortable. Éclairée à la chandelle et chauffée par la cheminée, il y fait sombre et froid. Dans les riches demeures, des boiseries et des tapisseries habillent les murs pour réchauffer la pièce mais aussi la décorer.
Le mobilier est essentiellement composé de coffres. Construits dans des bois solides comme le chêne, ils servent à entreposer les vêtements comme les ustensiles de cuisine. Pratiques, ils peuvent rapidement être déplacés en cas de fuite et d’attaque du château. Le lit ressemble un peu à une cabane. Il a un toit appelé « ciel de lit » et est entouré de lourds rideaux en laine pour empêcher l’air froid de rentrer.